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UNE BRAVOURE RECUPERABLE

Publié le par Cositas de toros

Publication parue dans la revue Toros N° 2053-54 du 28 juillet 2017 dans la rubrique CHRONIQUE DU TEMPS, sous la plume de Manolillo.

Il n’est plus contesté ni contestable que la bravoure du toro bravo n’est plus ce qu’elle était, la partie la plus visible du phénomène étant le manque chronique d’enthousiasme manifesté par le bovin dans sa rencontre avec l’équidé. L’aficionado, qui considère à juste titre la bravoure comme fondamentale, se désespère, isolé dans un environnement insensible à ce signe de décadence. Cela étant acté, qu’est-il possible de faire ? Existe-t-il une solution au problème, ou faut-il considérer la situation irrémédiablement compromise comme on le dit d’une activité commerciale au bord de la faillite ? Sans attendre la fin des sanfermines, dans un article paru le 7 juillet, jour symbolique de San Fermin, le docteur agronome Antonio PURROY, professeur à l’université publique de Navarre (UPNA) de Pamplona, tente de répondre à la question. Il apporte en tout cas, du haut de sa compétence technique, des éléments capitaux pour nourrir le débat.

Non, la situation actuelle du toro de combat n’est pas irrémédiablement compromise. Antonio PURROY est formel : "Beaucoup d’éleveurs actuels pourraient retrouver le chemin de la bravoure et de la noblesse "encastée" en peu de générations de leur élevage, parce qu’ils ont des connaissances suffisantes pour le faire. Il est plus facile de passer de la noblesse –plus ou moins "encastée"- à la bravoure, que le contraire. Prétendre maintenir seulement la noblesse est très difficile et peut dériver en sourde et dangereuse mansedumbre, comme on l’a vu dans suffisamment d’élevages".  Un plan de sauvetage est donc envisageable. La bravoure du toro n’est pas définitivement perdue. Ne serait-ce que parce qu’elle "se transmet de père en fils, plus rapidement que la noblesse, ayant un fort coefficient d’héritabilité".

De là, l’inévitable conflit, ou présumé tel, entre la bravoure et la noblesse, entre toristas présumés exclusivement attachés à la bravoure, tandis que les toreristas ne s’intéresseraient qu’à la noblesse. Ce sont moins les connaissances d’Antonio PURROY, que sa qualité d’aficionado, qui le conduit à répondre sans tomber dans le piège simpliste. Non les aficionados ne sont pas contre la noblesse du toro de lidia. Ils demandent "d’obtenir une  nouvelle dose de bravoure, sans pour autant perdre l’essence de la noblesse", permettant la récupération d’un toro qui n’aurait jamais dû perdre sa capacité "d’affronter les trois tiers équilibrés de la lidia." "Un toro brave doit défier le cheval, se grandir dans le châtiment, montrer son envie de charger ; ensuite réagir aux banderilles ; une fois arrivé à la muleta, il doit répéter la charge avec une noblesse "encastée", qui transmette l’émotion dans les tendidos, et qui exige être dominé par le torero pour ensuite créer de l’art avec émotion", écrit Antonio PURROY. On ne saurait dire juste mieux, et il est réconfortant de penser que, nonobstant les susceptibilités et les disputes, les moyens techniques d’y parvenir existent encore.

On s’en doutait un peu, on l’avait deviné au-delà des polémiques : ce n’est pas le défaut de moyens qui empêche le retour de la bravoure du toro de combat, plutôt les sensibilités. De plusieurs ordres. La sensibilité du public qui a changée avec le temps. La sensibilité des éleveurs, des taurins, qui cherchent à s’adapter. A n’importe quel prix. Avec raison, Antonio PURROY pointe la responsabilité collective du monde taurin, et donc celle des aficionados et des médias taurins, dans "l’éducation erronée du public", aboutissant à la désaffection du  tercio de varas  et à la création d’un art sans émotion. Il écrit : "Les responsables d’éduquer le grand public dans la bonne direction sont les aficionados, étant donné que, sauf rares exceptions, il y a peu à attendre des médias généralistes". A condition, comme on l’a vu, que la zizanie ne règne pas à l’intérieur. Il est certain que si ce n’est pas l’ensemble des aficionados, toutes chapelles confondues, qui réclament "un toro véritablement brave, avec une noblesse "encastée" générant émotion et beauté durant la lidia" puisque c’est possible, aucun changement ne se produira.

Et les éleveurs, les fabricants de toros dans tout ça, que pensent-ils, que font-ils ? Doit-on faire leur procès ? Peut-être. Soumis à une obligation de plus en plus pressante de rentabilité, ils se sont inclinés, outre l’éducation erronée du public, devant "l' affairisme taurin", avec au premier rang l’exigence des toreros. Lucide, Antonio PURROY ne demande pas que l’on raye d’un trait de plume l’encaste Domecq "qui inonde tous les coins de l’élevage brave espagnol", "une démarche difficile, voire impossible", mais que l’on demande, exige des éleveurs propriétaires de cet encaste dans ses différentes variantes,  "qu’ils reviennent sur le chemin de la bravoure, afin de récupérer une bravoure intégrale qui n’aurait jamais dû se perdre", leur responsabilité étant particulièrement grande dans l’avenir de la Tauromachie . A l’occasion des pèlerinages au campo qu’ils affectionnent tant, il est de celle des aficionados, entre deux tapas, de le leur rappeler fermement. Puisque c’est possible.

Restituer la bravoure au toro bravo paraît être la moindre des choses.

...

CQFD

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