A propos des publications sur l'Art de la Pique
Nous terminons ce dossier par une communication de notre abonné Marc ROUMENGOU précisant les versions et modifications postérieures au textes cités précédemment.
Qu'il en soit ici, remercié.
L’ART DE LA PIQUE
(1) LA PIQUE ET SON MONTAGE - publié le 15 janvier 2018
Il est indiqué que ce texte avait été édité en 1988. C’était l’époque où était en vigueur le Règlement Espagnol des Spectacles Taurins (REST) daté du 15 mars 1962, mais il y a eu deux versions postérieures (28.2.1992 et 2.2.1996) qui ont apporté un certain nombre de modifications, certaines d’entre elles contredisant le texte cité.
En tout cas, et de tout temps, la pique (esp. : puya) montée sur sa hampe (esp. : vara) a constitué et constitue la garrocha et non la pique.
« … et envoyées par le fabricant à l’union des criadores de toros de lidia à Madrid pour être vérifiées et contrôlées.
« Si elles sont reconnues conformes lors de ce contrôle, cet organisme apposera sur le buttoir de cordelette vernis, une bande de papier portant son cachet, la date de vérification et le numéro de chaque puya. L’inscription sera en rouge pour les piques utilisées en novillada et en noir pour celles devant être employées en corrida de toros, attestant ainsi que la puya est règlementaire et de bonne qualité. Un certificat récapitulant les numéros des 18 puyas contenues dans une caisse sera joint à l’intérieur de celle-ci. La caisse sera plombée pour éviter toute fraude. »
Tout cela a disparu depuis le règlement espagnol des spectacles taurins daté du 28 février 1992. La corde qui entoure le pseudo-buttoir n’est pas vernie, mais encollée.
« Le délégué, …, vérifie les numéros des piques qu’elle contient avec ceux du certificat joint. »
Cette phrase n’existe plus : depuis le 28.2.1992 il n’est plus prévu de certificat (puisqu’il n’y a plus de contrôle préalable), et s’il y en a un, il s’agit d’un faux. De même que la bande de papier entourant la boîte des piques et son couvercle, est un faux scellé apposé par le fabricant lui-même.
Par ailleurs :
1/ le REST n’a jamais connu de délégué aux piques mais un délégué de l’autorité (esp. : de la Autoridad), jusqu’à courant février 1992, puis un délégué gouvernemental (esp. : Gubernativo) à compter du 28.2.1992.
2/ jusque là, les piques n’étaient pas envoyées à l’“Union de Criadores de toros de lidia” mais le REST disait qu’elles devaient être vérifiées et “scellées par les syndicats d’Élevage et des Spectacles taurins”.
3/ jusqu’au REST du 15.3.1962 inclus, il était spécifié que le délégué de l’autorité devait être en possession d’un gabarit (esp. : escantillón) destiné à contrôler les dimensions des piques. Cette obligation a disparu avec la promulgation du REST du 28.2.1992 où l’article qui définit les dimensions des piques Indique simplement : « dimensions appréciées [sic] avec le gabarit », sans préciser quand ni par qui cette appréciation doit être faite. Or, cette situation confuse commence justement lorsque le contrôle aux arènes-même est devenu indispensable du fait de la disparition du contrôle préalable et paritaire (par les représentants des éleveurs et ceux des toreros).
ANNEXE A "LA PIQUE ET SON MONTAGE"
PIQUE A CROISETTE
DÉFINIE PAR LE RÈGLEMENT ESPAGNOL DES SPECTACLES TAURINS
On voit que la douille est percée d'un trou pour le clou servant à la fixation sur la hampe.
CERTIFICAT DE CONTRÔLE PRÉALABLE ET PARITAIRE
N'existe plus à compter à/c du REST du 28 février 1992.
