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DE L’AÎNÉ AU CADET, LA FRATRIE DE TUDELA

Publié le par Cositas de toros

   

    La semaine dernière, vous aviez fait la connaissance de Julián Marín Arnedo, le torero navarrais de Tudela. Les présentations se prolongent, voici aujourd’hui, une courte biographie de son frère cadet, Isidro.

 

 

     Tout comme Julián, Isidro Marín Arnedo est né à Tudela le 15 mai 1926. Cette belle cité, baignée par l’Ebre, située au sud de la Navarre, à mi-chemin entre l’hallucinante aridité des Bardenas et le vert intense des terres maraîchères de la Ribera, a donc vu grandir les frères Marín à l’ombre du  joyau de la ville, la magnifique cathédrale de Santa Maria des XIIe et XIIIe siècles.

 

 

     Enfants, ils prirent certainement part aux fêtes de Santa Ana, patronne de Tudela, festivités se déroulant entre le 24 et le 30 juillet. Coururent-ils les encierros ? Toujours est-il qu’ils eurent l’occasion, plus tard, de fouler à maintes reprises le ruedo de la plaza " la Chata de Griseras", et d’y triompher. Griseras, c’est ce quartier situé vers la sortie en direction de Saragosse, "la Chata"* et le parc Otoño longent la longue avenida de Zaragoza.

Tudela est aussi le berceau de la famille Martinez Elizondo puis Martinez Flamarique plus connue sous le nom de Chopera**.

Influencé par son frère, les premières escarmouches d’Isidro débutèrent comme "becerriste" en 1943, l’année de ses 17 ans, et en août de la même année, il assista Julián dans l’arène de Tudela à l’occasion d’un festival caritatif aux bénéfices des Servantes de Marie. Un mois plus tard, il était annoncé à Sangüesa pour une novillada !

Au total, il toréa 81 novilladas dont 48 avec picadors, 67 corridas en Espagne, 23 en Amérique du Sud et 54 festivals.

 

 

Isidro (à droite) et Julian Marin

     Il prend l’alternative le 11 juillet 1951 à Pampelune, Julián est le parrain, les témoins sont Rafael Llorente et Diamantino Vizeu. Il coupe les deux oreilles et la queue au toro d’alternative et une oreille de son second, toros d’Amador Santos***. Seul cas en Navarre d’un frère en parrainant un autre et rare aussi en Espagne.

 

Même jour, triomphe

 

     A partir de ce jour et durant deux ans, les triomphes se répètent de plaza en plaza. Il coupe deux oreilles et une queue à Tudela, quatre oreilles et deux queues à Estella, en Navarre bien sûr !

Il défile 16 fois obtenant 53 oreilles, 12 queues et 2 pattes en cette année 1951.

L’année suivante, il triomphe à Barcelone, Pampelune et à Huesca où il alterne avec Luis Miguel Dominguín et Antonio Ordoñez. Mais le 15 août de cette année 1952, il est sérieusement blessé à Xátiva. Il est entre la vie et la mort, les veines saphène et fémorale sectionnées.

Par la suite, Isidro triomphera, mais cette blessure l’a fortement marqué. Il y eut à ce stade, un avant et un après dans sa carrière.

En 1957, témoignant d’une grande solidarité, il entame une longue marche à pied de Pampelune à Valence pour récolter des dons en faveur des victimes des graves inondations dans la région valencienne. En ayant comme compagnon un chien, il fait la route durant plus d’un mois réunissant un demi-million de pesetas remis à l’archevêque de Valence.

 

 

     Il se retire en 1961 pendant les Sanfermines, le 16 juillet (les corridas allaient du 7 au 16 juillet) où il coupe une oreille à un toro de Bohórquez alternant avec Curro Girón et Mondeño.

Il restera plusieurs années doblador**** des encierros de Pampelune.

Isidro a été défini par nombre de critiques de la tauromachie comme un torero fin, artiste, un styliste et matador raffiné. El Cossío dit de lui qu’il était courageux, un bullidor***** avec beaucoup d’art et de volonté – qualités rarement reconnues dans son ensemble par José Maria de Cossío. 

