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LE CHEVAL DE CORRIDA - 4

Publié le par Cositas de toros

 

                                          Dimanche et lundi opaques .

 

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C'était le jeudi 9 avril

 

     Bonjour les cloches revenues ! (non, pas vous). Elles nous restituent un petit air de fête, et malgré le confinement, égayez-vous dans votre jardin - enclos serait mal venu - ou sur votre balcon pour les moins chanceux, à la recherche du Graal, les œufs, cocotes, lapins et autres fritures en chocolat.

 

 

 

Noël au balcon, Pâques à la maison.

 

     Mais pour l’heure, ce sont bien nous, pauvres créatures, qui sommes "chocolat" !

Notre petite famille ne sera pas autour de nous, confinement oblige. Nous serons sans oeufs, pardon, sans eux.

Ressaisissons-nous. « Ne laissons jamais les ombres d’hier, obscurcir la lumière de demain ».

Joyeuses Pâques.

 

 

                       LE CHEVAL DE CORRIDA

 

4e partie : la transition et la déplorable condition du cheval.

 

     Revenons un peu en arrière.

Une fois la noblesse retirée de l’arène, la corrida va entrer dans une période de transition durant laquelle, l’homme à pied et le cavalier vont se disputer la vedette face au toro.

 

 

     Si le grand seigneur n’intervenait plus, apparaît alors, à cheval lui aussi, un personnage charnière dont le rôle est méconnu. C’est l’hidalgo, "hijo de algo", soit "fils de quelque chose". Cadet de petite noblesse, il a laissé titre et fortune à l’aîné et s’est engagé dans la carrière : le clergé ou l’armée. Plus qu’un cavalier rompu aux combats les plus durs, c’est un homme de cheval, qui, souvent, prête la main à son suzerain lorsque celui-ci le lui demande pour, par exemple déplacer ses troupeaux ou sélectionner ses toros.

Désœuvré dans une Espagne qui ne guerroie pas, l’arène va lui offrir le terrain naturel de conquête qui fait défaut à son rang. La présence des Grands auxquels il ne pouvait se mesurer le maintenait dans l’ombre. Eux retirés, il investit l’arène.

 

José Gutierrez de la Vega, El rejoneador en Plaza se Sevilla, 1850

 

     Et dans le courant du XVIIe siècle, la fête du taureau se déroulait comme suit : un rejoneador qui   « rompt les lances au poignard », suivi du picador qui « combat à la pique d’arrêt », puis ceux-ci retirés, « les combattants à pied feront voir leur dextérité par plusieurs sortes de tours d’adresse qui amuseront le public ».

A cette époque, les picadors ne portent plus le prestigieux costume. Ceux qui combattent avec la lance en poignard sont habillés à la façon de la noblesse espagnole au siècle passé, en revanche, « celui de la pique d’arrêt » est simplement vêtu à la castillane ou à l’andalouse. C’était donc le mélange des tauromachies, la populaire et l’aristocratique.

Le picador ne tue plus, d’où la perte de sa popularité. La pique est reléguée au rang de suerte. L’alternative des picadors tombe, elle aussi, en désuétude et bientôt, les cartels font apparaître le nom des piqueros en retrait de ceux des maestros.

A cette perte de fonction, s’ajoute la piètre image de l’homme qui ne monte plus que des chevaux de réforme. Il n’a, à sa disposition que de véritables rosses, accablées par l’âge et le travail et que leur inutilité condamne à l’équarrissage. De là vient qu’il en périt un très grand nombre dans les courses. Manquant des forces et de l’agilité nécessaires pour soutenir la charge rude des taureaux, incapables même d’obéir au frein, ils ne se prêtent pas à une défense convenable ni aux mouvements nécessaires pour éviter des blessures mortelles ; mais le picador, qui les monte sans les connaître, doit être bon cavalier pour sortir sain et sauf du combat.

Et c’est ainsi le triomphe final du torero à pied sur le torero à cheval.

 

Antonio Cavanna, Portrait de Francisco Montes Paquiro

 

     Dans sa conception du tercio de piques, Paquiro ordonne clairement aux picadors de protéger leurs montures mais il reconnaît que cela est peu aisé. Les chevaux paieront ainsi un lourd tribut à la corrida jusqu’en 1928.

