C’est, dans la plupart des cas, lorsque se sont succédés un nombre invraisemblable d’accidents graves sur un axe routier bien défini, que l’on décide enfin à réaménager la chaussée ou ses abords.
Pour ces pauvres betizu, le Prince charmant est passé, réveillant un collectif d’associations. Il s’agit du CADE, Collectif des Associations de Défense de l’Environnement du Pays Basque et du sud des Landes. Ce collectif s’émeut – ces meuh ? – de ce braconnage. Il demande à l’État et aux collectivités de prendre des mesures de sauvegarde.
Oui, mais encore.
« Garder ces animaux à l’état sauvage est possible et ce rôle est dévolu à la collectivité », estime le Cade. Et de préconiser que « l’État qui a obligation de préservation, de protection, délègue réellement cette fonction et engage des moyens ». Le Cade définit « l’urgence à accorder aux betizu, une large zone de protection et de conscientiser le public ». Surtout, de dépasser le stade de l’avertissement pour « réglementer et sanctionner davantage tout contrevenant, braconnier ou autre malfrat ! »
Si il y a sanction, c’est qu’auparavant, il y a eu délit. Quant à sanctionner davantage, cela semble aisé, car jusqu’à ce jour les assassinats sont restés impunis !
Après le Prince charmant, nous pénétrons dans le monde impitoyable des Bisounours.
Les défenseurs de l’environnement en appellent donc au préfet, pour qu’il « se saisisse du dossier ». Pour se saisir du dossier, encore faudrait-il qu’il existe.
Ils en appellent également à la Communauté d’Agglomération Pays Basque « avec sa délégation Montagne et dans le cadre de Natura 2000 ». Cela, pour aboutir à « un statut de protection plus que jamais nécessaire ».
Des mots, une déclaration…
Les betizu ont encore beaucoup de mouron à se faire.
La suite, si suite il y a, dans nos colonnes…
Gilbert Lamarque
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Le Mondarrain est une "petite" montagne du Pays Basque en Labourd entre Espelette et Itxassou, culminant à 750 m d’altitude. Il fait face à l’Artzamendi et ses émetteurs hertziens qui se situe entre Itxassou et Bidarray. "La montagne de l’ours", mendi (montagne), hartza (ours) – mais celui-ci est absent de ces contrées – domine la vallée avec ses 924 m dépassant la Rhune de 24 m ! "Larrun", "lieu de pâtures", et son petit train bien connu.
Mais le Mondarrain, "la montagne des aigles", arrairo (aigle) héberge d’autres prédateurs que ces grands rapaces planeurs. Et après cette présentation géographique, venons-en au sujet scabreux qui nous préoccupe.
Contrebande et braconnage
Il y a environ trois semaines, un résidant d’Espelette a découvert les restes de trois betizu – les vaches sauvages du Pays Basque –, les têtes, les peaux et les pattes jonchaient le sol, découpes effectuées par des mains expertes. Quant à la viande, elle avait disparu. Le braconnage de ces vaches existe mais c’est la première fois qu’il se fait en évidence sur le bord d’une piste très fréquentée notamment par les randonneurs aux abords du col des Trois Croix.
Bizarre. Les betizu ne se laissent pas approcher facilement. « Les éleveurs, peut-être qu’ils savent entre eux qui a fait ça, mais je ne veux pas rentrer dans ces détails » glisse prudemment le maire d’Espelette. On se croirait rattrapés par le bon vieux temps de la contrebande connue de tous à une époque pas si lointaine. Il reconnaît qu’il y a « un intérêt économique derrière tout ça ». En effet, la viande de betizu est réputée entre connaisseurs, et certains la servent clandestinement.
Pourtant les communes d’Ainhoa, Espelette et Itxassou, qui gèrent en commun le massif du Mondarrain ont pris un arrêté pour interdire le braconnage de ces vaches : « La viande est très bonne mais il y a des règles vétérinaires », rappelle le maire. Les betizu considérés comme du gibier sauvage, ne sont pas soumis à un suivi vétérinaire.
