SEMAINE TAURINE ET CULTURELLE, LA BELLE TARDE
Reportage photographique : Frédéric Martinez
Dimanche 10 octobre, 11h.
Retour sur le plateau de Morlanne des successeurs des Coquilla de Francisco Sánchez Hernández "Paco Coquilla" avec quatre novillos des Herederos de Alfonso Sánchez Fabrès.
Rappelons-nous, l’ultime corrida de ce fer a eu lieu, ici, le 8 mai 2013. Thomas Dufau coupa les deux oreilles d’"Espagnol", le dernier toro combattu. Les héritiers ont gardé l’usage du fer pour leur seul bétail des origines de la ganaderia, du pur Coquilla (Santa Coloma). Juan Sánchez Fabrès Mirat en est le garant dans sa finca de Pedro Llen à Las Veguillas (Salamanque).
Lors de la XXXVe semaine en novembre 2019, nous avions vu, en matinée quatre novillos de Juan Sánchez Fabrès, de belle présentation, sous un ciel menaçant pour une fiesta campera à laquelle étaient conviés Andrès Palacios, Antonio Nazaré, Thomas Dufau et Miguel Ángel Pacheco.
Durant les tardes précédentes, le fer de Coquilla nous avait habitué à des prestations d’un niveau supérieur. Ce matin, le lot peu armé dans le type de l’encaste, pauvre de tête, noble, présentant peu de difficultés, manquait de force et de cette chispa qui rendent une après-midi intéressante. Devant ces bichos, J.F. Molina montra plus de métier, Álvaro Burdiel tel un débutant, brouillon, déçut.
Le premier novillo, d’une grande noblesse frôlant la sosería, s’avère très faible. Il reçoit une unique pique dans l’épaule. Il "humilie" dans la muleta de José Fernando Molina qui lâche trois belles séries de derechazos stimulant l’orphéon.
Les premiers muletazos sur la corne gauche ne sont guère convaincants mais Molina se reprend pour servir de bonnes séries liées et "templées". La faena, interminable, se conclue par une bousculade, le noble Coquilla terminant distrait. Un recibir raté, une demie al encuentro et x coups de verdugo, deux avis et silence.
Son second bicho, "Escudero", est mieux armé, con trapío, il subit lui aussi une pique dans l’épaule et de plus, "carioquée". Début par derechazos à mi-hauteur, la charge est courte, les séries se décantent passe après passe sans liaison. C’est long, ennuyeux et le trasteo se termine avec un novillero tremendiste abandonnant ses gestes élégants.
La mort est tout aussi longue, un avis sonne et l’oreille tombe.
Álvaro Burdiel attaque bien de cape "Condenado", cornicorto qui recevra deux piques dosées de l’excellent Alberto Sandoval. Aux banderilles, Mathieu Guillon "El Monteño" et Manolito de los Reyes saluent. "Brindis" au maigre public, environ 400 personnes. Le novillo est faible mais baisse la tête dans la muleta du sevillano. Les séries droitières se succèdent, plus électriques à senestre.
Burdiel est superficiel, conduisant le bicho par des muletazos secs, cassant la fin de la charge sans jamais se croiser. La noblesse de "Condenado" méritait plus d’égards. Trois quart d’épée plate, pinchazo, une demie et descabello : un avis, silence. Le quatrième complétant la matinée est léger mais aussi le plus vif du quatuor. Il "remate", reçoit trois puyazos avec une certaine bravoure, s’élançant d’abord de son propre chef depuis les planches, mais cabeceando à trois reprises. Certainement le meilleur Coquilla, mal exploité par Burdiel, désordonné, jamais dans le sitio. La faena se termine, hélas, avec un novillo qui se désintéresse du sujet, lorgnant les planches, le novillero perdant la muleta dans un ultime assaut. Álvaro envoie ad patres le bicho d’une entière caídita. Salut au tiers.
Cette novillada matinale a été organisée par le Collectif Pedro Llen, aidé par la Peña Jeune Aficion. Le brouillard s’était dissipé.
Au pupitre, la banda Al Violin de Samadet qui eut peu l’opportunité de faire sonner les cuivres, elle sera comblée l’après-midi.
Dimanche 10 octobre, 17h.
"LOTERILLO" ET "TIBALIANO"
Tarde festive au Cap de Gascogne : les Bats sont venus, ils ont combattu et ils ont vaincu sur leurs terres. Les aficionados sont comblés, les ganaderos également mais aussi apaisés et réconfortés.
