Nous n'irons pas (plus) à Bilbao
La boutique de cosmétiques Lush de Bilbao s'est joint à la campagne "ce n'est pas ma culture" et a demandé le soutien des citoyens pour abroger la loi sur le patrimoine culturel de la tauromachie. L'entreprise demande la signature d'un demi-million de personnes dans toute l'Espagne pour promouvoir "cet incroyable objectif". Elle a mis fin à cette initiative le 30 juin dans toutes les villes où elle possède des magasins. Bilbao en fait partie avec Barcelone, Madrid, Séville, Valence, Saragosse, Palma de Majorque et Santander. Les vendeurs de Lush distribuent des masques à l'effigie d'un taureau à toutes personnes signant le manifeste.
"Cela pourrait signifier un changement significatif dans la politique autour de la corrida", déclarent les responsables. L'objectif de Lush est de mettre fin à la fête taurine : "La protection juridique dont dispose la tauromachie doit être éliminée, permettant ainsi aux communautés et aux municipalités d'interdire ou de réglementer les spectacles taurins en fonction des demandes et des autorités locales." La tauromachie est "un sujet de controverse" en raison de son impact sur le bien-être animal parallèlement avec les valeurs d'une société de plus en plus "consciente et sensible." " Il faut soutenir les municipalités qui souhaitent restreindre ces évènements sur leur territoire. "
Assez de tirer sur l'ambulance ! La feria de Bilbao est en déclin depuis plus d'une dizaine d'années. Bilbao était le rendez-vous estival du Pays Basque espagnol et bien au-dela. Ce "fut" une prestigieuse feria taurine victime de l'abandon et de la lassitude.
60.000 personnes ont assisté aux neuf festivités programmées, soit 45% de la capacité maximale du coso de Vista Alegre et loin des 105.000 spectateurs comptabilisés en 2007. En d'autres termes, quelque 4.000 spectateurs sont perdus chaque année.
Alors l'entreprise Lush, entreprise de "trompes couillons" ne fait que mettre un doigt dans la plaie. Plus grave, la gestion de l'évènement par les propriétaires - dont l'historique Casa Chopera - est également visée pour expliquer ce déclin. Ceci s'ajoutant aux questions liées aux militantismes végan, animaliste ou antitaurin.
En effet, la Casa Chopera a géré les arènes de Bilbao de la même façon que les entrepreneurs taurins l'ont toujours fait : en laissant complètement à l'écart les aficionados, et pire, les abonnés qui sont les clients préférentiels aux guichets de n'importe quelles arènes.
L'homme d'affaires mexicain, feu Alberto Baillères, gestionnaire privé pour les quinze prochaines années, en lien avec les Chopera s'est engagé à verser une cotisation annuelle de 250.000 euros pour redynamiser la feria ¡ suerte ! encore dix ans.
Pour rappel, les arènes ont été inaugurées en 1962. Elles appartiennent à la Municipalité bilbaína et à la Casa de Miséricordia, dotées d'une capacité de 14.700 places. La Feria a lieu pendant la Semana Grande de Bilbao après le 15 août.
Maire de Bilbao depuis juin 2015, Juan María Aburto ( Parti nationaliste basque - PNV) me fait regretter son prédécesseur, Iñaki Azkuna, maire (PNV) de 1999 à 2011, aujourd'hui disparu. L'alcalde pro-corrida rappela maintes fois "la tradition unique de la corrida en Euskadi soulignant le caractère "spectaculaire" des corridas et son déroulement. Il était omniprésent autour des arènes de Vista Alegre, véritable ambassadeur de la tauromachie pour sa chère ville. Il fit du Toro et de Bilbao un mariage parfait.
Aujourd'hui ce qui était un bastion invincible, Juan María Aburto en a réduit les voiles : " Les toros existant dans la mesure où les citoyens veulent qu'ils existent, et dans la mesure où les gens ne vont pas aux arènes, cela tombera, comme tout autre spectacle." (! ?) Nous sentons l'édile fuyant, incertain...C'était en 2016.
Le souci majeur ce sont les cartels proposés. Ils sont dans l'air du temps, c'est encore officieux mais la Casa Chopera finalise les négociations : Andrés Roca Rey doublera, Pablo Hermoso de Mendoza et Enrique Ponce feront leurs adieux, Morante (sous réserve), Sébastien Castella, J.M.Manzanares, Miguel Ángel Perera, Alejandro Talavante, Daniel Luque, Emilio de Justo, Juan Ortega, Pablo Aguado, Borja Jiménez (blessé), David Galván.
Un plateau de stars, de figuras mais quid des ganaderias ? Fuente Ymbro, Nuñez del Cuvillo, Juan Pedro Domecq, Daniel Ruiz, Victoriano del Río, enfin le dimanche en cloture Dolores Aguirre pour Damián Castaño et deux autres.
Des élevages vus et revus certes avec la présentation "Bilbao". Les combinaisons de l'Aste Nagusia 2024 sont stupéfiantes. Le pire, Vista Alegre a perdu son identité torista, le public est beaucoup moins aficionado. Où sont les Miura, Cebada Gago, J.Escolar, Saltillo,Victorino Martín ?....
La novillada du 19 de José Cruz pour Jarocho, Alejandro Chicharro et Samuel Navalón est une maigre consolation. Pampelune l'a proposée avec des novillos de Pincha. Une preuve d'un manque d'originalité.
La société BMF et la Casa Chopera, fossoyeurs des corridas bilbaínas. Voyez dans quel état, Baillères récent propriétaires de Zalduendo, ont-ils mis ce fer ?
D'ici quelques années aura poussé à l'intérieur du coso un splendide El Corte Inglés proposant un infime rayon culture taurine pour les nostalgiques.
Aujourd'hui, je jette l'éponge.
Et puis je n'irai pas outre Rhône à la goyesque arlésienne du 7 septembre, adhérer aux adieux émouvants du roi Enrique et acclamer les inévitables collaborateurs Garcigrande ainsi que le choeur et l'orchestre, la soprano... les Chorégies d'Orange seront déjà un lointain souvenir.
Gilbert Lamarque