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LE DERNIER TORERO

Publié le par Cositas de toros

Camille de Villeneuve © Gallimard

 

"Au moment où Sandra a été prise, je la photographiais. Elle s'était préparée pour donner la mort, penchée en avant, écrasant la demi-pointe de son pied droit, la tempe blottie dans l'arc du bras. Ses pieds ont glissé face à la bête. Elle a tendu le coude. Le ciel a déchargé son premier coup de tonnerre, les yeux se sont levés vers les grumeaux noirs qui rasaient l'arène."

     Le roman est dédicacé à Thomas Dufau, l'ami torero.

     Camille de Villeneuve, jeune romancière nous amène dans le monde de la corrida, milieu qu'elle découvrit à l'adolescence.

     C'est una terna, un trio de femmes inséparables : la narratrice, Lily sa soeur et celle avec qui elles ont été élevées toutes les deux, celle qu'elles considèrent comme leur demi-soeur, Sandra. Cette dernière est l'une des rares toreros en activité ; la narratrice était sa photographe officielle assurant sa communication jusqu'au jour, lors d'une corrida qui aurait pu être fatale à la jeune torera, la pousse à l'éloignement des arènes. Mais elle décide de faire son retour, le temps d'une corrida, et le trio, mis à mal par les évènements, se reconstitue tant bien que mal pour l'accompagner dans ce qui semble être une mauvaise idée, au mieux. 

     Porté par une écriture pleine de justesse où le dur côtoie la beauté, où l'humour acide se mêle à la tension palpable et à une sensation d'étouffement, ce roman est un portrait explosif de femmes aux multiples facettes dans un monde de rites et d'hommes, conservant un étrange magnétisme. Un roman qui fera voyager le lecteur des Landes en Aragon, jusqu'à l'Andalousie dans un mundillo où ne sont pas exclus les trahisons et autres coups de puntilla entre les omoplates.

     Le dernier torero est emprunt de beaucoup de subtilité, de féminité, où l'écriture souple se heurte aux diverses personnalités tourmentées. C'est intelligent, libre, ce n'est ni un plaidoyer pour ou contre  la tauromachie, loin des clichés de ce monde, de son folklore et des déclarations trop catégoriques qu'évoquent un tel sujet.La société abjure, s'éloigne de ces réjouissances, de ces manifestations païennes d'un autre temps, spectacle païen pour les uns, mystique pour les autres, classés dans la catégorie "crimes prémédités" comme l'écrivait non sans aigreur Ruben Amón dans son dernier essai. Une certaine mélancolie gagne les dernières lignes... 

                                    Gilbert Lamarque

     Camille de Villeneuve. Le dernier torero, roman. Gallimard, 288 pages, 21,50 euros.

 

 

 

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