MADELEINE (épisode 4/5)
La montagne accouche d’une souris
18h, l’amphithéâtre est de nouveau plein jusqu’en haut des étagères. Le public est prêt à vibrer, conditionné qu’il est par la venue des deux grandes vedettes de la tauromachie. Ils sont venus, ils sont tous là pour voir de l’art et entendre de la belle musique. Le suspens est étouffant, tous suspendus au palco musical attendant de découvrir enfin la nouvelle surprise de notre chef bien aimé.
Pour accompagner le concert, 6 toros de Nuñez del Cuvillo pour les deux stars, Enrique PONCE et Sébastien CASTELLA.
Les Nuñez del Cuvillo ont été fidèles à leur réputation, à savoir, des sorties prudentes sans remater, barbeando même le 2, bravitos sans plus à la pique, nobles pour l’essentiel à la muleta, manquant tous de force et de race, faibles, très faibles. Sortent du lot le 1 (Ponce) "noblissime" et le six (Castella) plus accrocheur.
Enrique PONCE,
après avoir pris la mesure de son premier adversaire nous offre une faena "ponciste", artistique, lente, liée, sans trop d’engagement qu’il parachève avec ses fameuses poncinas toujours aussi élégantes. Une entière tombée en termine et deux oreilles lui sont généreusement accordées. Son second sort complètement éteint après le premier tiers. Il débute sa faena par le bas et elle se continue dans l’ennui, sans émotion, une faena lancinante sur un toro qui est arrêté, complètement en adéquation avec la musique jouée par l’orchestre. Cette musique : L’Aigle Noir de Barbara, excusez du peu, mais personnellement je n’ai pas du tout aimé la symbolique. Si notre chef bien aimé prend en référence le fait que PONCE ait toréé en smoking noir à Istres, il ne faut pas oublier que cette chanson évoque d’une manière symbolique les viols dont elle a été victime par son père incestueux. Cet "Aigle Noir" qui "glisse son cou dans sa main" et qu’elle a "reconnu surgissant du passé" n’a pas grand-chose à voir avec la couleur du smoking de PONCE !!!, mais peut être suis-je trop cérébral ou trop conventionnel. Bref. Enrique met fin à mon calvaire personnel par un vilain mete y saca suivi d’un bajonazo et viendra saluer au centre (!). Quand "Asustado" sort du toril, il remate aux planches et je me mets à espérer, las, mal lidié et mal piqué en trois rencontres, il sera comme ses "frangins" et Enrique malgré sa muleta lente et haute n’arrivera pas à le garder debout. Bajonazo concluant et palmitas.
Sébastien CASTELLA,
prend en premier le toro qui barbea, difficile à fixer et à mettre en suerte en deux rencontres, il nous gratifie d’un très joli quite par delantales. Il débute par des statuaires et naturelles par le haut mais, malgré ses efforts, en lui donnant du temps et de l’espace, il a des difficultés à le maintenir debout. A la deuxième série le toro s’arrête, la faena se poursuit dans l’ennui malgré une fin encimiste dans les cornes. Entière delanterita et caïda. Quelques applaudissements. Son second est changé après les piques ? pour cause de…suspicion de claudication à l’arrière gauche ? le quatre bis est du même tonneau que le titulaire, se couche sous le cheval, avec la flanelle Sébastien arrive à lui régler la tête qui lui permet de tirer une série. Son trasteo continue avec quelques hauts et beaucoup de bas finissant par se faire engancher la muleta. Sébastien aura au moins eu le mérite d’essayer et avoir, en partie, réussi à le faire tenir sur ses pattes. ½ trasera un peu longue d’effet, avis et applaudissements. C’est avec "Volador" son dernier que l’on retrouve le vrai CASTELLA. Face à un toro qui remate à la sortie il enchaine des véroniques en gagnant du terrain jusqu’au centre. Suite au salut de son banderillero, et son brindis au conclave, il entame par deux cambiadas serrées au centre, l’intéresse à la flanelle et lui lie deux séries dominatrices. A gauche, il se fait engancher et frôle la correctionnelle sur un changement de main. La musique s’arrête. Pourquoi ? (serait-ce une autre surprise de notre chef ?) nouvelle belle série de naturelles, la musique reprend (?) et il termine pas deux redondos extras avec changement de main. Avis, entière concluante, plate et tombée : deux oreilles en récompense de son investissement, suivies d’une vuelta fleurie "volaillère".
Les deux diestros sortent à hombros et tout le monde semble satisfait donc...
Vivement l’épilogue, demain. Avec les Dolores, ce devrait être une autre paire de manches … Espérons que la surprise sera à la hauteur.
Patrick SOUX