Aux pays des taiseux : Pays Basque = Corse
Lescoupables ne risquent pourtant pas d’être poursuivis : personne n’a rien vu !
« Je préfère la transparence mais il y a la loi de l’omerta à Espelette et dans tout le Pays Basque d’ailleurs. On ne veut pas balancer les collègues » rajoute l’élu qui affirme : « Il faut relativiser, c’est pas une affaire d’État, on va pas porter plainte ».
Ben voyons, si le maire le dit…
Par contre si le dépeçage avait été perpétré par un ours – absent du massif, je le répète – il y aurait eu un branle-bas de combat de tous les diables et une volée de bérets !
Une race en voie d’extinction
En 2015, l’association Iparraldeko Betizuak – les betizu du Nord – (Iparralde = Pays Basque du Nord ; Hegoalde = Pays Basque du Sud), a été dissoute afin de mettre l’État et les collectivités face à leurs responsabilités.
Cette race sauvage qui broute en liberté sur les flancs du Mondarrain et de la Rhune a failli s’éteindre dans les années 20, car ces bovins ont été quasiment exterminés lors de la construction de la voie pour le train de la Rhune. Selon les relevés, la population des betizu ne dépasserait pas les 100 têtes au nord des Pyrénées.
Avant 2015, tout le monde se déchargeait sur l’association : les élus locaux, l’état et les particuliers. Quand une personne était blessée ou que des barrières étaient cassées, on demandait réparation à l’association. Mais clairement, ces bêtes sont sauvages et n’appartiennent à personne.
Pourtant, et contrairement aux loups et aux ours, les betizu ne sont pas administrativement considérés comme des animaux sauvages. Ils ne sont pas, non plus, classés dans la catégorie des bovidés domestiques ! Voici un no man’s land administratif.
Cette espèce non protégée pourrait disparaître. Le betizu est sans équivalent en Europe et il a besoin d’un plan de gestion durable et d’un vrai statut, statut devant protéger ces gardiennes des montagnes, des braconniers amateurs de chuletones.
Depuis la nuit des temps
On trouve sa représentation dans l’art pariétal pyrénéen datant de 15 000 ans. Il serait, ce betizu, issu d’une population d’aurochs de taille réduite. La race offre une grande rusticité, plus légère que la vache domestique et ces vaches (300kg) et taureaux (400kg) sont susceptibles de réactions imprévisibles, voire de nuisances pour les fermiers. Les betizu circulent par petits groupes et se déplacent, selon les périodes de l’année, entre les milieux ouverts et les couverts forestiers. Leur robe est brun rouge, les cornes sont évasées, relevées et en arrière. Les mâles vivent au sein ou en marge des groupes de femelles et de veaux. Ces animaux participent à l’entretien des espaces de montagne.
En Heogalde, le gouvernement de Navarre élabore un programme écologique pour la conservation de cette race autochtone sur une propriété de 80 hectares où on maintient une moyenne de quelque 45 animaux.
En Espagne, la population de betizu vit en Guipuzcoa, en Biscaye ainsi qu’en Navarre.
On compte environ 100 têtes en France, un peu plus de 200 en Espagne.
Dans la culture
Pour les anciens Vascons, les betizu sont des animaux mythiques connus sous les noms de zezen gorri, "taureau rouge" et behi gorri, "vache rouge", gardiens de la grotte où vivait la déesse Mari.
Mari est la divinité féminine qui incarne la nature, la déesse mère. C’est sur cette divinité que la religion basque originelle est centrée. Étymologiquement, son nom signifie "celle qui donne", il est formé par le radical ma signifiant donner et le suffixe ari qui indique une activité (ex. lanari = travailleur). Elle est la maîtresse de tous les génies telluriques, elle est la créatrice, la Grande Mère qui enfanta le monde.
