Les derniers des Mohicans
Entretien de la candidate du Parti animaliste pour la présidentielle pour faire progresser sa cause sans l’enfermer dans une sensibilité politique. Le Point "Journal de midi" du 15 janvier 2022.
Propos recueillis par Thibaut Déléaz et Emmanuel Durget.
Chasse, élevage intensif, maltraitance, corrida…
Surprise lors des élections européennes en 2019, le tout jeune Parti animaliste avait réalisé 2,2 % des voix sans pour autant obtenir de siège au Parlement européen. Depuis, le Parti a placé ses premiers élus dans des conseils municipaux à la faveur des élections de 2020. Pour la première fois, il présente une candidature à l’élection présidentielle en la personne de Hélène Thouy, avocate bordelaise de 38 ans, l’une de ses fondatrices.
Hélène Thouy assure que ses idées sont largement partagées par la population, mais bloquées par les politiques sous l’influence des lobbys.
Extraits
- Pourquoi ne pas s’allier avec un autre candidat qui pourrait porter vos idées ?
… Nous ne ferons pas d’alliance. La cause animale dépasse les clivages politiques… Il ne faut pas l’enfermer dans un parti ou une candidature.
- Comment jugez-vous les propositions des autres candidats sur cette question du bien-être animal ?
… Aucun n’a témoigné d’une réelle détermination à changer les choses. Mais depuis que l’on a fait 2 % aux européennes, il n’a échappé à personne que nos idées sont un réservoir électoral qui peut faire basculer une élection… Quand on entend Yannick Jadot défendre le foie gras artisanal, c’est que le sujet n’est pas maîtrisé. Le problème du foie gras, c’est le gavage. Que vous gaviez trois oies dans un petit enclos ou que vous en gaviez 500, ça reste de l’alimentation forcée.
- N’avez-vous pas peur de porter des mesures trop radicales qui pourraient effrayer les citoyens ?
Nous ne prônons pas l’arrêt de la consommation ou de la production de protéines d’origine animale, seulement une réduction… Nos mesures sont majoritairement soutenues par les citoyens, même sur l’interdiction de la chasse. Mais les chasseurs présentent depuis des années comme des représentants de la ruralité, les politiques pensent alors qu’ils se mettront à dos le monde rural en allant contre la chasse…
- Face à des lobbys puissants comme celui de la chasse, pensez-vous que la voie démocratique que vous avez choisie est suffisante ? D’autres ont choisi un activisme parfois violent…
C’est un vrai sujet. Si on a une crise institutionnelle majeure et une abstention qui progresse élection après élection, c’est parce que les citoyens n’ont plus l’impression de peser sur la politique…
- Emmanuel Macron a-t’il été un bon président pour les animaux ?
Il a fait du massacre des animaux la grande cause du quinquennat ! … Emmanuel Macron aurait pu mener des réformes ambitieuses, mais son bilan est décevant. Il y a eu des avancées, on ne peut pas dire le contraire, mais rien sur l’élevage, la chasse, la corrida…
- Si vous deveniez présidente de la République fin avril, qu’elles seraient vos premières mesures ?
Ma première mesure, immédiate, serait d’arrêter les autorisations de création et d’extension des élevages industriels et intensifs, puis d’entamer le processus pour qu’à la fin du mandat, tous les éleveurs qui sont dans l’intensif n’y soient plus. Cela suppose de les aider financièrement et de les accompagner…
… Enfin, nous créerons un ministère de la Protection animale. Cette question est aujourd’hui dans les attributions du ministre de l’Agriculture, on est vraiment en plein conflit d’intérêts. Il faut un ministre à part entière, qui puisse sérieusement traiter ce sujet, avec des moyens.
- Souhaitez-vous aller vers une égalité juridique entre les hommes et les animaux ?
Absolument pas. On ne va pas donner le droit de vote aux poules ! …
- La France a-t’elle du retard sur ces questions-là ?
