ENTRE MARCEL PAGNOL ET YVAN AUDOUARD, UN GANADERO PROVENÇAL : JEAN-LUC COUTURIER
Jeudi 14 novembre, Casa de la Peña La Suerte, Le Houga.
Les invités de la soirée, Jean-Luc Couturier accompagné de son épouse Geneviève.
« C’est faire honneur au soleil que de se lever après lui. »
Cette citation est d’Yvan Audouard, écrivain, journaliste au Canard Enchaîné durant une trentaine d’années, qui se dit né par inadvertance à Saïgon, d’un père avignonnais (militaire) et d’une mère marseillaise, et qui choisit comme ville natale préférée, Arles ! Ceci ne l’empêchant pas d’avoir chaque été rendez-vous à Fontvielle dans son pigeonnier – qu’il n’a jamais confondu avec le moulin de son illustre voisin Alphonse Daudet – il s’est inventé une Provence plus belle que la vraie. Ses héros sont de boulangers et des taureaux, des santonniers et des bergers…Des boulangers et des taureaux !
Tiens, Jean-Luc Couturier ne serait-il pas "inventé" par son voisin de Fontvielle ? Hélas non, la vie ne l’a pas voulu ainsi, Yvan Audouard est décédé en mars 2004.
Pagnol, l’autre conteur d’Aubagne jamais très loin aurait pu "pousser" la voix et broder à loisir.
Imaginez : un banc, des platanes, un boulodrome puis, un guéridon, trois pastis, une partie de cartes. Ça, le futur de notre ganadero, NON ! Mais c’est une petite mort !
Et en parlant de mort, nos deux conteurs des garrigues eurent le mauvais goût d’expirer à Paris.
Avouons tout de même, entre un académicien et un journaliste, un boulanger/ganadero, il aurait eu de la gueule, le banc sous les platanes !
Comment voulez-vous que je fasse un condensé de la biographie du maître de Coste-Haute ? Pour cela, tournez-vous plutôt vers le livre qu’a commis le natif d’Orange : L’arène du boulanger, ou comment un "petit" boulanger provençal qui, découvrant le bien être animal, devient éleveur de braves ! Toute l’éloquence méridionale transpire entre les lignes.
Abordant la temporada 2019, nous soulignerons les faits marquants des deux fers.
Concha y Sierra, encaste pure vazqueña, achat en novembre 2012.
- Le 23 avril, Saragosse, corrida concours de la San Jorge. "Bandolero"n°3, 538kg, né en mars 2014, negro bragado, harmonieux de ligne et astifino, s’élance trois fois au cheval, sortant seul des deux premières et courtes rations mais s’employant plus fortement sous la dernière. En bon professionnel, Domingo López Chaves embarque très vite le bicho aux medios – son terrain de prédilection – lui donne la distance et profite de ses bonnes embestidas sur la droite. La faena culmine dans une série de trois derechazos, donnée compas ouvert, et qui porte sur les tendidos. Une lame tombée. Oreille, l’unique de la tarde et palmas à l’arrastre.
- 1er juin, Alès pour un défi ganadero avec Marqués de Albaserrada. Les Concha y Sierra d’un poids moyen de 507kg. Le 3 avec des armures astifinas et particulièrement ouvertes.
- 30 juin, Boujan, non piquée. « 4 erales de Concha y Sierra joliment présentés, plus sérieux les deux derniers, aux robes variées dans le type de l’encaste, intéressants et qui permettaient des trasteos mieux composés » Thierry Rippol sur Toreria.net… dans des conditions caniculaires.
« Supérieur le bon 1er » Semana Grande, « le brave "Gitano"n°25 toréé par le protégé de Victor Mendes, Sergio Nunes. »
- 24 août à Maranchón (Guadalajara). "Mañico"n°9 honoré d’un tour de piste pour le rejoneador José Miguel Callejón (oreille) lors d’une corrida mixte.
- 05 octobre à Villarejo de Salvanés (banlieue sud de Madrid). Concours de recortadores où s’illustra "Limonsito" qui mit à l’honneur la caste vazqueña. Sergio Redondo, le vainqueur du concours, évoque le comportement qu’eut "Limonsito" : « Tous les aficionados présents se souviendront de "Limonsito" non seulement pour sa beauté, mais aussi pour le trapío qu’il arborait. Il était digne d’une arène de première catégorie. Son comportement a été extraordinaire. En plus de mettre la tête, il fut très prompt et il transmit énormément lors de chacune de ses charges. »
- 12 octobre, Bouillargues, non piquée concours. "Pavito"n°35, castaño salpicado, choisi pour représenter l’élevage, a remporté le prix décerné au meilleur eral. Sa caste, la profondeur de ses charges et sa sauvagerie ont séduit le public. Ce trophée récompensait aussi la qualité de la lignée. Il était l’héritier d’une des plus importantes familles de l’élevage. Parmi ses antécédents, plusieurs ont marqué l’Histoire de la tauromachie.