Mari divinité connue des Basques bien avant la Chrétienté et Marie.
Cette vache a été récemment popularisée au Pays Basque grâce au nom d’un programme pour enfants en langue basque à la télévision publique basque (ETB) où le personnage principal représente un animal de cette vaillante race. L’émission essaye de faire connaître l’existence de cette espèce et de favoriser sa connaissance et sa protection.
Basque et Marine
La vache Betizu est inscrite parmi les races du Conservatoire des races d’Aquitaine au même titre que la vache Marine vivant en liberté dans les marais du littoral aquitain du sud Gironde et du nord des Landes dont le cheptel est encore plus réduit que celui des betizu. Mais cette Marine bénéficie d’un programme génétique de conservation et de développement animé par le Conservatoire et la SEPANSO qui en sont les gestionnaires.
Et pour la Betizu, qu’en sera-t’il ? Cette délicate "gestion" par les élus locaux va-t’elle perdurer jusqu’à l’extinction ? À croire que le Pays Basque est indépendant !
À propos : betizu se prononce bétissou qui vient du basque behi izua, behi signifiant vache et izu, farouche, intraitable, sauvage et fuyante. Ceci vous l’aviez compris.
La finca El Maquilón où est installée la ganaderia El Uno à Almoguera, province de Guadalajara a subi un désastre absolu. En effet, José María López a perdu plus de cent bêtes tuées par le froid. Plus de cent cadavres dans la neige, des bœufs, toros, vaches, becerros, cent cadavres negros, berrendos, colorados, botineros…
La ganaderia parlera aux inconditionnels des sanfermines car ce sont les cabestros à la devise bleue, blanche et rose qui accompagnent les encierros. Outre Pampelune, ils courent à San Sebastián de los Reyes, Villaseca de la Sagra, El Álamo, Arganda del Rey, Galapagar, Almoguera…
Cette hécatombe a été vécue surtout par les bravos : toros, vaches et becerros sous une température de – 22° ! Il était impossible de les ravitailler par ce froid et par la hauteur de la neige.
Les vedettes-cabestros connues des coureurs d’encierros ont pour nom, "Messi", "Sevillano", "Ronaldo"… Un frère de ce dernier, un des plus populaires des encierros, "Corredor", a péri.
L’origine de la ganaderia : reses d’origine Daniel Ruiz et Garcigrande/ Domingo Hernández d’une part, et de Manuel Vidrié (vaches) et des sementales de Torrealta et El Torreón d’autre part.
Un éleveur abattu par ce terrible coup du sort, une catastrophe économique et J.M. López ne reçoit aucune aide pour affronter le Covid-19 – la province de Guadalajara ne perçoit aucune aide contrairement à la Communauté de Madrid, voisine – et maintenant l’estocade Filomena.
30 ans dédiés au toro et à l’organisation de spectacles taurins. Quand le sort s’acharne ainsi !
Aujourd’hui vendredi 22 janvier, c’est Hortense qui chatouille les côtes Basque et Landaise.
Que va t’il advenir maintenant après avoir jeté le discrédit sur la gestion de la pandémie ?
Si l’on reste optimiste, le vaccin nous dirige vers un monde rassuré. Mais qui, pour lutter contre le réchauffement climatique ? L’ère du numérique concentrera encore plus les richesses dans les mains des puissants : la noria des inégalités persistera.
2020 fut l’année des incendies en Australie ravageant l’écosystème et des paysages uniques. Qui s’en souvient ? L’explosion de Beyrouth, les inondations dans le sud de la France, les attentats, les crises économiques, politiques, sociales... 2020, année macabre, année de la désolation.
Se rejouir de quoi ? De confinements en déconfinements, on nous libéra pour fêter Noël. Quelle joie !… avec cette épée de Damoclès toujours au-dessus de nos pauvres têtes pour mieux courber l’échine.