Le cheval devient un "consommable" de la corrida, au service de la bravoure et pour le plaisir des aficionados. Sans protection, les chevaux sont livrés au toro. On achève d’un coup de puntilla dans le tronc cérébral, ceux que l’on ne parvient pas à remettre sur pied. Les autres sont poussés en avant, viscères pendantes jusqu’au sabot, pour être "opérés" dans le patio de caballos, avant de retourner en piste se faire achever par le prochain toro. Les fournisseurs sont payés à la pièce. De nombreux témoignages rapportent même que, s’il venait à manquer de chevaux, le fournisseur, pour éviter d’être pris à partie par la foule qui hurle, achète à la hâte, et au prix fort, ceux des fiacres qui circulent devant les arènes ; témoignages souvent démentis par certains. 

 

Jean-Léon Gérôme, La fin de la corrida, 1870. Musée Georges-Garret, Vesoul

 

     Emmanuel Witz note : « J’en ai vu fréquemment qui étaient si maltraités que les boyaux leur traînaient par terre et que je croyais absolument perdus, qui néanmoins ont été parfaitement guéris et les ai vus quelques temps après combattre de nouveau. » Chose qui paraît étonnante au vétérinaire du XXIe siècle lorsque nous connaissons les taux de réussite des chirurgies digestives avec tous les moyens mis en œuvre de nos jours.

La bravoure du toro se mesure au nombre de chevaux tués et le public s’en délecte, moins sensible et avide de spectacle.

La mort du cheval n’émeut pas. Hemingway disait : « La raison fondamentale est peut-être que la mort du cheval tend à être comique, tandis que celle du taureau est tragique. » …

De plus, le massacre se masque derrière une vocation caritative puisqu’en 1785, notamment, les bénéfices tirés de la vente des queues de chevaux, dont on utilisait les crins, étaient reversés à l’association religieuse Cristo de los Traperos.

 

… à suivre

                                                                            

                                                                                               Gilbert Lamarque

 

 

    

 

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CACOPHONIE GÉNÉRALISÉE

Publié le par Cositas de toros

«L’homme n’est ni ange ni bête et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête» disait Blaise Pascal (1678).

    

  

    Á l’instar de nos dirigeants qui semblent « pédaler dans la semoule », tout au moins dans leur communication face à cette pandémie qui s’est abattue sur notre monde, les organisateurs taurins de l’hexagone, à leurs niveaux, suivent le même chemin.

Certes, nos gouvernants bafouillent dans leurs explications et dans leurs prises de décisions et les organisateurs français de spectacles taurins les imitent.

Mis à part quelques courageuses empresas qui ont pris la décision d’annuler purement et simplement leurs évènements, d’autres tergiversent avec force communication pour les suspendre ou les déplacer. Entre annulation, suspension ou déplacement, une mère n’y retrouve même plus ses petits !

Vu la gravité de la situation à quoi sert de déplacer une feria à une date ultérieure sachant que personne n’a de vue, même à court terme, de ce que sera la suite de la pandémie, sauf, à choisir potentiellement une date qu’aurait pu prendre un autre organisateur, pour se positionner ? Dans ce registre cacophonique, il se trouve même une organisation qui a communiqué lundi soir (FB) sur l’annulation de sa date du dernier week-end du mois d’août alors qu’aucune annonce officielle n’avait été faite pour l’annoncer… En suivant, mardi matin, Mr le maire de la préfecture landaise annonçait par voix de presse qu’il est possible que la feria de la Madeleine soit déplacée du 26 au 30 août (tiens, tiens !!!), arguant du fait que gérer c’est prévoir. C’est vrai, mais ça ne peut se faire que si l’on a des éléments concrets, au moins à moyen terme, pour se positionner. Aurait-il connaissance d’informations que nous n’avons pas ?

 

Cacophonie générale…

 

Ne serait-il pas plus raisonnable, même si ça nous fend le cœur, de décréter 2020 année blanche sur le plan taurin.

Il est des combats plus urgents à mener.

Nous sommes en train de vivre quelque chose d’extraordinaire, au sens étymologique du terme (au-delà de l’ordinaire).

Personne, quel qu’il soit, n’a connu un tel évènement.

Tout le monde, quel qu’il soit, est dans cette même galère qui ne sait où elle va.

Personne, quel qu’il soit ne sait vraiment ce que demain sera. 

Faisons donc preuve d’un peu d’humilité face à l’inconnu et de confiance à tout ce qui est fait pour que l’on s’en sorte.

Cependant, dans ces temps difficiles, demeurons optimistes. J’ose espérer que ce « virus corrézien » finira bien par nous lâcher au plus tôt, faisant le moins de dégâts possibles.

