LE CHEVAL DE CORRIDA - 9
SOLITUDE
« Malheur à l’homme seul ! Car, lorsqu’il sera tombé, il n’aura personne pour le relever. » La Bible.
« Je l’ai trouvée devant ma porte
Un soir, que je rentrais chez moi
Partout, elle me fait escorte
Elle est revenue, elle est là
…
La solitude, la solitude. » Barbara, La Solitude, 1965.
Lieu désert, vie isolée, état d’abandon-absence-manque, solitude venant du latin solitudo.
À en croire son étymologie, la solitude n’aurait rien de réjouissant. Autrefois, elle était recherchée, on y voyait le moyen d’approfondir sa connaissance de soi et de cultiver son jardin intérieur, notion chère à Voltaire « Il faut cultiver son jardin. », Candide ou l’optimiste. C’est sa conception, il faut commencer à rechercher son propre bonheur, ou plutôt sa propre philosophie et grandir intérieurement, vaste programme. Pirouette de la part de Voltaire, un pied de nez à l’idéalisme ?
La solitude est toujours bafouée, par le bruit, la promiscuité.
Mais le plus terrible, c’est l’isolement. L’isolement, c’est une séquestration, une petite mort. L’isolement n’est pas souvent volontaire, il est vécu comme une déshumanisation.
Confinés, isolés pour les uns, pas forcément pour les autres, mais il est difficile d’échapper à soi-même.
Combien au bout de cette pandémie ayant appris à se connaître, vont se détester ? Et s’ils ont appris à se connaître, ne serait-ce qu’un peu, ils auront franchi une étape.
Pour sortir de notre boîte pour les moins altérés, pour s’évader de leur bagne, de leur cachot pour les plus meurtris, il nous reste encore, par exemple, à lire Les Contemplations ! Hugo nous en sera reconnaissant.
Il n’a pas écrit ces 158 poèmes en vain. Se plongeant dans les prédictions de l’apothicaire Nostradamus, il y avait relevé l’année 2020 et son grand fléau, le Covid-19 !
Pour nous être agréable, il nous a donc offert ce recueil en partie autobiographique, recueil de l’amour, de la joie mais aussi de la mort, du deuil ; vous choisirez selon votre humeur, votre amertume du jour, de la météo ou de vos émotions, c’est selon.
Prenez « Melancholia », poème paru en 1856.
« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous les meules ;
Ils vont, de l’aube au soir… »
Arrêtons ici, ne donnons pas de mauvaises idées à nos gouvernants et au MEDEF !
Évadons nous aujourd’hui plus qu’hier et beaucoup moins que demain.
LE CHEVAL DE CORRIDA
9e partie : le cheval de corrida dans l’art. Chapitre III. Picasso. Conclusion.
Pablo Picasso a su représenter dans l’art tauromachique, le couple de l’homme à la lance et de la maigre rosse. À ce titre, l’affiche exposant les coupelles tauromachiques conservées au musée de Céret est parfaitement éclairante : seules six des vingt-huit céramiques de la collection ne se réfèrent pas au thème de l’intervention du cheval dépourvu de caparaçon.
La série date pourtant de 1953, et l’on sait que le gouvernement de Primo de Rivera avait imposé le peto en 1928. En fait, les artistes semblent jeter un voile sur l’armure protectrice qu’ils tiennent peut-être pour une insulte à la fiesta. C’est le cas de Picasso, de Braque et bien d’autres. L’exception vient de Botero, mais il faut admettre que le peintre colombien trouve en la circonstance, l’occasion rêvée d’ajouter un peu plus d’embonpoint à son habituel système stylistique.
Picasso consacra de nombreux tableaux, huiles sur toile, sur bois, mines de plomb, plume et encre noire au cheval : Picador et cheval mort, 1899 ; Scène de corrida, les victimes de la fiesta, 1901, dominée au premier plan par les dépouilles de deux chevaux de piques, l’un blanc, la tête levée vers le ciel, qui figurera dans le répertoire picassien jusqu’à Guernica (ces deux tableaux non représentés ici) ; puis les mines de plomb de 1921, Taureau et cheval blessé ainsi que Cheval blessé, 1923.
Enfin, Guernica, 1937 avec la présence d’un taureau de combat et d’un cheval de pique gisant. L’Américain J. Seckler croit que d’après le témoignage de Picasso, le taureau représente la force brutale et le cheval, le peuple. Ici, le cheval ne meurt pas de la corne mais d’un coup de lance.
Tout a été dit sur Guernica, le plus grand exemple de l’art issu de la Guerre d’Espagne, et cette œuvre comporte parmi ses personnages ceux de la fiesta a los toros, personnages principaux martelant ainsi les paroles d’Hemingway : « La fête des taureaux est une tragédie. » Œuvre immense aussi par ses dimensions : 350×780.
Conclusion.
On ne rencontre pas, non plus, d’œuvres consacrées au cheval de corrida chez Vázquez Díaz, Barceló, Picabia, Buffet, Raoul Dufy, Bacon, Joaquín Sorolla. Cette énumération n’est pas exhaustive. Les œuvres présentées tout au long de ce dossier ne sont qu’une infime partie de la somme existante et les choix sont faits dans la mesure de la facilité de les reproduire.
L’œuvre de Goya et de Picasso continue d’attirer les artistes de tout horizon, de toute condition, disposés à fixer l’art éphémère du monde des taureaux, laissant une place modeste au cheval.
Sachez que le cheval est, dans l’art, l’animal le plus représenté et ce, depuis la Préhistoire.
… à suivre
Gilbert Lamarque