2021 débute comme s’est achevée la précédente. La suspicion menace le vaccin, l’horizon ne se dégage pas. Le constat reste froid et clinique.
Sur l'autre rive de l'Atlantique, un fou furieux, l'"éméché" peroxydé inaugure l'année en décidant, dans la violence et la destruction, de plumer les oies du Capitole. Ce fait gravissime ne faisant que souligner la fragilité de la démocratie.
...
L’enfermement et la perte de relations avec notre prochain, l’éloignement rythment notre quotidien. Cela nous aura au moins rassurés sur la question de savoir qui sont nos amis véritables car «… avec le temps, va, tout s’en va... »
Privés de ciné, de musées, d’expos… la pandémie aura permis un boum des ventes en librairies. Les gens ont soif.
Citons Pablo Picasso qui s’exprime en ces termes : « L’art lave notre âme de la poussière du quotidien. »
En effet, l’art est une valeur refuge. Qu’en est-il de nous, miséreux aficionados, dont le retour vers la plaza n’est toujours pas programmé ?
Que représente la tauromachie à l’échelle mondiale et quel est son intérêt dans ce contexte ? dirait le quidam. N’y a t’il pas plus essentiel ?
Certainement, la pêche à la mouche ou l’art du dripping cher au peintre Jackson Pollock ! Mais elle reste un maillon de la chaîne des passions qui construit le monde et qui sied à notre bonheur, bonheur passager, fugace, j’en conviens. Le bonheur parfois terni par la quête qui n’est pas au rendez-vous de ce que l’on peut appeler le miracle tauromachique.
Tant pis, mieux vaut manquer un rendez-vous que vivre sans passions !
Que les "olé" raisonnent éternellement et non pas uniquement dans nos souvenirs car lorsqu’on s’interroge, il semble que tout soit dérisoire au fond, et c’est bien là l’essentiel.
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Palmarès du guide Michelin
Suite à l'article précédent, en voici une conclusion. Outre les étoiles gagnées ou perdues, notons, avec un certain effroi, le premier restaurant vegan étoilé au monde, situé en Gironde au bord du Bassin d'Arcachon.
Signe des temps : cuisine vegane garantie sans os, corrida minceur rognée jusqu'à l'os !
Les journalistes gastronomes de Paris-Presse, Henri Gault et Christian Millau traquent dans les années 60, les bons plans pour agrémenter les week-ends de leurs lecteurs avides de nouveautés. Les Français découvrent le farniente, les week-ends et les loisirs. La faim de l’après-guerre n’est plus qu’un mauvais souvenir. Les classes populaires se régalent de « gueuletons » interminables et, les classes plus aisées qui fréquentent les restaurants gastronomiques, sont dans l’attente d’autre chose. Le goût s’affine. Et voici dans les années 70, la naissance de la Nouvelle Cuisine, mouvement révolutionnaire dans la cuisine française.
La grande cuisine s’est figée. Les chefs trois-étoiles du Guide Michelin, garants du patrimoine culinaire régional et de la tradition fondée sur les principes d’Escoffier, se sont assoupis dans la routine. Nous somme dans le copieusement garni, aux sauces riches, au décor cossu ou à la fausse auberge rustique. Le magazine lancé en 1969, le Nouveau Gault-Millau, se transforme en guide. Et très vite, les Bocuse, Senderens, Guérard, les frères Troisgros, Chapel… se convertissent à la nouvelle éthique culinaire et les pères spirituels de cette Nouvelle Cuisine décident en 1975 de transformer "La grande cuisine française" en "Nouvelle grande cuisine française".
Après la Nouvelle Vague au cinéma – François Truffaut, Jean-Luc Godard –, après le Nouveau Roman – Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet – voici la Nouvelle Cuisine avec ses chefs libérés des dogmes de la cuisine bourgeoise codifiée.
