Le jour où...
… JUAN BELMONTE S’EST SUICIDÉ.
Le 8 avril 1962, vers les 16 heures, le torero Juan Belmonte, "El Pasmo de Triana", propriétaire et éleveur, mourut dans sa propriété de Gómez Cardeña à Utrera (Séville). Le célèbre diestro, protagoniste avec Joselito, de l’Âge d’Or de la tauromachie, véritable pilier de son évolution, s’est donné la mort "de un tiro" dans son bureau. La cause du décès n’a pas été explicitement révélée par les médias de l’époque, où pourtant quelques allusions voilées ont été faites.
Le quotidien ABC raconte que le torero était parti pour sa ferme le dimanche matin avec un mécanicien et deux femmes de service. Il portait un costume court et avait sellé son jaca* "Maravilla". Balade à la campagne, déjeuner, un peu de repos et il remonte sur "Maravilla"… Il prend la garrocha et le res est relâché : acoso y derribo. On rentre. Il se sent fatigué, voire malade, cet état dure depuis quelques temps. Il réintègre son bureau, commande un whisky et un stylo (!) et… l’arme fatale retentit. C’est feu le maestro Juan Belmonte !
La nouvelle de sa mort choqua l’Espagne, la presse internationale a également fait écho à l’évènement et les funérailles à Séville furent très suivies, multitudinarias comme on le dit de l’autre côté des Pyrénées.
Certains amis toreros du matador de Triana ont également émis quelques propos dans la presse. Vicente Pastor a rappelé la rapide ascension dans l’arène de Belmonte, « Nous avons vu que tout allait changer s’il avait de la chance. Il l’avait et tout a changé ». Manuel Mejías Bienvenida a assuré : « L’une des pièces les plus importantes de l’histoire de la tauromachie vient de disparaître », et Antonio Márquez l’a défini : « Il avait la vérité révélatrice de son intelligence et de son énorme personnalité ».
La personnalité d’un torero qui a changé le cours de la tauromachie, et qui a succombé à sa solitude angoissée, six jours avant son soixante-dixième anniversaire. Il était dit que "El Pasmo de Triana" s’effondra secoué par une grande déception : la très belle colombienne Amina Assis, une torera à cheval, de 50 ans sa cadette, ne succomba pas à son charme altéré !
Belmonte, pas avantagé par dame nature, petit, à moitié bègue, légèrement bossu, cagneux et prognathe, de constitution chétive, n’en n’inventa pas moins "son" style avec une technique originale qui bouleversera la tauromachie, étant le premier à pénétrer dans ce qu’on appelait "le terrain du toro". Plus fort, le Juan sur ce terrain que sur celui, ô combien dangereux de l’Amour !
*Jaca. Type de cheval de petite taille, mot espagnol pour poney.
Gilbert Lamarque