L’ART DE LA PIQUE (2) – LE PICADOR ET SA MONTURE
L’administration de tranquillisants aux chevaux de picadors n’est ni autorisée, ni clairement interdite, par quelqu’un des règlements espagnols successifs, actuel compris. Mais dans le paragraphe 6 de l’article 60 du REST actuel il y a la phrase dont voici la traduction : « De même seront éliminés ceux [les chevaux] qui présentent des symptômes d’avoir été l’objet de manipulations ayant pout fin d’altérer artificiellement leur comportement. Dans de telles suppositions, les vétérinaires proposeront au président la pratique des analyses correspondantes aux fins de vérification. Il sera procédé de même si leur comportement ultérieur dans l’arène le conseille. » Autrement dit : droguez, mais pas trop. En tout cas, le règlement ne dit pas ce qui se passera si les analyses sont positives et cette administration de tranquillisants est largement pratiquée par certains fournisseurs de chevaux.
Le Conseil général des Collèges Vétérinaires d’Espagne acceptait cette pratique à condition qu' "elle soit réalisée par un vétérinaire et à l’aide d’un produit connu et à la dose correcte” (voir à ce sujet Entre Campos y ruedos — Saragosse, Ibercaja, 1991).
La calotte (ou coiffe) du chapeau de picador (le castoreño) est de la couleur naturelle du feutre.
L’ART DE LA PIQUE (3) - LE DÉROULEMENT DU TERCIO
Il y a un certain nombre d’années on comptait parmi les buts du premier tiers :
- celui d’apprendre au taureau à attaquer droit ou à le confirmer dans ce comportement. L’immobilité du picador qui jouait ce rôle, ce qui excluait donc son remplacement éventuel par un rejoneador comme le préconisaient certains (Pierre Aymard “Refilon”, entre autres).
- celui de limiter les mouvements de l’encolure et de la tête du taureau, mouvements qui sont extrêmement gênants et dangereux pendant la faena de muleta. Seules les piques appliquées dans le morrillo peuvent léser les muscles responsables de cette mobilité et on constate actuellement que durant la plupart des faenas de muleta, les taureaux ont la tête extrêmement mobile, conséquence de piques mal placées.
Ces deux buts ne sont plus jamais énoncés ; pourquoi ?
Il y avait aussi celui de faire baisser la tête du taureau pour permettre de l’estoquer ; cela n’est plus nécessaire puisque les éleveurs fabriquent maintenant des bêtes qui ont les épaules plus basses que la croupe.
Le REST actuellement en vigueur (du 2.2.1996) prévoit que les raies doivent être tracées à 7 et y 10 m de la barrière et non à 7 et 9 m qui étaient les distances initiales, celles prévues dès leur “imposition” (11 avril 1959) distances reprises par le REST du 15 mars 1962. Maintenant il doit donc y avoir un intervalle de 3 mètres entre elles.
Le mot morillo (avec un seul “r”) signifie chenet. En espagnol, la partie haute de l’encolure s’appelle morrillo (avec deux “r”). Le taureau étant un quadrupède, la base du morrillo est sa partie inférieure ; une pique à la base du morrillo est une pique basse, donc défectueuse. La partie du corps du taureau où l’on doit piquer a figuré pour la seule et unique fois dans le REST du 28 février 1917. Depuis lors, les REST successifs ont été muets sur ce point. Mais, depuis 1998, le RTM mentionne dans son article 73—4 : « Le picador devra piquer dans le haut du morillo [sic] ».
Sauf erreur de ma part, le REST actuellement en vigueur n’évoque même pas le ou les “picadors de réserve”.
Le sens de déplacement des picadors dans l’arène (pourquoi parler de la “piste” ?) n’a jamais figuré dans un REST. La logique voudrait que :
- avant de piquer, ou entre deux piques, le sens de rotation soit le sens des aiguilles d’une montre (la barrière à main gauche), c’est à dire en ayant la garrocha du côté sur lequel le taureau pourra attaquer.
- après la sonnerie ordonnant le 2e tiers et par conséquent la fin du premier, ils s’en aillent par le trajet le plus court possible, quel que soit le sens de rotation. Jusqu’au milieu du XXe siècle, et même au delà, dans les arènes espagnoles ayant un callejon suffisamment large, on ouvrait dans la barrière la première porte qui se trouvait sur leur chemin et, à partir de là, les picadors s’en allaient par le callejon.