Mais des assiettes trop chargées servies par le passé, les clients voient trop souvent arriver sur la table de restaurants à prétention gastronomique, des assiettes quasi vides… et la Nouvelle Cuisine rime avec des prix (g)astronomiques.
Et puis la concurrence se développe et si l’art culinaire à la française demeure pleinement reconnu, l’excellence venue d’ailleurs remet en question sa suprématie.
Dans la jungle des nombreux guides, le Michelin demeure le premier juge. Or ses exigences en matière de service et d’accueil pour justifier les 3 étoiles participent à une inflation galopante des coûts.
Dans les années 90, une autre révolution est en marche, celle de la simplicité du décor. Stop à la frime et au tape-à-l’œil, y compris dans les cuisines. Retour aux plaisirs simples. Un critique baptise ce nouveau concept "bistronomie". Pas très heureux comme qualificatif, Yves Camdeborde n’apprécie pas : il est cuisinier, pas bistrotier ! Il ne vend pas d’œufs durs au comptoir.
Mais les codes reviennent au galop et le décor se fait plus chic et la table design fait grimper les prix ! Le restaurant rime avec concept, design et architecture.
Au fond, la cuisine ne fait que reproduire ce que la France fait à chaque révolution : rejeter et retrouver, même si, entre temps, les choses ont changé. Un fait, cependant, demeure intangible : l’amour passionné des Français pour la cuisine et pour ses grands chefs.
… et corrida
Vous trouverez des points communs, des similitudes, quelques rapprochements avec la tauromachie : de la passion – beaucoup – , des prix prohibitifs – à profusion –, des aménagements et mini révolutions, des lourdeurs, des tâtonnements, des critiques – à foison –, des intellectuels – pas toujours de gauche –, des opportuns – moult dans le mundillo –, des déceptions – quelques fois à table, souvent sur les tendidos –, de bons bouquins pour tromper l’ennui…, des artistes mais aussi des gargotiers.
Nous ne remonterons guère dans le temps.
Avant les années 45, la corrida était le reflet de la condition humaine. Pour Montherlant, le combat de l’homme était l’occasion de se mettre en péril pour prouver sa maîtrise du destin. Auparavant, dans la décennie 1930, García Lorca donne la priorité à la fusion avec le peuple.
Dans la première moitié du XXe siècle, un nouveau toreo se développe, fondé sur l’immobilité du torero, les passes se multiplient maîtrisant la course du toro. Antérieurement, existaient l’esquive, la défense, la mobilité formant le mode traditionnel.
C’est la révolution dans le toreo par Juan Belmonte qui mit de côté toutes les règles fondamentales. C’était le "nouveau toreo" basé sur les qualité du toro où la muleta glissait au rythme de la charge. Belmonte réduit les déplacements. Il attend, immobile, le toro, le déviant et le plaçant dans un terrain impossible. Il ramène la bête sur lui en "templant" sa charge. C’est lui le créateur du toreo moderne avec parar, templar y mandar : les trois canons. Il est bientôt rejoint par Joselito et son art orthodoxe et ses qualités exceptionnelles. C'est la competencia entre les deux hommes mais les toros ont perdu le trapío et les armures de ceux de la fin du XIXe siècle combattus par Lagartijo ou Frascuelo.
Cette période, celle de l’avènement de la "corrida esthétique", fut la plus meurtrière de l’époque contemporaine.
Après "l’Âge d’or" du toreo des années 20, les vedettes avaient pour nom : Gaona, Granero, Chicuelo, Lalanda, Armillita, Vicente Barrera, Domingo Ortega ou Manolo Bienvenida.
Puis après cette période assassine, c’est un nouveau combat après la guerre (1945), ce nouveau toreo-"nouvelle corrida" qui amplifia les manipulations génétiques et les fraudes voulant permettre la sécurité et produisant des toros prévisibles aux cornes courtoises, plus petits, plus jeunes mais sévèrement châtiés sous le fer.