La situation est suffisamment préoccupante sur le plan sanitaire et économique pour que l’on ne s’apitoie pas sur notre sort d’aficionado lésé.

Il y a quelques jours Gilbert titrait : « La cabane est tombée sur le chien », mais le chien n’est pas encore mort !

 

En attendant de meilleurs jours, soyons respectueux des règles édictées en évitant de nous comporter comme ces imbéciles encore trop nombreux durant ce confinement.

Et avant que l’on se revoie, prenez soin de vous…

 

Vivez dans la lumière de vos espoirs et non dans l’ombre de vos doutes.

 

Patrick Soux

 

 

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LE CHEVAL DE CORRIDA - 3

Publié le par Cositas de toros

    

    Nous n’avons pas connu l’Âge de glace et le temps des dinosaures, par contre nous vivons  depuis peu, l’Âge du gel – hydroalcoolique – malgré sa pénurie, et la disparition en politique, des dinosaures troqués par une vague de morveux nés mal entendants et mal voyants, nébuleux et paradoxaux qui ne valent guère mieux.

Il est difficile dans cette période angoissante, d’entrevoir un horizon heureux.

« La France a peur » disait Roger Gicquel. Contre la menace invisible mais bien réelle, n’en déplaise à quelques illuminés, il reste le confinement. Assignés à résidence, ayons une pensée pour les autres, assignés à s’exposer.

              

 

                          LE CHEVAL DE CORRIDA

 

3e partie : le picador dans l’arène, en tienta, les cuadras de caballos.

 

     L’acoso y derribo, vu au chapitre précédent, pourrait être qualifié de pratique intermédiaire entre la tauromachie d’origine chevaleresque et le travail du picador indispensable à la corrida à pied, populaire.

Les premières affiches annonçant les corridas à pied mentionnaient le nom des picadors (varilargueros) au même titre que celui des matadors porteurs des capes destinées à protéger le cavalier avec autant d’efficacité que d’élégance et à placer le taureau pour l’estocade.

Que dire des chevaux utilisés ? D’abord, que, contrairement aux destriers de l’Ancien Régime, ils n’appartenaient pas au picador mais à l’organisateur de la corrida qui devait acheter auprès d’un adjudicateur entre vingt et quarante (trois ou quatre par picador) pour une course de six à huit taureaux. Ensuite, ils ne faisaient pas l’objet de spécificités très rigoureuses. Que s’était-il passé pour que le cheval de corrida se trouve à ce point discrédité depuis que les Bourbons avaient contraint les nobles et leurs chevaux à quitter le devant de la scène ? Tout porte à croire que le retrait des hauts personnages convaincus de la pureté de leur sang et de celui de leur monture avait entraîné chez le cheval, la perte de son statut de héros respectable. Il redevenait le vilain de l’affaire, condamné à l’éventration en tant qu’outil jetable réduit à une simple fonction utilitaire. Le détenteur du marché de la fourniture des chevaux s’engageait d’ailleurs dans le contrat, à évacuer leur dépouille vers les lieux d’enterrement ou d’incinération, même s’il « se voyait autorisé à négocier les peaux et les crins des chevaux tués... »

Après que les aristocrates toreros avaient abandonné le rôle principal de la corrida officielle à des hommes du peuple attirés par le professionnalisme, le cheval est resté dans l’arène à travers la figure du picador. Aujourd’hui, celui-ci fait partie de la cuadrilla de subalternes aux ordres du matador. Sa fonction consiste à enfoncer la pointe métallique en de ça du morillo du taureau pour tester sa bravoure, le fatiguer, et le contraindre à baisser la tête, a humillar.

Dans ce contexte, le cheval permet au plus grand nombre d’évaluer la bravoure, la "race", le caractère spontané de l’animal voulu comme sauvage.

 

Tienta chez Casanueva. 15 juillet 2019. Picador Laurent Langlois.

   

     Qu’on le reconnaisse ou non, son rôle se révélera donc fondamental au cours de la tienta, cette partie entièrement dévolue au processus de sélection. Ici, le picador et le torero invités par l’éleveur se substituent matériellement à ce dernier afin d’assurer le succès d’une opération fondée sur la croyance que les qualités psychiques des animaux se transmettent à travers la sélection. La tienta est dédiée à l’ensemble des vaches de un à deux ans, ainsi qu’aux erales présélectionnés  en tant qu’étalons potentiels ; ils sont tous soumis dans un premier temps au test de la pique. Quelques éleveurs "romantiques" ont tendance à se contenter de cette épreuve qui ne blesse que légèrement l’animal, mais permet de jauger la part de "sauvage" recherchée. Souvent, même s’ils ne l’avouent pas, ils se désintéressent assez vite du travail à la cape du torero ; c’est pourtant ce dernier épisode qui est censé mettre en valeur les qualités du bicho pour les séquences plutôt ancrés dans le "culturel", dans l’artistique contemporains et favorables au succès public du torero.