Lors de la conférence du mercredi précédent consacrée aux deux ganaderos, Philippe Bats (Alma Serena) et Guillaume Bats (Casanueva), le nombreux public put prendre conscience des difficultés éprouvées et de l’avenir incertain de ces deux élevages, peu ménagés aussi par la pandémie. Au soir de cette belle journée, Philippe Bats nous disait combien il était important de vivre un tel moment, ne serait-ce que pour passer plus sereinement les longs mois d’hiver où vous vous sentez si seuls. Comment ne pas avoir une pensée pour Pierre, le frère absent ?
Aujourd’hui, les deux éleveurs ont franchi un cap, ici, au Cap de Gascogne, le passage délicat en novillada piquée.
Ajoutons à cette fête, les deux novilleros qui permirent de la porter plus haut avec une mention spéciale à Yon Lamothe qui, aidé par le sorteo, sera le triomphateur de la tarde, et cerise sur le gâteau, verra ses deux opposants "Loterillo" de Casanueva et "Tibaliano" d’Alma Serena, sortis respectivement 1er et 3e, honorés de la vuelta posthume. Manuel Perera sortira lui aussi a hombros, les deux ganaderos accompagnant les jeunes toreros.
Les quatre novillos, bien présentés, sans vices, ont permis de bons trasteos, les 1 et 3 supérieurs, bien sûr.
Clairvoyante présidence de Vincent Bourg "Zocato" ; un super pointilleux aurait gâché les réjouissances.
Le premier, applaudi à la sortie, "Loterillo" (Casanueva) n° 48, melocotón, reçu par véroniques, est superbe avec une tête frisée que vous avez envie de caresser, bref…
Il reçoit une première pique sans conviction mais s’affirme sous la seconde, mettant les reins, provoquant un batacazo. Mathieu Guillon salue aux palos. Yon Lamothe débute par derechazos, "Loterillo" est noble et auteur d’une belle charge. A gusto, le Landais délivrera un lot de naturelles de bonne facture, les deux protagonistes amenant la faena a mas.
Yon termine toréant plus rapproché. L’estocade entière et en place couche le bicho qui en demandait encore. Yon Lamothe eut le bon goût de livrer un travail assez court, la tendance actuelle étant aux longueurs. Oreille et mouchoir bleu.
Le Tarusate a le bonheur d’être opposé à "Tibaliano" n°56, burraco, listón d’Alma Serena qui prend deux piques, la seconde ovationnée pour une belle charge contenue par Alberto Sandoval.
Le Madrilène Rafael González (ex torero) posent deux bonnes paires de banderilles. "Brindis" au public, un chouia plus nombreux, environ 700 personnes. "Tibaliano" déclinera sa classe, "humiliant" tout au long du combat.
La faena est bien menée, les séries se multiplient et pèsent sur le bicho. Trop confiant, réduisant les distances, il subira une voltereta. Le tout se terminant en étouffant un peu la bête, le bon passant au moyen et l’ensemble longuet. L’épée est magnifique, deux oreilles et vuelta pour "Tibaliano".
Manuel Perera a, pour premier adversaire, le premier d’Alma Serena, castaño, petit et coiffé court. Il prend deux piques en se défendant, suivies d’un quite par saltilleras de Yon Lamothe. Le tercio de banderilles est écourté (deux paires). "Brindis" à l’heureux public. Débutant bien par derechazos, Perera moins à l’aise, change de cap et nous sert le pire comme le meilleur. La faena est interminable, s’achevant en "padilladas", tremendisme. Une entière bien que trasera libère une oreille.
Le quatrième "Aguafuerte" (Casanueva) est un costaud qui prend deux piques insuffisantes, la seconde étant plutôt une rencontre furtive. Juan Antonio Pinto, sobresaliente est invité au quite. Manuel Perera débutera un genou à terre, mauvais choix, mauvais goût. Il délivre des séries des deux mains plus autoritaires que bénéfiques. Le bicho est brave et exigeant mais il a besoin d’air. A mon avis, il est "gaspillé", Perera finissant, bousculé, une faena allant a menos. Entière légèrement desprendida, avis, oreille contestable. On se serait passés des dernières séries chiffonnées et inutiles.
Yon Lamothe truste les prix, celui de la meilleure cuadrilla (Prix Villa Mirasol) et le prix au triomphateur (Peña Jeune Aficion).
La date du 10 octobre fut un bon choix, douce journée qui permit aux aficionados de se restaurer sous les voûtes du Cloître des Jacobins, dans le style roman languedocien composé de pierres et de briques. Le repas, lui, dans le style gascon chalossais.
Gilbert Lamarque