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IL Y A 84 ANS, LA SAN FERMÍN 1936

Publié le par Cositas de toros

 

     Après Bayonne et les arènes de Lachepaillet, la dernière course avant le conflit en 1939 puis la réouverture timide le 9 septembre 1945, nos voisins navarrais ont eux aussi subi les désastres de la guerre. Le 17 juillet 1936, la Guerre d’Espagne, guerre terrible et fratricide fut déclarée, le drame se termina le 1er avril 1939.

17 juillet 1936, cinq jours après le "Pobre de mi", clôture des fêtes taurines de Pampelune !

C’est le récit de ces ultimes Sanfermines qui ne reprendront qu’en 1939 du 6 au 20 juillet, les corridas se déroulant les 7, 8, 9 et 10. 1939, « año de la victoria »… pour qui ? (voir affiche ci dessous).

 

 

     C’est à partir de 1591 que la date du 7 juillet fut choisie. C’est le jour important de l’année, le 7e jour du 7e mois où arrive San Fermín dont les reliques d’Amiens rejoignent Pampelune. Pourquoi le 7e jour du 7e mois ? Superstition ? Mystère. Ce que l’on sait, c’est que Pampelune avait déjà un saint patron en la personne de San Saturnino qui est toujours le patron de la capitale navarraise. Il est fêté le 29 novembre. A Bayonne, saint-Léon est le roi de la fête et saint patron de la ville, on le fête le 1er mars mais la cathédrale est dédiée à sainte-Marie. Les premières fêtes déclarées officiellement eurent lieu le 13 juillet 1932, et se déroulent aujourd’hui début août, Marie est fêtée comme chacun le sait le 15 août, donc aucun lien entre les saints et la date des fêtes… Tout ceci est un prétexte  pour parler encore de Bayonne !

 

     1936, 84 ans ! Les arènes étaient en place, la Plaza del Castillo, le cœur de la ville, les institutions : le café Iruña et ses petits déjeuners, les hôtels Niza et La Perla bien fréquentés, le chocolat et les churros engloutis au petit matin, les rues de l’encierro dévalées a las siete et le tendido sol occupé por la tarde.

Toujours pendant les fêtes, les bals populaires sur le beau Paseo de Sarasate, les Cabezudos et les Gigantes défilant derrière la Pamplonesa dirigée par Silvanio Cervantes, la fête foraine sur le Real de la Feria, un peu à l’écart et les feux d’artifice. Et le Gran Circo Feijoo ayant quitté Vigo s’installait chaque mois de juillet pour une quinzaine de jours.

 

 

 

   

         Fiestas y  ferias del 6 al 18 de julio         

   

     Les Cabezudos et les Gigantes ne faillirent pas défiler. En effet, les mozos porteurs de ces personnages sont en grève demandant une meilleure rémunération. L’Espagne plie sous les grèves, le chômage augmente. On négocie, les défilés auront bien lieu, la pluie s’invite le 6 juillet et beaucoup de manifestations sont annulées.

Le 6 juillet veille de la fête du saint à 16 h 30, les autorités municipales et ecclésiastiques se rendent

de la mairie à l’église San Lorenzo pour les vêpres. Puis, au fil des années, les jeunes ralentissaient le cortège, se plaçant devant lui et le parcourt se déroulait au son d’une valse, la "Vals de Astrain", renommée plus tard "Riau Riau".

 

     Mardi 7, San Fermín. A 7 heures, le chupinazo retentit, les toros du Marquis d’Albayda de Salamanque s’élancent pour le premier encierro, pas d’incident majeur.

Le temps est si mauvais que la Casa de Mesericordia renvoie la corrida au vendredi 10, jour où aucun spectacle taurin n’est prévu.

 

    Mercredi 8. Pas d’incident notable lors de l’encierro de Clemente Tassara. La journée est ensoleillée. Au cartel, "Niño de la Palma", Domingo Ortega* et "Gitanillo de Triana"** mais le public s’ennuie dur les tendidos. Le soir, c’est l’affluence dans les rues et les bars où on consomme à cette époque, le Martini, le rhum, le txakoli de Getaria, ce vin blanc du Pays Basque que l’on élève le long du Golfe de Gascogne, léger et légèrement effervescent. En 1936, les Pamplonais, le soir des fêtes, pour ceux qui buvaient avec modération, allaient au théâtre ou au cinéma, lequel se produisait en plein air sur la Plaza de 22 de Agosto.