Les veaux et les génisses qui ont failli au test lors de cette phase initiale, n’iront pas plus loin, stoppés par l’impératif « puerta » du ganadero, « puerta » direction l’abattoir. Par contre, les bêtes conservées jusque là après l’épreuve du cheval seront "toréées" à la cape, dans l’espoir d’une vie consacrée à la reproduction.

Ce cheval de picador contrairement à son semblable utilisé dans le campo et souvent, aujourd’hui remplacé par le cheval-vapeur, continue d’imposer sa robuste présence, mais plus athlétique, sportif et affiné.

 

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Le cheval-vapeur

 

      Ce cheval de corrida, actuellement est beaucoup plus choyé que ne l’était son aïeul avant que ne naisse le caparaçon. Il est le maître-étalon de la bravoure, l’outil indispensable à l’amélioration, donc à l’avenir de la ganaderia.

Quelques cuadras de caballos :

- Alain Bonijol qui a bousculé le concept de cheval de picador en présentant des jeunes chevaux légers et plus mobiles pouvant apporter une revalorisation du tercio de piques. Ces chevaux font l’apprentissage de leur métier et ils sont donc particulièrement aptes à affronter les toros, quelle que soit leur puissance.

- La Cuadra de Caballos de Picar de Antonio Peña Cruz.

- La Cuadrilla d’El Puyero de José García qui officie à Las Ventas, qui remplaça à Vic, celle d’Alain Bonijol lors de la dernière temporada.

- Philippe Heyral, descendant d’une dynastie d’empresas de caballos à Nîmes, considère qu’un cheval de picador doit-être conduit au mors (importance de la "bouche") et non à l’étrier gauche.

 

Philippe Heyral

     Son grand-père Jacques a inventé le peto en 1929, qui, à l’époque protégeait l’avant du cheval car on crai  gnait la blessure mortelle de face, droit au coeur. A cette époque, on attendait et recevait le toro de face… a caballo levantado, de frente ou en rectitud. Le toro et le picador restent sur la même ligne, l’un en face de l’autre. Mais cette façon de piquer est en réalité rarement usitée depuis Guerrita, qui transposa dans l’arène la façon de piquer en usage dans les tientas, c’est-à-dire de profil.

 

Picar a caballo levantado. Cuadra Bonijol

     La suerte dite a caballo levantado, à cheval cabré, résulte aujourd’hui d’une poussée du toro sur le cheval et non plus d’une adroite figure cavalière visant à épargner la monture. Autrefois, il était question, en même temps que l’on freinait la charge du bicho à bout de bras, disons, à bout de pique, de faire cabrer sa monture, lui ordonnant d’effectuer un quart de tour pour ouvrir la sortie sur le torero de turno, toujours à la tête du cheval, offrant la possibilité d’un quite.

Je m’abstiendrai de traiter des actuelles suertes de pique avec le cheval présenté de profil…

 

… à suivre

                                                                                                  Gilbert Lamarque

 

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LE CHEVAL DE CORRIDA - 2

Publié le par Cositas de toros

    

    La créativité est une conséquence positive de l’ennui aussi bien que la raison d’être plus productif. Voici un dernier qualificatif qui ferait plaisir à notre Président !

Le confinement nous permet d’être plus altruiste et motivant et nous pouvons abandonner toute démotivation, toute lassitude…

Allez, ce n’est pas l’heure du jugement dernier ! Créez, soyez bons et généreux lorsque vous aurez repris votre liberté volée.

Et consolez-vous en imaginant que les odieux personnages qui hantent vos nuits et que l’on déteste, recevrons ce qu’ils méritent dans l’au-delà.

 

 

2e partie : rejones et acoso y derribo.

 

     Rappelons que la corrida nobiliaire des XVIe et XVIIe siècles impliquait l’utilisation de deux armes. D’abord la garrocha ou lance, qui suppose une monte à la bride avec les étriers longs et une immobilité relative. «  El alencear s’effectuait à cheval arrêté, à attendre la charge du taureau pour lui plonger la lance dans le cou, puis faire effectuer une volte au coursier vers la gauche pour lui épargner tout dommage ». Ensuite, le rejón, qui réclame une monte a la jineta (avec des étrivières fort courtes, de manière que les pieds, et donc les éperons soient tout près des flancs de l’animal) et autorise davantage de mobilité. Le rejón est une lancette en bois dur longue de 1,60 m, tenue à la main et terminée par une pointe métallique qui devait être portée sur le taureau dans un intervalle situé entre la nuque et la croix, à peu près au niveau des épaules.