Il combattit dans les années qui étaient celles de Miguel Baez "El Litri" (alternative le 12/10/49), Antonio Ordoñez (06/08/51) et Julio Aparicio (12/10/50) ; ces trois-là connaissaient des saisons formidables. Mais Isidro sortit souvent sur un pied d’égalité, parfois même supérieur.

 

 

     Il travaille par la suite dans un abattoir de volailles de Tudela, fonction moins glorieuse mais moins dommageable.

Il meurt à Pampelune, le 11 décembre 1991.

Autant Julián fut un torero brave et poderoso (puissant), autant Isidro fut plus fin et stylé mais il n’atteignit jamais le niveau de son aîné.

 

 

 

La Chata de Griseras

 

* La Chata. La traduction ici est certainement celle qui a valeur de compliment dans le langage familier, la plaza identifiée comme une personne. La chata ou poule en terme affectueux démontre l’attachement des Tudelanos pour leur plaza. ¡ chata ! Ma poule ! (cette traduction n’engage que l’auteur de ces lignes).

 

** Chopera. La Casa "Chopera" a été fondée par Severino Martínez natif de Salvatierra de Alava à 25 km de Vitoria Gazteiz. On le surnomma "Chopera" car il avait pour habitude de boire la bière dans une chope (du hollandais schopen) a couvercle mobile qu'il inventa pour barrer l'entrée aux mouches et insectes divers, pour plus d'hygiène quand il travaillait à San Sebastián. Il se désaltérait à la Cervecería de Strasburgo où ici comme ailleurs, on avait l'habitude de boucher (tapar) la chope avec une soucoupe et bien sûr, on mettait sur ce tapón des... tapas. Il surgissait du travail et criait dès la porte franchie : "Pon me una chopera !"

A la fin du XIXe, il couvrait plusieurs arènes avec ses cuadras de caballos. Il fait fortune dans le transport de bétail mais aussi dans la collecte des ordures, un précurseur de Loulou Nicollin. Il meurt accidentellement en 1930 dans son camion, livrant une novillada de la ganaderia de Bernaldo de Quiros pour les arènes de Bilbao. Près de Bailen, le pont de Mengibar sur le Guadalquivir s'effondra sous le poids du véhicule.

Les trois fils, Pablo, Antonio et Manuel Martínez Elizondo prennent sa suite dirigée par Pablo né à Tolosa en 1895, époux de Luisa Flamarique Lasa. C'est lui qui créa véritablement l'empire "Chopera" : le transport, l'organisation, l'élevage, les cuadras de caballos, l'apoderamiento...

Le 17 octobre 1968, Pablo meurt à Pamplona. Toute la famille est unie jusqu'en 1974 où les cousins se séparent. Les deux fils de Pablo, Jesús et Manolo, et les deux fils de Manuel, José Antonio et Javier voient les arènes et les représentations se diviser entre les deux clans. Jesús et Manolo, les fils gardèrent le surnom de "Chopera". José Antonio et Javier Martínez Uranga deviennent les "Choperita". L'oncle Antonio, lui, restant célibataire, s'occupera d' élevage. Les "Chopera" se taillent la part du lion sur le marché taurin. Jesús et Manolo se complétaient dans les actions professionnelles et ils se marièrent le même jour à Ronceveaux aux soeurs Labiano !

Jesús meurt en 1998, il eut plusieurs enfants mais aucun ne s'intéressa aux affaires.

 

Manolo "Chopera", le seigneur

Manuel Martínez Flamarique, un seigneur racé et distingué, décède à l'âge de 75 ans dans sa ville natale, San Sebastián, le 2 septembre 2002 à l'âge de 75 ans.