 

               La terna du jour :

 

Pour : *Domingo Ortega, voir "La der". **"Gitanillo de Triana", voir "Lachepaillet en vert-de-gris"

 

 

 

- "Niño de la Palma", Cayetano Ordoñez y Aguilera, né le 24 janvier 1904 à Ronda, est le père d’Antonio Ordoñez. Les parents tenaient une cordonnerie appelée La Palma, voila pour le surnom. Ernest Hemingway le prit comme modèle pour "Pedro Romero", le jeune torero talentueux de son roman, Le soleil se lève aussi. Il réalisa une carrière très irrégulière. Il prit l’alternative à Séville, le 11 juin 1925, Juan Belmonte est son parrain, "El Algabeño", le témoin, les toros de Felix Suárez. Il terminera malgré tout premier de l’escalafón en 1926 et 1927. En 1931, le 12 juillet, il subit un terrible échec à Pampelune, les aficionados furieux, envahissent la piste et le poursuivent jusqu’à son hôtel. Pendant la guerre civile, il vécut un moment à Marseille. Il revient en Espagne et devient le banderillero de Pepe Luis Vázquez. Il meurt à Madrid en octobre 1961.

 

 

     Jeudi 9. Le temps est incertain, l’encierro s’élance avec les novillos d’Argimiro Pérez Tabernero. L’après-midi, les deux fils à Papa combattent les novillos : José Ignacio Sánchez Mejías, fils d’Ignacio Sánchez Mejías qui avait épousé Dolores, une des trois filles de Fernando Gómez García "El Gallo", père de José Gómez Ortega "Joselito" – vous suivez ? et Juanito Belmonte*, fils naturel de Juan Belmonte. La novillada fut « entretenue ». Sortie des arènes, la pluie est drue et s’obstine.

 

               Le duo du jour :

 

Pour : *Juanito Belmonte, voir "La der"

 

 

 

- José Ignacio Sánchez Mejías naît dans un environnement taurin, cultivé et littéraire et à 19 ans, on le retrouve souvent en mano a mano avec Juan Belmonte Campoy, Juanito, comme ce 9 juillet à Pampelune. Il prend l’alternative à Séville, le 13 avril 1941, accordée par Pepe Bienvenida avec Pascual Márquez comme témoin, toros de Francisco Chica. La confirmation d’alternative ne tarde pas à Madrid, le 22 mai de la même année avec Marcial Lalanda comme parrain et Pepe Luis Vázquez, les toros de Don Alipio Pérez Tabernero.

Mais il a suivi la tradition familiale et la tauromachie, il préférera la vivre comme apoderado. Il fut celui de "Valencia", Pedro Martínez "Pedres", Curro Romero et "Antoñete". Il meurt à Lima d’un infarctus, le 2 novembre 1966. Il repose à Séville dans le mausolée du cimetière de San Fernando à côté de son père et de son oncle José Gómez "Joselito".

 

 

Vendredi 10. La corrida d’Albayda a donc lieu sous un ciel gris. Les toros sont mansos pour Domingo Ortega*, "El Estudiante" et "Rafaelillo". Le sobrero d’Antonio Martínez Hernández reçoit les banderilles de feu !

 

                La terna du jour :

 

 

- "El Estudiante", Luis Gómez Calleja est né le 19 février 1911 à Alcala de Henares. Il prend l’alternative à Valence, le 20 mai 1932, Marcial Lalanda et Vicente Barrera l’accompagnent, toros de Carmen de Federico. Il confirme un mois après à Madrid, le 21 avril, le parrain est "Cagancho", le témoin encore Vicente Barrera. Les toros sont du duc de Tovar. Il eut la malchance d’arriver au moment des troubles précédant le soulèvement de 1936. Il se procura un sauf-conduit pour toréer en France où il résida durant la majorité du conflit. C’est après la guerre mais pas avant 1943 qu’il montra ses qualités de torero au large répertoire, sobre à la cape, puissant à la muleta et grand avec l’épée. Cela lui permet avec son expérience, de défiler de nombreuses fois comme chef de lidia devant les figuras et il passe deux saisons au sommet. Il décède à Madrid le 14 juin 1995.

 

 

- "Rafaelillo", Rafael Ponce Navarro est né le 2 novembre 1912 à Utiel (Valence). Il prend l’alternative à Valence le 6 octobre 1935, parrain Rafael Gómez Ortega "El Gallo", toros de Justo Puente. Il confirme une semaine après, le 13, parrainé par Marcial Lalanda, toros de Sánchez Fabrés. La guerre civile interrompt sa carrière ascendante. Il reçoit une terrible blessure à Grenade d’un toro de Miura. Il quitte l’habit de lumières, le 7 septembre 1947 dans les arènes de Vista Alegre. Il meurt à Madrid le 16 juin 1972, quelques mois après la naissance de son petit-neveu, Enrique Ponce Martínez.

   

      Samedi 11. Temps exécrable, pluie et vent. Encierro « lisse » et corrida comme le temps pour un mano a mano : Manuel Mejías "Bienvenida" et Jaime Noain, les toros portant le fer de Pérez Tabernero.

Déception car c’est avec le dimanche, les deux journées où toute la région rejoint la ville.

