Le "Coeur de lion" a rendu l'âme
Jaime Ostos et son épouse passaient les fêtes de Noël en Colombie, à Carthagène des Indes. Sur le point de retourner en Espagne, le maestro victime d’une crise cardiaque, est décédé dans la matinée du samedi 8 janvier, il avait 90 ans. Le "Cœur de lion" comme le surnommait le critique Gonzalo Carvajal pour sa force et son irrésistible désir de triomphe, a rendu les armes à l’aube de cette nouvelle année.
Jaime Ostos était né le 8 avril 1931 dans la ville sévillane d’Ecija, surnommée "la poêle à frire d’Andalousie".
Le public l’a découvert toréant dans son village, le 1er juin 1952 et il débute avec picadors à Osuna le 5 avril 1953 à 22 ans. À cette époque, il rivalisait avec Bartolomé Jiménez Torres né comme lui à Ecija mais en 1928. Bartolomé était massivement suivi par les classes les plus populaires, vénéré comme un véritable idole ; Jaime, le plus courageux, était fils d’une des rares familles aisées. D’où cette rivalité passionnée. Torres prit l’alternative en 1954 dans le coso ecijano des mains d’Antonio Bienvenida. Il s’habilla d’argent en 1964 comme banderillero jusqu’en 1971. Lui aussi mourut des suites d’un problème cardiaque à 74 ans.
Ostos prend l’alternative le 13 octobre 1956 à Saragosse avec pour parrain, Miguel Báez "El Litri", et pour témoin, Antonio Ordoñez, les toros sont d’Urquijo.
Il fut l’auteur d’une carrière fulgurante et au sommet de l’escalafón en 1962 aux côtés de Diego Puerta, avec 79 corridas. Cette année-là, il sort pour l’unique fois par la Puerta Grande de Las Ventas.
L’ange salvateur…
Le 17 juillet 1963, il repousse son rendez-vous avec la mort en plaza portative de Tarazona de Aragón où il torée avec El Viti et El Caracol ainsi que le rejoneador Ángel Peralta. Le maestro reçoit par véroniques le premier toro des Hermanos Ramos Matías. Une rafale du vent de la sierra plaque la muleta sur la cuisse droite d’Ostos, la bête plante sa corne et le sang jaillit de l’artère iliaque. Les médecins ont grand peine à contenir l’hémorragie et le blessé est au bord de l’agonie, épuisant les réserves de sang. Ángel Peralta après avoir mis le poing sur la blessure, appelle les aficionados et les encourage à donner leur sang. Deux cents donneurs ont répondu pour sauver le torero. L’aumônier lui avait déjà donné les derniers sacrements, le pouls étant imperceptible. Il est amené en ambulance à la clinique San Ignacio de Saragosse où il se rétablira après trois jours entre la vie et la mort et un mois de combat. "J'étais mort depuis pratiquement trois jours". Merci docteur, merci Ángel et merci la Vierge du Pilar…
El Ecijano reviendra dans les ruedos à Arles, un an et demi après cette terrible après-midi. Les dernières années, il affronta les fers les plus réputés comme Miura ou Pablo Romero. Technicien et bon muletero, il annonce sa retraite en 1974 après avoir subi 25 cornadas dont 8 graves comme à Bilbao en 1957, Séville et Salamanque en 1957 ou encore Pampelune en 1960. Il reprendra les trastos en 1977 pour huit courses, se retire à nouveau et revient en 1980 pour douze paseos, le dernier chez lui, à Ecija, le 12 octobre.
"Jaime Corazon de León" était doté d’un énorme courage et d’une grande capacité à vaincre. Le mardi 22 juillet 1959, lors d’une corrida triomphale des Fêtes de la Madeleine à Mont-de-Marsan, Jaime Ostos fut blessé par son premier toro de Sepúlveda de Yeltes lors de la mise à mort. Il tint à achever son adversaire en logeant une demie. Le diestro emporté à l’infirmerie, c’est son peón qui, réclamé par le public, effectuera la vuelta avec les oreilles et la queue. Il réédita ce jour, son "exploit" de Bilbao du 20 août 1957 où, blessé à la jambe par un toro d’Antonio Pérez, il avait tenu à tuer celui-ci malgré l’intervention énergique de ses camarades de cartel, El Viti et Gregorio Sánchez qui lui déconseillaient vivement.
Jaime Ostos fit 10 paseos au Plumaçon, coupant 17 oreilles et une queue. Il se présenta pour la première fois le 23 juillet 1957, et combattit sa dernière corrida le 19 juillet 1965 devant les toros du Marquis de Domecq, sous le déluge, il coupa les deux oreilles de son second adversaire. Il était accompagné de Paco Camino et El Viti : beau cartel ! Il se produisait avec une des meilleures cuadrillas au monde : Julio Pérez "El Vito", Luis González et Antonio Fernández Ramos "Almensilla".
Ces années-là, Jaime Ostos complétait le cartel idéal avec Luis Miguel Dominguín et Antonio Ordoñez.
Homme de caste au fort caractère, il était un personnage controversé qui ne mâchait pas ses mots n’y allant donc pas par quatre chemins en bon estoqueador qu’il fut.
Gilbert Lamarque