Émotions
Le marché des émotions est essentiel dans le monde actuel. Il distingue les émotions primaires et secondaires : si, bien souvent, deux personnes confrontées au même évènement éprouvent la même émotion la plus intense dite primaire, il est probable qu'elles en éprouvent simultanément d'autres mais d'un autre ordre, alors secondaires. Je n'ai guère les compétences pour disserter sur ce sujet mais nos émotions forment le socle de l'équilibre personnel, des relations sociales et de notre santé mentale et physique.
Pour ce qui concerne ce point de vue sur la santé mentale et physique, le public d'Istres doit détenir la forme olympique après avoir vécu ces instants obligatoires, assurés, des après-midi agréables avec des J.P.Domecq urbains offrant à Ponce d'ouvrir les flacons, sa panoplie et sa boîte à trésor et les douces caresses de la flanelle sur le cuir des toros justifiant un succès garanti. Jugez-en par les émotions édulcorées à l'image de la candeur du toro brave. Mouchoir orange, liesse collective. Deux oreilles symboliques et puis trois oreilles pour David Galván ainsi que trois autres pour Clemente qui n'allaient pas gâcher la fête du roi.
Les moissons sont terminées au Palio. Nous avons les émotions que nous sommes venus y chercher, celles que nous méritons.
Sur une autre planète mais dans le même mundillo, bien loin d'ici, sur les bords de l'Adour, les toros de Peñajara de Casta Jijona plombèrent la tarde. Un jeune torero béarnais était victime de la corne de "Guapito" lui infligeant une terrible blessure au visage, envoyant Dorian Canton à l'hôpital ; on pensa immédiatement à Iván Fandiño, victime ici même de la corne d'un Baltasar Ibán, c'était un 17 juin, il y a déjà 7 ans. Des émotions mais certes pas du même tonneau. Ici, un autre maestro sérieux s'illustra sobrement, Morenito de Aranda éclaboussa de professionnaliste l'après-midi. Nos amis aturins avaient bien fait les choses, mais histoire de toros ! Nous ne regrettons pas nos options.... et je pourrai continuer sur la voie des émotions primaires et un certain Paco Ureña où le torero de Lorca, clavicule cassée, continua de se battre coupant une oreille devant un public ébahi. A chacun ses émotions. Autres lieux , autres émotions. Deux aficions contradictoires mais pas forcément incompatibles.
Gilbert Lamarque