Ce furent les années Manolete, l’orgueilleux Dominguín le champion racé, Ordoñez le beau-frère, le challenger aux trente blessures, et après l’apparition du guarismo en 1969, el terremoto El Cordobès incarnant l’Espagne des sixties qui fit la une de Life.
Voila ce qu'écrivait Jean Cistac "Juan Leal" à propos de L.M. Dominguín dans Corridas (Péchade éditeur à Bordeaux, 1950) : " Cette journée que, débutant en France, l'été 1948, ce Luis Miguel Dominguín s'exhiba à Dax devant des bestiaux de poche et peut-être purgés, en tout cas impotents, paralytiques même, devant lesquels il émerveilla des milliers de jobards, amateurs de plastique, endoctrinés par la propagande..."
Plus près de nous encore, Paco Ojeda, architecte impassible, à la tauromachie compacte, privant d’espace son adversaire dans une orgie de passes. José Tomás rentrant dans le gotha très réduit des toreros de légende ( Belmonte, Joselito Gallito, Manolete…) par son engagement total, sa prise de risque maximale dans une tauromachie mystique. Enrique Ponce – dans une autre vie – gestionnaire n°1 des toros et le phénoménal El Juli – dans une autre vie, lui aussi – le surdoué explosif à la technique éprouvée.
Aujourd’hui, la critique de la tauromachie sous un angle animaliste (dès le XIXe siècle) est reprise par les anti taurins. La question des limites entre humanité et animalité doit, pour ses défenseurs, être repensée, en dépassant le cadre du courant "romantique". L’évolution des rapports de l’homme à l’animal et à la mort dans la société occidentale remettent en cause la perpétuation de la corrida espagnole.
Avant la volonté de la supprimer, on veut l’édulcorer – même chez certains au sein du mundillo – comme par exemple, en parallèle avec les revendications antispécistes, éradiquer l’estocade, estocade qui donne tout son sens au combat ! Alléger l’assiette, faire de la tauromachie "minceur" !
La sauvegarde de la culture taurine comme résistance à la globalisation, comme promotion de la diversité culturelle et comme système de développement durable – tout ceci fort à la mode –, est enfin défendue par une mobilisation – timide – des aficionados, récente mais cohérente. La réponse à l’adversité est plus concrète, argumentée et unitaire. Mais hélas, nous ne pouvons que déplorer l’amateurisme du monde taurin lorsqu’il s’agit de défendre la cause face aux militants anti taurins bien structurés, s’introduisant dans les milieux du pouvoir.
Quelques autres points communs entre Cuisine et Corrida.
Les écoles de cuisine fleurissent, participant à l’exception tricolore : le Cordon bleu à deux pas de la Tour Eiffel, créé en 1895, l’école Ferrandi, et celles créées par les chefs eux-mêmes : Vatel, Ducasse Éducation, l’institut Paul Bocuse, etc. Il est loin le temps où les écoles de cuisine recevaient des apprentis âgés de 12, 13 ans pour des ateliers sur les métiers de la charcuterie, poissonnerie… Révolue, l’époque où la filière n’accueillait que des élèves en difficulté. L’ancienne voie de garage attire un public bien plus large, séduit par une image où les chefs deviennent des stars, les émissions télévisées à grand succès métamorphosent l’image du métier auprès du grand public. C’est l’explosion sur les réseaux sociaux et les livres se multiplient en librairie.
Côté toros, la première école de tauromachie est créée en 1830 par le roi Ferdinand VII dont Pedro Romero prendra rapidement la direction. Aujourd’hui en Espagne comme en France, les écoles sont nombreuses : Madrid, Valence, Salamanque, Valladolid, Cáceres, Badajoz…, Nîmes, Arles, Béziers, Adour Afición… Il en ressort souvent des futurs sans lendemain, des carrières mort-nées, beaucoup d’apprentis et très peu d’élus, un retour dans l’anonymat, mais ces structures ont le mérite d’exister. Fini les coups de muleta au clair de lune et les roustes qui en découlaient. Les élus ambitionnant de ressembler à leurs aînés mais pas à eux-mêmes : un plat servi souvent froid et sans saveur.