Le premier, "lidié" en 1917 à Valencia, permit à Rafael "El Gallo" de réaliser probablement la faena la plus importante de sa carrière. Plus récemment, en 2009, un autre "Pavito"n°19, reçut le prix décerné au meilleur novillo de la prestigieuse feria des novilladas de Calasparra (Murcie).
Patrick Soux (Cositas-de-toros) : « Avec "Pavito" bien présenté et difficile à fixer, Christian Parejo a montré ses limites. Tant au capote où la seule chose à noter est un bon quite de Tristan por chicuelinas, qu’à la muleta où il a été débordé d’entrée par la caste du Concha y Sierra. En fin de faena exclusivement droitière, il arriva à tirer quelques muletazos et conclua d’une demi-lame trasera. Petite pétition, petite oreille. »
Comme nous le constatons, les Concha y Sierra sortent tête haute de tous les types de spectacles.
Curé de Valverde, encaste Conde de la Corte, achat en février 2012.
- Unique corrida, le 15 juin à Istres après le succès obtenu en 2018. Le 4ème n°13, "Cubetisto", 535kg, avait été honoré d’une vuelta posthume surtout pour son comportement au cheval.
Dans Toros, Christian Derbuel écrit : « J.L Couturier s’est sans doute réjoui de la vuelta de son mayoral en compagnie de Javier Cortés. Des Curés admirablement armés mais restés toutefois en deçà de leurs mythiques ascendants alésiens, ceux qui firent entrer en afición, l’éleveur des Alpilles. »
Christian Sieuzac rajoute : « Présentation digne des grandes arènes, de trapío homogène, aux cornes parfaitement symétriques et aux pointes astifinas. »
Mais corrida trop attendue et déception à l’arrivée d’autant que le mano a mano Octavio Chacón / Javier Cortés ne se hissa guère vers les sommets.
Sachez que l’Association El Toro de Madrid qui dévoile sa liste noire des ganaderia pour la temporada 2020, a émis le souhait de voir outre Torrestrella, Cebada Gago ou Palha… les vazqueñas de Concha y Sierra. Dans la liste de ceux qui ne sont pas venus depuis longtemps ou jamais, Valverde et Hubert Yonnet.
Mais cela est parfois un cadeau empoisonné, car il est souvent difficile de présenter une corrida complète à Las Ventas – combien de sujets envoyés et combien de renvoyés ? − et tout ceci au détriment d’éventuelles autres plazas plus modestes où les éleveurs ont moins de contrainte. Empoisonné aussi si le résultat est médiocre.
Pour la temporada 2020, l’éleveur des Alpilles a plus de disponibilités avec le fer de Concha y Sierra, plusieurs corridas dont une de 5 ans, une novillada. Avec Valverde, le choix est plus limité mais nous avons appris par la suite qu’un toro de ce fer est retenu pour la corrida concours de Vic ainsi qu’un autre, le 12 avril pour la corrida concours d’Aignan… et encore un à Alès pour le défi ganadero (6 élevages).
Pour ces devises de légende, la sélection reste impitoyable, noblesse de Valverde, bravoure de Concha y Sierra. Faisons confiance au nouveau curé de Coste-Haute, au précieux généticien Julien Aubert, au mayoral Jean-Pierre Odet et à toute l’équipe.
Soirée très conviviale, animée et repas à la hauteur de la performance des invités.
Merci à Geneviève et à Jean-Luc.
Il se dit que l’ex-boulanger pourrait repasser en terres gasconnes car le temps dans le Sud-Ouest passant trop rapidement ne lui permit pas de "s’exprimer suffisamment"… et le second film sur la ganaderia, plus long que le premier projeté, ne put sortir de sa boîte. Que de frustrations !
Terminons cet article comme nous l’avions commencé par une citation, et après Yvan Audouard, celle de Marcel Pagnol, citation choisie par Jean-Luc Couturier, clôturant son livre. « Le temps passe et il fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins. »
Y. Audouard, M. Pagnol, J.L Couturier… trio d’enfer. Dommage pour le nouveau curé !
Gilbert Lamarque