Les veuves invitées
Céret, samedi 17 juillet, 18h.
Le ciel était aussi bleu que les toros de Casta Navarra étaient mansos, mansos perdidos.
Envols de capes, volées de muletas et mouchoirs rouges
Photos Ch. Lafaye
C’est à croire que la plupart du temps nous assistons à des corridas où les toros sont très souvent des couillons. Cet après-midi, une fois les épées et muletas rangées, nous avons compris après trois heures de grosses suées que ces toros navarrais étaient… intelligents. Oui, le Navarrais est lucide et perspicace. Peu importe l’âge, les quatre premiers étaient nés en janvier 2015, le cinquième en juin 2015, l’ultime en avril 2016, même plus jeunes, le cours des choses n’aurait subit aucune révolution. Intoréables ! Aucune lidia possible, le danger à chaque tercio sur toute la surface du ruedo. Arrêts brusques devant la cape, refus des piques mais doués pour la feinte et l’esquive. Tous avisés et chacun trouvant querencia devant la sortie du toril, à deux pas du jeune mayoral.
Les banderilleros eux aussi invités à la fête, à la peine ; Vicente Valera et Alberto Cacero, les poseurs de bâtonnets d’Octavio Chacón ont salué, un miracle.
Rabioso, le second de Francisco Javier Sánchez Vara "se met en valeur" sur un bon puyazo et provoque le batacazo, mais la suite fut moins glorieuse sortant seul lors des deux rencontres suivantes. Le piquero F. J. Navarrete reçoit les palmas. Le torero réussit quelques courtes séries, un hold up.
Octavio Chacón et Contendo ne s’accordent pas – le contraire aurait été étonnant – le toro hésite à la pique, s’élançant avec violence, dénué de la moindre bravoure, sortant seul des deux rencontres. Le piquero se lance à la poursuite du bicho, celui-ci passe entre les deux chevaux, puis fonce sur l’un d’eux et arrivé au niveau de l’épaule, exécute un magnifique quiebro. Les banderilles noires s’invitent au spectacle. Chacón renonce, lâche par deux fois sa muleta pour mieux sauter dans le callejón. Ce fut quasiment le même scénario avec chacun des Navarrais.
Ils se nommaient, "Catalino", 490 kg (01/15), Avinagrado, 490 kg (01/15), Tendero, 540 kg (01/15), Rabioso, 510 kg (01/15), Contento, 590 kg (06/15) et Grandioso, 550 kg (04/16), tous veletos et astifinos, du trapío et la robe châtain des Navarrais.
Sánchez Vara, salut et vuelta
Octavio Chacón, silence bis
Miguel Ángel Pacheco, silence et salut, fortement secoué par Grandioso
Catalino, Tendero et Contento reçurent les fameuses banderilles noires, les veuves.
Nous avons eu chaud, les belluaires aussi, beaucoup de vent par rafales sous un ciel bleu.
Le public est à féliciter, compréhensif, pas de huées, très peu de sifflets. L’aficionado présent savait, le résultat ne surprit pas mais l’après-midi fut intéressant et ce fut, dans un sens, une corrida historique, convenons en.
Miguel Reta Azcona et son mayoral, tout sourire, se prêtèrent volontiers aux sollicitations des photographes, et ça, c’était quelques minutes avant le paseo.
Le ganadero continuera t-il le jeu des éprouvettes ? Toujours est-il qu’il maintiendra la vente de ses toros pour les spectacles de rue, les festejos populares de Navarre, de Tafalla à Estella, de Tudela à Peralta. Nous l’avons vérifié, ses toros ont toutes les qualités pour courir dans la rue : mobilité, poursuite de l’homme et cette frappante "intelligence". Point de noblesse, de bravoures recherchées dans un ruedo.
Il est certain que nous ne reverrons pas de Casta Navarra avant des lustres et des lustres.
Nous nous inclinons devant de tels toreros, acclamés à leur départ.
Notons que Sánchez Vara rencontra en mai 2016 à Las Ventas pour la San Isidro, un toro de Saltillo, "Cazarrata", condamné aux banderilles noires. Encore un toro épouvantable !
Gilbert Lamarque