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Conférence au Club Taurin Joseph Peyré de Pau, 7 décembre.
Le CTJP invitait le torero de plata,
Manolo de los Reyes,
à la Grange du château d’Idron. La conférence était animée par le rayonnant duo Miguel Darrieumerlou / Jean-Louis Haurat sous l’œil bienveillant du président Alain Lamarque.
Une quarantaine de socios avait répondu à l’invitation, et c’est après le quart d’heure béarnais que l’intérêt se porta sur l’invité de la soirée.
Une précision : nous l’appellerons Manolito car son père, torero originaire de Sanlúcar de Barrameda, apparenté à José Luis Parada et Marismeño, porte le patronyme de Manolo de los Reyes. L’Andalou monte dans "le grand Nord" pour toréer… et n’en redescend pas. Il prit l’alternative à Tolosa des mains de César Girón, le 24 juin 1973.
Manolito donc, est connu de tous, toréant souvent dans le Sud-Ouest mais "payant ses impôts en Espagne !" Né au sud de Pampelune, près de Tudela, proche des Bardenas, dans un village où Manolo père dirigeait l’école taurine de Navarre, il reçut sa première rouste à 4 ans devant une vache "immense". Il fréquentera le collège et chaussera les crampons en junior au club de football de Pampelune, l’Osasuna. Il s’essayera occasionnellement comme recortador.
A la table familiale de nombreuses cuadrillas étaient invitées, ce qui fit songer à sa mère : "pourquoi ne pas devenir banderillero ?"
Il débuta tardivement dans les ruedos à 21 ans car, dit-il, il ne possédait pas suffisamment de technique pour évoluer comme novillero. Il s’habille de lumières pour la première fois lors d’un festival en 1996, le 5 août dans un pueblo de Navarre. Tercero de banderillero, il apprend sur le terrain la délicate technique de la puntilla. Il exerce 2 ans en non piquées, 2 ans avec Alberto Martín, jeune novillero puis est au service du torero natif d’Estella, Francisco Marco. Il foula le sable brûlant de Pampelune pour son deuxième exercice à ce niveau !
Il occupe également la fonction de doblador dans ces mêmes arènes de Pampelune. L’encierro se terminant par l’entrée des toros dans la plaza, il est chargé de faire rentrer au plus vite les cornus dans le couloir menant aux chiqueros. Cette tâche importante et délicate est réservée aux professionnels. Il déclare avoir couru une seule fois l’encierro.
22 ans de profession… "À chaque fois que je m’habille de lumières pour un torero, un novillero, c’est un cadeau". Et il prend aussi un énorme plaisir à accompagner un débutant.
Lorsqu’il pose les bâtonnets, il est reconnu comme celui qui part en marchant vers le toro et plante la paire face au frontal… de bonnes jambes ne suffisent pas !
Souvenirs…
Une grande paire en 2018 à Mont-de-Marsan devant un Dolores Aguirre au côté de Juan Leal, sachant que la veille, il avait été mis en échec par un La Quinta. Il n’a pas laissé le doute s’installer.
Le pire, cette triste tarde d’Aire-sur-l’Adour le 17 juin 2017 où il porta avec Thomas Dufau, Ivan Fandiño jusqu’aux portes de l’infirmerie. C’est ainsi qu’il entendit le dernier mot du maestro à son encontre : « Merci ».
Son actualité présente : tienta avec Paulita chez Santafé Martón. À l’inter-saison, toreo de salon le matin, footing un jour sur deux l’après-midi. Il s’entraîne de salon à Arnedo en compagnie de l’enfant du pays, Diego Urdiales et de Tomas Campos.
Cela reste toutefois la période basse d’entraînement jusqu’au 6 janvier, "Les Rois", fête importante chez nos voisins espagnols.
Il reconnaît posséder une grande connaissance des toros et savoir les juger rapidement. Manolito, banderillero précieux.
Sa carrière compte pas moins de 1100 occasions où il a revêtu l’habit de plata, 61 fois cette temporada, tous spectacles confondus !
A la question des mano a mano et des solos qu'il goûte peu, il déclare que ce sont des spectacles qui auraient un sens uniquement dans les arènes de 1ère catégorie. Il faut de la competencia pour un véritable mano a mano. Et non aux figuras dans les plazas de 2ème et 3ème catégories.
Pour conclure, le temps passant et les questions fusant, Manolito souhaita aborder la situation actuelle de la fiesta.
Comment faire pour que les gens reviennent aux arènes ? De nombreux problèmes politiques émergent en Espagne, situation compliquée car chaque région fait son règlement, chaque région connaît un parti abolitionniste… Manolito souhaite revenir pour continuer cette discussion car le sujet le préoccupe.
Il serait aussi intéressant de parler de l’avenir de la corrida non pas seulement du point de vue politique mais également vu au sein du mundillo. La politique concerne surtout le territoire espagnol, le mundillo et ses exigences nous concerne tous.
L’heure tardive et la soupe fumante nous réunirent autour des tables bruyantes mais non dépourvues de convivialité.
Un grand merci pour cette soirée au CTJP, à son sympathique président ainsi qu’à toute sa cuadrilla.
Je livre une nouvelle fois à votre lecture attentive ainsi qu'à votre réflexion d'aficionado un article paru dans les Chroniques du temps de la revue Toros N° 2038-39 du 16 décembre 2016 sous la plume de Manolillo.
