Une nouvelle centenaire
Les arènes de Pampelune ont cent ans.
Les Pamplonais Luis del Campo et Fernando Pérez Ollo ainsi que le Navarrais Galo Vierge, ont déjà traité en leur temps de l’histoire des arènes de Pampelune qui fêteront, cette année, – si el Covid lo permite – son centenaire. Parmi nous, tous ne maîtrisent pas la langue de Cervantes.
En voici un libre résumé.
L’architecte de la municipalité, Serapio Esparza, fut chargé de construire la nouvelle arène par la Casa de Misericordia qui devint propriétaire – belle opportunité – afin que tout ceci ne finisse pas entre les mains d’une entreprise purement spéculative. La construction de cette nouvelle plaza n’était qu’à des fins d’urbanisme, pour ouvrir le deuxième nouveau quartier.
À cette époque, c’était le Conseil municipal, par l’intermédiaire de la Commission de développement qui organisait les corridas et agissait en tant qu’entrepreneur, allouant les bénéfices qui en résultaient à des œuvres de bienfaisance. Les corridas étaient alors organisées dans les anciennes arènes, construites en 1851 sur les fondations de celles bâties en 1844. Ce nouveau quartier a demandé aussi la démolition de l’ancien Théâtre Gayarre situé sur la fameuse Plaza del Castillo. Il a été déplacé sur l’avenue Carlos III. Ce nouveau projet a vu le jour très près de l’endroit où se trouvait l’ancienne plaza, à quelques mètres de la non moins fameuse Calle Estafeta. Ceci signifiait que le trajet des encierros matinaux n’allait guère changer. Avec la situation de l’ancienne arène, à la fin de Estafeta, les toros tournaient à droite pour parcourir les derniers mètres à l’entrée des arènes, avec la nouvelle, lorsque les toros quitteront Estafeta, ils tourneront à gauche pour chercher l’allée donnant l’accès au ruedo.
La commission du projet de l’arène est revenue à Francisco Urcola Lazcanotegui, un architecte de Saint-Sébastien. C’est lui qui a construit outre des bâtiments emblématiques, les arènes de sa ville, populairement connues sous le nom d’El Choffre, aujourd’hui disparues "au profit" de la résonante Illumbe. Il est à l’origine aussi, de la Monumental de Séville, quartier San Fernando, chère à Joselito, elle aussi détruite. Ne subsiste qu’une porte avenue Eduardo Dato. Urcola avait des liens familiaux avec Pampelune car il a été successivement marié aux deux filles du maire de la ville, Joaquín Iñarra Ruiz : il était veuf de María Luisa Iñarra et s’est remarié plus tard avec sa sœur Teodora. Imaginez si le maire avait eu trois filles !
L’architecte a utilisé du béton armé, innovation révolutionnaire dans les grandes constructions de l’époque. Le budget final était de 1 270 000 pesetas, attribué en février 1921 aux constructeurs de Pampelune Marticorena, Mendizabal y Ca. Y eut-il appel d’offre ? Les travaux commencèrent la première semaine de mars.
Le 10 août 1921, l’ancienne arène a pris feu, évènement qui accéléra les travaux du nouvel édifice qui était déjà en cours. Grand exploit car sans les moyens disponibles d’aujourd’hui, l’arène a été construite en seize mois et donc prête pour son inauguration le 7 juillet 1922. Dans les corralillos de la Rochapea, les toros de l’élevage des héritiers de Vicente Martínez, patientaient. Le cohete (la fusée) s’éleva dans les airs, signal du départ de l’encierro. À l’entrée des arènes, un coureur tomba, très vite un montón se forma. Plus d’une centaine de blessés ont été soignés à l’infirmerie, les blessures avaient été causées par les sabots des cornus se frayant un chemin par dessus le barrage humain.
L’après-midi, sous la présidence du maire Tomás Mata – un nom prédestiné ! – , les trois toreros échangèrent le capotillo de soie pour la percale. Saleri II, Juan de la Rosa et Marcial Lalanda étaient partis à pied de l’hôtel Quintana, et les picadors de l’auberge La Bilbaína, les premiers quittant le standing, les seconds le populaire !