 

               Le duo du jour :

 

 

- Manuel Mejías y Jiménez, "Manolo Bienvenida", fils aîné de M. Mejías y Rapela "Bienvenida", père fondateur de la dynastie "Bienvenida", cinq fils, est né le 23 novembre 1912 à Dos Hermanas (Séville). Un des plus grands matadors de sa génération, il débuta en 1924 en becerrada avec son frère José. La loi promulguée en Espagne l’empêchant de toréer avant 16 ans, il vient en France en 1926 puis va au Mexique. Revenant en Espagne, il prend l’alternative sans avoir toréé comme novillero, le 30 juin 1929 à Saragosse, et confirme le 12 octobre suivant. Très varié au capote, aux banderilles, il était le seul à pouvoir se mesurer à l’as "Armillita Chico", et excellent muletero. La guerre civile constitua un frein considérable mais il put toréer en zone franquiste et en France. Il meurt jeune, à 26 ans, le 31 août 1938 d’une tumeur au poumon.

 

 

- Jaime Noain González est né le 20 mai 1901 à Gallarta en Biscaye. Le matador basque est très apprécié dans les arènes du nord de l’Espagne. Courageux, sérieux et volontaire, ce n’était pas un torero artiste. Les circonstances de la guerre civile lui permirent d’être premier de l’escalafón avec "El Estudiante" en 1938. Il prit l’alternative à Bilbao, le 17 août 1931 avec Nicanor Villalta comme parrain, toros de Miura, confirmant à Madrid le 3 juillet 1932 avec le même parrain, toros d’Alipio Pérez Tabernero. Il meurt à Madrid le 4 juillet 1973

 

     Dimanche 12. Beaucoup de corredores sur le parcourt de l’encierro et le soleil est revenu. Sont toréés pour cette ultime de feria, les toros d’Antonio Pérez de San Fernando du Campo Charro, dont le véritable nom est Antonio Pérez Tabernero Montalvo, décédé à l’âge de 99 ans en septembre 2016, cousin d’Alipio Pérez Tabernero. La provenance de son bétail était Murube et Parladé. Son père n’était autre qu’Antonio Pérez Tabernero, "El Señor de San Fernando". Les toros de cette ganaderia devinrent les préférés des figuras : Manolete, Dominguín, Antonio Bienvenida ou "El Cordobès". C’est aujourd’hui, le fils portant le même nom qui détient l’élevage.

Les toros de Don Antonio sont combattus par "El Estudiante"*, Curro Caro, "Rafaelillo"** et Pericás. La corrida, huit bichos, est interminable, plus de trois heures. Seul Pericás coupe deux oreilles et sort en triomphe.

 

                Le quatuor du jour :

 

 

- Francisco Martín Caro, "Curro Caro" est né le 16 mars 1915 à Madrid et débute avec picadors en 1933. Il prend l’alternative le 27 mai 1934 à Salamanque avec des toros d’Antonio Pérez, parrain Domingo Ortega. Il confirme le 16 mai 1935 avec comme parrain Marcial Lalanda, toros de Martín Alonso. Il triomphera à Pampelune, le 19 juillet 1939 à l’occasion de la corrida de la Victoria, (voir cartel 1939, plus haut) il coupe trois oreilles aux toros de Trespalacios alternant avec Juan Belmonte en rejón et "El Estudiante" et "Maravilla". Il fait sa despedida, le 30 septembre 1951 à Madrid devant une corrida de Pinohermoso où il confirma l’alternative de son frère Antonio. Il sera par la suite apoderado de "Curillo" et de Miguel Márquez. Il se meurt des suites d’un accident de la route le 27 juin 1976.

 

 

- José Jaime Pericás Ripoll est né à Palma de Mallorca, le 14 mars 1916. Il débute avec chevaux à Madrid le 22 juin 1933. Il prend l’alternative le 17 mars 1936 à Valencia, parrain Domingo Ortega, témoin "Rafaelillo", ils "lidièrent" des toros d’Antonio Pérez. Il confirme le 2 juillet 1936 devant des toros de Carmen de Federico avec Manolo Bienvenida et deux témoins Domingo Ortega et "Rafaelillo".

Son père, Gabriel Pericás Marino était torero comique. Il décède à Palma le 10 septembre 1989.

 

 

     A minuit, les mozos chantent le "Pobre de mi", tristes mais ils ne savent pas encore qu’ils ne le rechanteront qu’en juillet 1939 !

La fête est finie, mais la foire ne se terminera que le samedi 18 juillet. Les gens, une fois l’an profite pour effectuer certains achats dépensant les économies mises de côté, et la fête foraine ne fermera ses portes, elle aussi qu’au soir du 18,  dans quelle ambiance, la guerre étant déclarée la veille ?

 

 

                                                                               

Gilbert Lamarque

 

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