Oui, nous sommes en retard. Sondage après sondage, on voit que les citoyens ont des attentes sur la cause animale, mais que les politiques ne changent rien. Je ne parle même pas de l’élevage, on a encore des loisirs comme la chasse ou la corrida. Il y a un énorme décalage. Regardez le référendum sur les animaux : il n’a pas pu aboutir, alors qu’il était soutenu par les citoyens, parce que tous les parlementaires, par des jeux de lobbying, n’ont pas osé signer ou se sont rétractés.
- Comment faire pour dépasser ces lobbys ?
On redonne plus de place aux citoyens. Depuis 2017, nous portons le référendum d’initiative citoyenne. La démocratie directe est la solution, d’autant qu’en France, on a des seuils qui rendent extrêmement difficiles l’élection de formations politiques émergentes...
- Vous ne souhaitez pas d’alliance pour la présidentielle, mais est-ce envisageable pour les législatives ? Cela pourrait vous permettre de gagner quelques circonscriptions et d’avoir des députés à l’Assemblée.
Il n’est pas question de faire alliance. Nous avons déjà investi plus de 100 candidats… Avant de créer le Parti animaliste, nous avons essayé de convaincre les formations politiques avec des arguments rationnels. Mais le seul argument qu’ils comprennent, c’est la perte de voix. C’est tout ce qui peut leur faire un électrochoc.
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Le Parti animaliste a obtenu 2,2 % aux élections européennes, il a séduit près de 500 000 Français. Il a doublé son score des législatives (1,1%). C’est bien mieux que les listes gilets jaunes, l’UPR de François Asselineau ou le Patriotes de Florian Philippot et presque aussi bien que le vénérable Parti communiste ou l’UDI (2,5%). Les figures de proue de la campagne étaient un beagle et un chaton aux yeux implorants.
5 Français sur 6 rejettent le piégeage des oiseaux à la glu, avec des filets, et autres pièges (84 % IPSOS 2018)
4 Français sur 5 ne sont pas favorables à la chasse (81 % IPSOS 2018)
3 Français sur 4 sont favorables à l’interdiction des corridas en France (75% IFOP 2021)
2 Français sur 3 sont favorables à la création d’un statut juridique de "personne animale" (66 % IFOP 2020)
1 Français sur 2 est favorable à l’interdiction du gavage (58 % OpinionWay 2017)
Interdire, interdire…
Les corridas, par exemple, ne nous apportent-elles pas – encore aujourd’hui – de l’émotion, une émotion partagée ? Qu’allons-nous partager demain ? Qu’en est-il ces temps-ci de l’empathie, de l’altruisme, du bonheur véritable des petites choses du quotidien ? Plus d’enchantement, c’est has been.
Faudra-t’il que certains loisirs, certains plaisirs jugés comme marginaux par l’ensemble de la population, soient éradiqués comme on élimina, extermina majoritairement les grandes tribus d’Amérique du Nord : Algonquins (dont font partie les Mohicans), Apaches, Cherokees, Cheyennes, Comanches, Iroquois, Sioux ou Hurons… (liste non exhaustive). Les "indiens" que nous sommes, ces dévoreurs de foie gras, ces buveurs de sang, doivent disparaître, en silence, sans guérilla sanglante, dans l’anonymat.
N’abandonnons pas notre sol aux dédaigneux, aux sceptiques et aux aigris. Ne l’abandonnons pas non plus à la bêtise, la chose la plus partagée au monde, la plus grande menace pour l’humanité !
Peu importe le nombre d’idiots que vous imaginez autour de vous, vous sous-estimez invariablement le total. Pourquoi ? Parce que vous partez du principe, faux, que certaines personnes sont intelligentes en fonction de leur travail, de leur niveau d’éducation, de leur apparence, de leur réussite… Il n’en est rien. La bêtise est perverse.
Les stupides sont constants par rapport aux autres, c’est pour cela qu’ils sont si dangereux. Un stupide est plus dangereux qu’une mauvaise personne, un voyou car que faire contre la stupidité ?
Il n’y a aucune protection, soyez prudent.
Gilbert Lamarque