La corrida inaugurale n’a pas répondu aux attentes. Les toros furent discrets, les toreros ne firent rien d’exceptionnel. Le public partit déçu. Pour l’anecdote, Juan de la Rosa prit le premier avis dans ce nouveau coso. Quant à la première oreille, elle ne tomba qu’au troisième jour récompensant National II.
La plaza a été réalisée avec une capacité de 13 600 places. C’est au début des années 1960 que la demande de places monte en flèche et que la revente fait des ravages. Raison pour le maire Miguel Javier Urmeneta de proposer une extension de l’arène. En février 1964, le nouveau maire, Juan Miguel Arrieta, ouvrit la question de l’agrandissement et approuva l’érection d’une tribune au-dessus de la andanada (gradins couverts). Alors, après les Sanfermines de 1966, un budget d’agrandissement de 4 950 places est accordé. Avec la nouvelle capacité de 19 500 places assises, les arènes de la capitale navarraise deviennent une arène monumentale de 1ere catégorie.
En 1970, on ajoute un éclairage et en 1983, on enlève la couverture actuelle au-dessus des gradins couverts. Puis la plaza n’étant plus conforme à la législation navarraise en termes de sécurité, en 2005, on la dote de plus de sorties, un plus grand nombre de vomitoires et de couloirs. Cette réforme n’a pas affecté le nombre d’emplacements en abaissant davantage l’albero (le sol de l’arène) et en créant une nouvelle rangée appelée deuxième contabarrera.
Anecdote
Cayetano Ordoñez "Niño de la Palma" a été l’un des toreros à l’origine du plus grand nombre d’altercations dans ces arènes pamplonaises. Plus tard, son fils, Antonio Ordoñez, fut le torero qui, pour de nombreux aficionados, a marqué l’âge d’or du coso navarrais. Il fit 33 fois le paseo devancé toutefois par Ruiz Miguel détenant le record avec 35 corridas !
Puissent les vénérables arènes de Pampelune s’ouvrir de nouveau à la tauromachie pour leur 100 ans !
2022
Puisque nous sommes à Pampelune, les élevages pour la prochaine Feria del Toro sont connus. Les encierros vont connaître à nouveau une bonne montée d’adrénaline.
Pour les corridas : Miura, les toros de Zahariche sont la marque des Sanfermines. Une autre pointe torista avec le fer redouté de Cebada Gago auquel nous rajouterons celui de José Escolar et son encaste Albaserrada. Pour les figuras, les toros de Victoriano del Río et ceux de Nuñez del Cuvillo, le sang Domecq toujours bien présent. Encore du Domecq par Jandilla avec les Fuente Ymbro. Un bel hommage sera rendu à Borja Domecq avec la présence de Jandilla, l’éleveur disparu fut un fidèle de Pampelune. Enfin, la troisième apparition de La Palmosilla après 2018 et 2019, recevant cette année-là, le Prix Carriquiri pour "Tinajón", le toro élu de la Feria.
Le rejón verra l’élevage salmantino de La Capea, du traditionnel avec ses Murube.
La Feria débutera avec une novillada de Pincha, l’élevage navarrais de Lodosa est lui aussi mâtiné de Domecq via Gerardo Ortega, Luis Algarra et Marqués de Domecq (mais pas de sang Jandilla).
En résumé, à l’exception de Miura et Escolar, et bien sûr La Capea d’origine Murube, les autres élevages de toros ont du sang Domecq par Jandilla.
Qui dit Domecq ne dit pas mécaniquement manque de bravoure, de caste, faiblesse, etc. Pour preuve, il y a bien du sang Domecq par Jandilla chez Cebada Gago ! Mais l’ascendance Domecq et Carlos Nuñez ont fait aujourd’hui, un toro craint par les toreros. Voici l’exemple même d’une judicieuse sélection malgré certaines origines.
Gilbert Lamarque