Patrick.S
LA SOLITUDE DE L' AFICIONADO
Curieuse évolution. Ce n'est pas nouveau, l'aficionado a toujours été minoritaire dans les enceintes. Mais il était respecté, voire admiré. Ne serait-ce qu'en raison de ses connaissances, présumées supérieures à celles du commun des mortels, le spectateur ordinaire. L'aficionado était, pour ce dernier, un référent, une autorité, qu'il se flattait de connaître quand, un jour, par hasard, le sujet taurin venait dans la conversation. Vous aimez les toros? Alors vous connaissez peut-être Monsieur un tel, un ami qui fréquente toutes les arènes de France et de Navarre, et même d'Espagne ! Stop. Les aficionados n'ont plus d'amis. Les goûts des toros ayant acquis, à l'air du temps, mauvaise réputation, il est interdit d'en parler à la légère. Il vaut mieux éviter de l'évoquer dans une conversation. La matière paraît-il, n'est pas neutre. Et comme, selon le philosophe Michel Foucault, il est impossible de penser en dehors du "discours" de son époque, la chose se présente mal pour l'aficionado qui, à bon droit, ose persister à vouloir raisonner comme avant, une époque heureuse où la neutralité du sujet taurin était vécue et partagée avec tous comme un signe de tolérance et de paix sociale. Ce qui n'est manifestement plus les cas aujourd'hui où règne l'intolérance et la lutte idéologique. Voilà le pauvre aficionado, ce paria, éloigné des salons et des conversations. Au fond, ce n'est pas bien grave, mais tout de même.
Plus ennuyeux, face à cet isolement vis-à-vis du monde extérieur, est celui de l'aficionado à l'égard du monde intérieur, celui de son aficion. Il est hélas, de moins en moins reconnu, ou simplement entendu, engendrant perplexité de sa part. Nous trouvant en fin de saison européenne, regardons du côté des statistiques.
Le Top 25 des éleveurs de la saison 2016, en France et Espagne, fait apparaître une victoire écrasante de l'élevage Nuñez del Cuvillo/N. de Tarifa, avec 205 animaux "lidiés", tous en corrida de toros, des bestiaux auxquels il a été coupé pas moins de 169 oreilles, soit 1,2 oreille pas toro. Ne faut-il pas voir là, l'apothéose d'un produit d'excellence devant laquelle il convient de tous s'incliner, ainsi que devant son créateur ? Certes il s'agit d'une belle réussite, issue d'un savant mélange de Marques de Domecq, Nuñez et Atanasio auquel a été ajouté un lot de Torrealta à partir de l'origine Osborne Domecq, mais elle sonne un peu comme les résultats actuels du baccalauréat. A récompenser tout le monde, la récompense ne veut plus rien dire , et ce sont sur d'autres critères que se fait la véritable sélection. Non, n'en déplaise aux contemplateurs de tout poil, l'élevage de Nuñez del Cuvillo, ou celui de Garcigrande/D.Hernandez, très recherché par le Gotha des piétons et qui arrive juste après avec 142 bestiaux et 97 oreilles coupées, ne représentent pas, pour l'aficionado, la panacée, ni ce qu'il attend de meilleur du toro de combat.
Que l'on se rassure, la solitude de l'aficionado n'entame pas la solidité de ses convictions. C'est peut-être, après tout, sa vocation principale, seul contre tous, de maintenir le cap dans l'époque troublée que nous traversons. Ce n'est pas la première fois que le combat de toros est attaqué. Y compris sérieusement comme aujourd'hui. Depuis la bulle du pape Pie V, jusqu'à la traversée des deux guerres mondiales malmenant le bétail brave au cours du XXe siècle, le cheminement de l'Histoire est là pour le démontrer. La corrida si elle repose sur des toros et des hommes différents à chaque époque, repose surtout sur des valeurs intemporelles qui constituent le véritable secret de la pérennité du spectacle taurin pour le siècle en cours. Spectateur éclairé, l'aficionado sait distinguer dans l'arène le faux du vrai, l'artificiel de l'authentique, le superficiel du profond. Il le fait naturellement non pas comme un gendarme ou un inspecteur, certains disent un gêneur, un empêcheur de tourner en rond, et même à tort suprême, un passéiste. Il n'en est rien. L'aficionado agit tout simplement pour son propre plaisir, qui ne serait pas le même s'il se portait sur un spectacle déficient, ou qui plus est frelaté. Et aussi pour prendre la parole, et parler haut et fort, quoi qu'il arrive. Par exemple pour dire que le toro bonbon ou la tauromachie bobo n'ont rien à voir avec l'animal roi des ruedos et le toreo grande. L'aficionado étant un sermoneur impénitent, il ne lui déplait pas, si besoin, de prêcher dans le désert.
Faisons le bilan : l'aficionado était minoritaire ; il est maintenant, en plus, isolé. Les temps sont durs, sans être dramatiques, la plus forte hémorragie ne se situe pas dans ses rangs : les clubs taurins au sein desquels il peut se regrouper sont toujours aussi nombreux. La foi tauromachique continue d'exister. Un fort exemple, la foi des éleveurs français de taureaux de combat. Ils restent enthousiastes en dépit des difficultés quotidiennes et des chiffres du Top 25. Voilà de vrais aficionados, minoritaires, isolés, mais actifs et convaincus. Une occasion pour dire qu'ils mériteraient plus de considérations de la part des organisateurs.