LE GRAND GESTE...
… "CADEAU" PARFOIS EMPOISONNÉ
LAS VENTAS, DIMANCHE 10 AVRIL
Ambiance de gala, un peu plus de 20 000 spectateurs.
Emilio de Justo, seul contre six.
La première brute, un santa coloma de Pallarés envoie Emilio au tapis lors de la mise à mort. Oreille, infirmerie, hôpital.
Fracture des vertèbres C1 et C2. Le geste-cadeau s’est transformé en don de sa personne.
Le Salmantin Álvaro de la Calle s’envoya la suite : les spécimens de Victoriano del Río, Victorino Martín, Domingo Hernández, Parladé et Palha.
Silence (avis), silence (avis), vuelta (avis), ovation et ovation de despedida.
Comme l’exige le règlement, Álvaro de la Calle, premier sobresaliente, le plus âgé, s’est coltiné les cinq toros. Jeremy Banty resta donc dans un rôle de témoin, accomplissant deux quites au quatrième puis au dernier.
Emilio de Justo disputait ce dimanche des Rameaux, la 52e encerrona de l’histoire de Las Ventas. Le rêve s’est brisé outre les cervicales. Le Dr Hevia pense que « le plus raisonnable est d’attendre trois ou quatre mois, et à partir de là, selon la façon dont il évolue, nous pourrons savoir plus précisément s’il pourra combattre cette année ou non. »
(Votre serviteur avait préparé un article sur les encerronas à Madrid grâce aux sources d’El Mundo. Certainement superstitieux comme les toreros de tout poil, j’attendais le lendemain de cette corrida pour publier).
Antonio Bienvenida est, avec six tardes, le torero en tête des solos. Antonio Ferrera était le dernier en 2021 avant Emilio, ce 10 avril 2022.
Antonio Bienvenida, pour sa première en septembre 1947, devait combattre avec Manolete. Après la tragédie de Linares, il a décidé d’affronter seul la corrida, coupant quatre oreilles. Sa dernière actuación en solitaire, il l’effectua en 1966 à l’occasion de sa despedida avec divers élevages : trois oreilles. C’est au cours de cette après-midi qu’exceptionnellement la musique joua alors qu’un torero affrontait un toro.
Entre temps, Gregorio Sánchez tua en une heure et vingt minutes, les six toros de Barcial. Avec ce même élevage, Pablo Lozano coupa quatre oreilles en juillet 1957. En 1970, Paco Camino atteindra les sommets, battant le record : huit oreilles. Joselito (José Miguel Arroyo Delgado) a combattu à deux reprises, il rentra dans l’histoire avec la "goyesque" du 2 mai 1996. Certains se battirent avec le fer de Victorino Martín : Andrés Vázquez, Ruiz Miguel, El Niño de la Capea, Roberto Domínguez, Manuel Caballero, Alejandro Talavante et El Cid. Seuls, Talavante et El Cid ne triomphèrent pas. Il y eut Uceda Leal, le 2 mai 2004, Miguel Ángel Perera en 2008, blessé, opéré à l’infirmerie.
Mauvais bilan pour El Juli, une oreille en 2003. Morante de la Puebla échoua en 2004 avant de triompher en 2007.
Il y eut aussi Dominguín en 1949, Rafael Ortega en 1954, Antoñete en 1975, Paquirri en 1980 avec "Garcito" de Samuel Flores.
D’autres s’en retournèrent frustrés, sans trophée : A. Bienvenida (1960), Curro Romero (1967), Luis Francisco Espla (1992), Curro Vázquez (1994), Ortega Cano et Enrique Ponce (2014), Iván Fandiño (2015), (j’en fus témoin lors de ce lleno), et El Cid (2015).
Emilio de Justo avait ouvert la Puerta Grande à deux reprises en 2021 avec l’intention de défier même l’Histoire. Ce fut la porte de l’infirmerie qui s’ouvrit.
Le prochain "geste", geste obligé : Paco Ureña, le 21 mai au cours de la San Isidro devant divers élevages.
Gilbert Lamarque