L’HABILE ETUDIANT DE FALCES, eau-forte de 1815, planche n°14 de LA TAUROMAQUIA DE GOYA / CHICUELINA DE CRISTOBAL REYES à RISCLE le 5 août 2017.
eau-forte de 1815, planche n°14 de
LA TAUROMAQUIA DE GOYA
CHICUELINA
de Cristobal REYES
à RISCLE, 05 Août 2017
Grand amateur de tauromachie, GOYA déclarait en 1771 à son ami le poète MORATIN : « Dans mon temps, j’ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main. »
La Tauromaquia est une série de trente trois gravures exécutées entre 1815 et 1816, qui retracent toutes les étapes des courses de taureaux. Cette œuvre fait suite au manuel publié par le torero PEPE HILLO en 1796, qui résumait l’évolution de l’art de toréer en Espagne. Un projet que Goya avait lui-même en tête depuis 1777, mais qu’il ne mit en œuvre que très lentement.
Amateur de courses, il rencontra dans le « haut » monde les toreros les plus célèbres. Mais c’était déjà le passé à l’époque où commence sa série nouvelle. La Tauromaquia est donc aussi un hommage nostalgique à une période de splendeur abolie.
La série de gravures nous montrent avec vivacité et précision les moments de la lutte entre le taureau et le torero, le plus souvent saisis avec puissance, l’arène divisée entre la lumière et l’ombre, alors que l’animal et l’homme s’affrontent dans un jeu à la fois spectaculaire et intensément dramatique.
Dans La Tauromaquia, GOYA a mis en lumière ces forces élémentaires, primaires qui sommeillent, cachées sous les conventions du civilisé, forces que font éclater les révolutions et qui, chez l’Espagnol, sont toujours à fleur de peau.
… Et voici l’histoire et l’anecdote de notre étudiant de Falces :
Dans ses gravures, GOYA fera allusion à des héros, mais des héros réels, à des lutteurs dont ses contemporains ont gardé le souvenir. MORATIN, parlant de toreros fameux par leur jeu de cape, écrit : « Le très habile licencié de Falces y fut sans rival. » A cette mention, le peintre a pu joindre les souvenirs oraux de vieux amateurs. Ce fameux licencié est un personnage parfaitement historique. Il s’appelait Bernardo ALCALDE y MERINO et était originaire de Falces, bourg de Navarre, où il était né en 1709. Certains historiens du toreo le tiennent pour prêtre (peut-être seulement séminariste) entre autres D. José de DAZA qui, parlant du licencié dans un traité de 1778, écrit : « Dans les excellences et fantaisies en ce qui regarde les taureaux, aucun habile homme des autres régions d’Espagne ne l’égale ». Que fait donc ce « fameux licencié » qui a peut-être reçu les ordres ? GOYA nous le dit par le titre de sa gravure : L’habile étudiant de Falces, drapé de sa cape, se joue du taureau sans défense. Que ce qu’il représente soit entièrement conforme au vrai, nous en trouvons la confirmation dans un classique de la littérature taurine, D. José GOMARUSA. Dans sa lettre apologétique* de 1793, celui-ci décrit l’épisode représenté par GOYA. « Il déjoua – dit-il du licencié de Falces – plusieurs fois le taureau sans sortir du cercle qu’il avait lui-même tracé sur l’arène et cela, sans se dégager de sa cape rejetée sur son épaule. » Ce qui suppose, non seulement du courage, mais la parfaite connaissance de ce que les amateurs appellent « les terrains ». La renommée du licencié fut durable et encore à l’époque de GOYA, célébrée par D. José de la TIXERA, ami et collaborateur de PEPE HILLO.
Techniquement, GOYA améliore une légère esquisse en la traitant à l’eau-forte. Cette planche est évidente de vraisemblance et de précision, les détails nous en donnent une idée.
Le dessin pour la gravure est au Musée du Prado entre : « Un cavalier espagnol en place brisant des banderilles sans l’aide des chulos » et « Le fameux Martincho posant des banderilles al quiebro. » Respectivement, planches n° 13 et 15.
Francisco de GOYA y LUCIENTES, né près de Saragosse à Fuendetodos en 1746, mourra en exil à Bordeaux, le 16 avril 1828.
Voici comment d’un simple instantané original pris dans les modestes arènes de Riscle, Cristobal REYES, non moins modeste mais valeureux novillero, nous a rappelé par cette chicuelina enroulée, « le licencié de Falces » et nous a immergé dans l’Histoire et l’Art tauromachiques.
Et vuelta très fleurie au photographe !
*Lettre visant à défendre, à justifier une doctrine.
Gilbert LAMARQUE