La Casa gérait dans les années 1980, en Espagne : Almería, Almendralejo, Badajoz, Bilbao, Burgos, Calahorra, Hellin, Logroño (propriétaire), Madrid (de 1981 à 1989 avec 52% des actions de la S.A. Madrid Toros), Salamanque, Talavera, Tolède, Tudela, puis Gijón, perdant certaines plazas, en en regagnant d'autres comme Saragosse... En Amérique du Sud, en Colombie, Manizalès et Medellin mais aussi, Cali, Bogota, Quito, Lima... En France, dans la plupart des cas, il s'agit de fournir le plateau, toreros et bétail choisis par les commissions taurines : Bayonne, Eauze, Hagetmau, Mont-de-Marsan, Orthez, Soustons, St-Vincent-de-Tyrosse et une partie de la gestion de Vic-Fezensac. Toutes les affaires françaises sont gérées par Manolo avec ses deux fils, "Choperas" juniors. Ils construisirent Badajoz, Illumbe à San Sebastián ainsi que la nouvelle plaza de Logroño. En Espagne, il est associé avec les neveux "Choperitas".

La famille avait hérité également d'un élevage de toros en Navarre, à Tudela (Herederos de Don Antonio Martínez Elizondo) d'encaste Santa Coloma qui vira par la suite au sang Domecq mais elle conserva du Santa Coloma sous le fer de La Ermita.

Dans l'apodoramiento, il y eut, Ordoñez, Aparicio,  Camino, Antoñete, "El Cordobès", Curro Romero, R. de Paula, Nimeño II, Manzanarès, Juan Mora, Ortega Cano, Pablo Hermoso de Mendoza, Antonio Barrera, Javier Castaño, Fernandez Meca... Les affaires des "Chopera" sont dans les mains de Pablo et Oscar Martínez Labiano rejoints par le fils de celui-ci, Manuel Martínez Azcárate et depuis 2017, la Casa "Chopera" s'est alliée avec le groupe BAL de Mexico, d'Alberto Baillères. Cette association se nomme BMF.  L'empire a quelque peu perdu de sa splendeur depuis la mort de Manolo et du contexte actuel.

Pas de cadeaux entre cousins, "Choperas" et "Choperitas" (Taurodelta) : en janvier 2010, les premiers ont piqué le gestion de Salamanque aux seconds. Ces derniers avaient battu les "Choperas" dans le concours pour Saragosse, juste avant !

 

*** Amador Santos. … José García y Gómez meurt en 1929, Maria del Carmen García Hernán, sa veuve, hérite. Il y eut ensuite en 1931, la vente en partie du lot à Amador Santos Sanchez qui rajoute du sang des Herederos de José Maria Galache par deux "sementals".

En 1954, c’est au nom de Manuel Santos Galache. En 1990, il acquiert un lot de vaches et un semental de Vicente Charro d’origine Atanasio Fernandez, et il est annoncé au nom de sa petite fille, Maria Loreto Santos. En 1991, il a de nouveau acquis 54 vaches et plusieurs sementales d’Atanasio Fernandez et un an plus tard, la ganaderia Sepúlveda. En 2001, tout a été éliminé, remplacé par du bétail de El Pilar, origine Juan Pedro Domecq Diez !

L’élevage de Maria Loreto Charro Santos a quitté la région de Colmenar Viejo pour le Campo Charro.

L’ancienneté du fer date du 09/04/1933.

 

     

Cet élevage était issu du fer historique d’Aleas. Manuel Aleas Lopez fonda son élevage en 1783. A  son fer en forme de 9 est associé la plus grande ancienneté des élevages en activité : 05 mai 1788.

Le fer restera dans la famille 200 ans car ce fer a été racheté en 1983 par José Vazquez Fernandez. Mais depuis plus d’un siècle, c’est du sang Santa Coloma qui est présent grâce à plusieurs apports : Santa Coloma, Graciliano, José Escobar, Buendia…

 

 

**** Doblador. Depuis 1930, les dobladores, ex-matadors, ex-novilleros ou subalternes munis d’une cape et stratégiquement disposés dans le ruedo, ont pour mission d’attirer les toros vers le toril, vite, pour éviter les accidents sans toutefois effectuer des passes avec le capote.

 

***** Bullidor. Torero combattant avec entrain, mobilité, se faisant souvent remarquer par ses desplantes.

 

                                                                                         

Gilbert Lamarque

 

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