FACE à LA MER
Ayant dérivé quelques jours pour échouer sur le sable du Grau du Roi, le 25 mai, le printemps s’achevait. Aujourd’hui l’automne éclaire nos jours. Chaque matin, la mer changeante bleue, grise, verte, à l’écume blanchâtre, avec pour horizon, l’eau bleue, grise, verte, les voiliers qui ont plié les voiles bleues, vertes, rouges ou jaunes, les villégiatures sont consommées, les mouettes ont retrouvé leur havre de paix.
Chaque jour, la mer « toujours recommencée », (emprunt au voisin sétois Paul Valéry), mer paresseuse pour un enfant de l’Atlantique mais ô combien sournoise, nous prépare à une catastrophe que prédisent les spécialistes. Le trait de côte recule et la modeste dune qui nous sépare, n’empèchera pas de gagner notre vaisseau de béton et de verre ancré à une courte bordée de l’envahisseuse. Les experts présagent que d’ici un certain temps, la cathédrale, l’église abbatiale de Saint-Gilles en Petite Camargue, aura les pieds dans l’eau, les fidèles iront en barque à la messe dominicale. Ainsi soit-il.
Chose curieuse, la célèbre plage de l’Espiguette, à l’Est du Grau du Roi, s’agrandit, s’ensable, "ma" plage, à l’Ouest près du bois de Boucanet n’est plus qu’un maigre cordon de sable. Les terres du Grau connaîtront la mésaventure à l’envers de sa voisine, la cité médiévale d’Aigues Mortes où en 1266, Louis IX plus connu sous l’apodo de Saint-Louis, décide de donner à son royaume une ville portuaire, véritable point de départ de ses futures croisades et, conjointement port de commerce maritime où les marchandises sont apportées à terre par des barques à fond plat. La mer se retira, l’envasement de l’étang contribuera à l’abandon progressif du port. Fini le monopole ! Aigues Mortes, avec l’arrivée du Rhône à Sète, se transformera en port fluvial. En attendant , une nouvelle visite maritime entre le Grau du Roi et les Saintes-Maries-de-la-Mer, je l’imagine traversant le Petit Rhône envahissant les anciens marais salants… Il y a urgence.
Au chevet du littoral
Deux secrétaires d’État sont dans le Gard, ils surferont sur la vague à la fin de septembre pour se pencher sur ce problème qui semble insoluble. Surtout si le nombre d’acteurs n’est pas d’accord sur la solution à mettre en place…
Alors dans mes élucubrations nichées loin au-dessous de la surface de l’eau, j’imaginais la disparition de la corrida tant souhaitée par un député à l’égo démesuré. Tout en souhaitant égoïstement que la course de toros se dissoudra avec l’inéluctable montée des eaux d’ici un certain temps, un temps inconnu, vingt ans peut-être ?
Avec l’Ukraine attaquée par la Russie, TaÏwan par la Chine, nous sommes entrés dans une ère de guerres majeures entre puissances autoritaires. Mais nul ne peut l’affirmer, il y a toutefois un changement de perception : l’usage de la force, souvent déconsidérée dans les démocraties, et où à nouveau comme nécessaire au sein des opinions publiques. Dans la France démocrate, certains se servent de la force pour déclarer une guerre sans armes létales se servant de l’opportunité de leur récente situation pour balayer d’un arrogant revers de main un élément de nos traditions, l’attristant député Caron a décidé d’abolir la corrida, et par ce biais enlève le pain de la bouche à ceux qui, avec difficulté et beaucoup d’acharnement, vivent de la tauromachie laisant les élites se gaver égoïstement…
La mer envahissant les terres de Camargue, nous allons relever les manches pour tenter d’y remédier et nous acceptons les mauvais tours de la nature bien que nous soyons les principaux fautifs….
Le dogmatique député n’a pas, hélas, pour héritage l’acceptation de l’égalité et le souci de la liberté garantie par la participation de nous tous aux décisions politiques. Il en est de la désaffection des citoyens à cette même politique méprisable.
On vous dira que pour satisfaire une idée qui hante les jours et les nuits du député parisien, l’Assemblée votera pour ou contre ce maudit projet de loi. Quoi de plus démocratique qu’envoyer les aficionados aux orties avec ses traditions centenaires.
Plus de liberté, nous semble-t’il, moins d’État . De loin, les libéraux ont l’air d’accord sur tout. De près, les choses sont plus complexes, cette sacrée famille libérale abritant des sensibilités innombrables. Chacun amène son repas ; c’est l’auberge espagnole ! Mais la qualité y est absente.
Rappelons-nous cette citation de Tocqueville l’éclairé : « Il y a plus de lumière et de sagesse dans beaucoup d’hommes réunis que dans un seul. » N’est-ce pas M. Caron ? Ça ressemble à de la simple politique.
Pendant ce temps, la mer « toujours recommencée » aura le dernier mot. Les toros victimes de la bêtise de l’homme, cet idiot, s’endormiront dans les brumes d’un passé, semble-t’il où nous étions heureux. Les toros à jamais dans le silence éternel des espaces infinis…
Mais attendons d’ici peu , les actions des "bons" parlementaires (un doux rêve) pour la défense des traditions dont l’une, la tradition taurine, porte sur une part significative de la culture.
D’ici-là, profitons de l’été indien, et même si l’époque s’y prête, tentons de ne pas tout repeindre en noir, tentons de voir le côté lumineux de la vie.
Gilbert Lamarque