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ADDITIF EN FORME DE COMMENTAIRE
RELATIF AUX RÈGLEMENTS ESPAGNOLS DES SPECTACLES TAURINS (REST)
Il ne s’agit ici que des REST ayant été applicables sur l’ensemble du territoire espagnol.
À compter de 1848 il y eut en Espagne un très grand nombre de règlements des spectacles tauromachiques, mais chacun d’eux ne concernait qu’une province, voire qu’une seule ville.
En 1917, le premier règlement presque général vit le jour : le 28 février 1917 le ministre de la Gobernación communiqua aux gouverneurs civils une ordonnance royale édictant un règlement composé de 114 articles, applicable à partir du 20 mars 1918 :
- dans sa totalité dans les arènes de sept capitales de provinces,
- seulement pour sa partie concernant les infirmeries et le tiers des piques, dans toutes les autres arènes d’Espagne.
Il attribuait la présidence à la plus haute autorité de la province (même si elle déléguait ses pouvoirs) et lui donnait des pouvoirs de règlementation technique sans comparaison possible avec ce qu’il en était pour d’autres catégories de spectacles. Il ajoutait la rondelle après le butoir de la pique alors en service, donnait au matador le plus ancien le rôle de directeur artistique du combat, et créait l’examen post mortem des taureaux combattus.
Le 20 août 1923, il y eut promulgation d’un “Règlement officiel des corridas de taureaux, novillos et becerros” applicable sur tout le territoire espagnol ; il aurait du entrer en vigueur le 1er janvier suivant. Mais l’ordonnance royale du 9 février 1924 lui substitua un autre texte dont le champ d’application était le même que celui du règlement de 1917.
Le 13 juin 1928, en additif au règlement, une ordonnance royale imposa l’utilisation, dans toutes les arènes du pays, du peto (mot qui signifie plastron et non caparaçon) protecteur des chevaux de picadors
Et enfin, le 12 juillet 1930 fut promulguée l’ordonnance royale n° 550 intitulée : “Règlement officiel pour la célébration des spectacles taurins et de tout ce qui s’y rapporte”, ce qui incluait donc les spectacles et festivités populaires, plus ou moins traditionnels tels que les becerradas, capeas, encierros, taureaux à la corde, etc. Ce texte contenait 137 articles, applicables à partir de janvier 1931 dans toute l’Espagne. Il allait être en vigueur jusqu’en 1962, période pendant laquelle il subit de très nombreux compléments, additifs et rectifications, notamment :
- l’interdiction des capeas et autres spectacles célébrés dans les rues et places des agglomérations (1931).
- l’imposition d’une l’épée spéciale pour achever le taureau mortellement blessé et encore debout, c’est à dire pour le descabellar (1934).
- l’adoption d’une deuxième circonférence tracée sur l’arène (1959).
Tant de modifications dispersées dans diverses ordonnances et circulaires ministérielles justifiaient l’adoption d’un autre texte regroupant tout ceci ; ce fut le REST du 15 mars 1962, composé de 138 articles. Il fut très favorablement accueilli par l’ensemble des chroniqueurs taurins, mais je l’ai appelé la grande illusion car il présentait un certain nombre de lacunes.
Dix neuf ans plus tard, le vote de la loi du 4 avril 1991 sur les “pouvoirs administratifs en matière de spectacles taurins” (première loi espagnole relative à la tauromachie) prévut la publication ultérieure d’un règlement d’application, en l’occurrence un nouveau règlement des spectacles taurins. Et c’est ainsi que le décret royal du 28 février 1992 édicta ce nouveau REST, remplacé ultérieurement par celui promulgué par le décret royal du 2 février 1996, règlement toujours en vigueur, sauf dans les autonomies qui ont adopté un règlement spécifique.
Marc ROUMENGOU - Janvier 2018