Les techniques utilisées à l’époque semblent s’être limitées à des pratiques d’évitement et de harcèlement se terminant souvent par la mise à mort de l’animal depuis le cheval, ou à pied, lorsque le torero avait failli lors d’une des phases de son travail.

De nos jours, quelques deux siècles après son abandon en Espagne, le règlement officiel de la "nouvelle" (1930) corrida de rejón, reprend les trois temps de la corrida à pied. Pour le premier tercio, le rejoneador utilise une arme de "châtiment" dotée d’une lame de 18 centimètres destinée à « réduire la force du taureau et à réguler ses charges ». Avec le tercio des banderilles, le plus spectaculaire, il s’agit de poser des paires de harpons (7 cm) de diverses longueurs de bois (de 20 à 70 cm). Lors du dernier tercio, la mort est donnée au moyen du rejón de muerte, une lance à lame plus longue (65 cm) qu’il faut enfoncer au niveau du morillo du toro. 

 

Andy Cartagena, Nîmes juin 2016

 

     Une telle pratique dangereuse pour l’homme et le cheval, même si les cornes sont réglementairement épointées, voire gainées, requiert une monture apte à devenir une manière de prolongation de l’homme. Pour se montrer à la hauteur de son engagement, le rejoneador se doit de "fabriquer" un destrier atteignant le degré suprême d’un processus de domestication qui vise à transformer une "brute" en outil adapté aux exigences culturelles de la représentation. Comment imaginer qu’un torero se contente de préparer son cheval pour la seule monte ?

Il faut ici, une domestication spécialisée réussie, la doma (le dressage).

Donc, obligation est faite pour le cheval de rejón de correspondre à une esthétique et une mentalité précises : pas trop grand, rapide, équilibré pour les changements de direction, avec une bonne bouche, et assez de force pour supporter les coups éventuels ; docile comme l’espagnol, facile à préparer, mais avec du caractère, comme l’anglais… Comme au temps des prescriptions édictées par les Siete Partidas d’Alphonse X, il devra évidemment se réclamer d’une lignée et d’un sang reconnus : arabo-andalou, anglais, portugais surtout dans la corrida moderne. Le plus célèbre cheval de rejoneo, Cagancho, propriété de Pablo Hermoso de Mendoza, constituait une exception. Lusitanien de bonne souche, il ne présentait aucune des caractéristiques physiques et mentales souhaitées. Pourtant, « le cheval Cagancho restera dans l’histoire de la tauromachie comme un torero de génie (…), Jacques Durand, Libération, 12 juillet 2002.

 

Cagancho, le cheval torero

 

     Et ensuite, il est à souligner que le résultat tauromachique du processus de création s’est totalement libéré des contextes supposés le justifier, ou au moins le motiver, avant le XVIIIe siècle : guerre chevaleresque d’un côté, activités d’élevage extensif de l’autre. Le cheval de rejoneo n’a rien d’une monture militaire de terrain. Réputé exalter les valeurs guerrières de son cavalier, il se doit d’allier une efficacité technique à une esthétique de parade pour répondre à l’image sociale et culturelle qu’il  est censé transmettre. 

 

Acoso y derribo

     

     Dans l’Espagne d' aujourd’hui, des techniques traditionnelles de sélection des taureaux ne subsistent que dans le cadre très codifié et sportif du acoso y derribo. Il s’agit désormais d’une manière de divertissement surtout pratiqué par de riches cavaliers utilisant des montures proches de celles du rejoneo. Ici toutefois les chevaux (anglais de préférence) paraissent moins contraints, car ils n’ont pas à faire face directement aux bovins, mais doivent suivre les animaux et les approcher pour que le couple de cavaliers les fasse tomber en pleine course d’un violent coup de garrocha sur le train arrière. Pendant très longtemps, cette pratique a tenu lieu de tienta, permettant de vérifier le caractère combatif des bêtes, de sélectionner à l’âge de deux ans les futurs reproducteurs et d’évaluer la qualité supposée des taureaux destinés à la corrida.

 

… à suivre.

                                                                                                   Gilbert Lamarque

 

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