L’histoire de la gastronomie française a, elle aussi, ses revisteros, ses critiques culinaires : en 1486, Guillaume Tinel, dit Taillevent publie son Viandier. En 1651, sous Louis XIV, François Pierre de la Varenne, Le Cuisinier françois. Sous le règne de Louis XV, Le Cuisinier moderne de Vincent La Chapelle en 1735.
Sous le Premier Empire, Manuel des amphitryons d’Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière (1808). En 1825, sous la Restauration des Bourbons, Physiologie du goût par Jean Anthelme Brillat-Savarin. Alexandre Dumas publie en 1873 (IIIe République), Le Grand Dictionnaire de cuisine ; en 1902, le Guide culinaire d’Auguste Escoffier… En 1976, La Grande cuisine minceur de Michel Guérard ainsi que La Cuisine de marché de Paul Bocuse, et le catalogue est inépuisable.
Quant aux critiques taurins, les revisteros, journalistes et romanciers ayant exercé ou exerçant de ce côté-ci des Pyrénées, il est impossible de tous les citer. La littérature taurine est née avec les différentes formes de tauromachie. Les revisteros exercèrent dans la presse taurine ou dans les pages dédiées des quotidiens dès 1887. Certains écrivirent, en dehors des reseñas, des ouvrages toujours d’actualité et incontournables.
Citons Claude Popelin, Auguste Lafront "Paco Tolosa", Jean-Pierre Darracq "El Tio Pepe", Georges Lestié, Alfred Degeilh "Aguilita", Marius Batalla "Don Cándido", Jean Cistac "Juan Leal", Gilbert Lacroix "Luis de la Cruz", Léonce André "Plumeta"… Vous avez certainement eu entre vos mains un de leurs ouvrages, et la liste se complétant avec tous ceux qui écrivent de nos jours.
Les revues et journaux spécialisés se multiplièrent, parfois pour de courtes durées, parfois pour un unique numéro, L’Aficion (Bordeaux), Biou y Toros (Nîmes), premier numéro le 4 juillet 1925, l’ancêtre de Toros, Lou Ferri (Arles), Midi-Taurin (Nîmes), Le Toril (Toulouse), Toros-Revue (Bordeaux)… et les quelques organes imprimés de nos jours. Le plus ancien, le Journal des Arènes né à Marseille en 1887, n’imprima que peu de numéros.
Dans la bibliothèque taurine, le lecteur-aficionado trouvera livres techniques, reportages, souvenirs et anecdotes, romans, essais, bandes dessinées… nourrissant son afición si malmenée par temps de Covid.
L’UBTF, l’Union des Bibliophiles Taurins de France créée le 3 avril 1977 à Saint-Gilles (Gard), compte aujourd’hui environ 160 membres. A ce jour, plus de 72 ouvrages et 68 Gazettes ont été édités. Elle s’inspire de la Unión de Biblióphilos Taurinos d’Espagne.
Vient de paraître un superbe Bordeaux capitale tauromachique, histoire de la Gironde taurine, dont l’auteur n’est autre qu’Antoine Briscadieu, le fils d’Alain, le Vicois, trop tôt disparu. Une somme de 406 pages, d’une lecture passionnante, à la riche iconographie et aux nombreux documents.
UNESCO
En 2010, le "repas gastronomique français" est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
A compter du 22 avril 2011, la tauromachie a été, elle aussi, inscrite par le ministère de la Culture, décision infirmée en juin 2015 par la Cour administrative, malgré la tentative de se pourvoir en cassation de la part de l’ONCT et de l’UVTF, le verdict tombant définitivement le 28 juillet 2016.
Donc, la tauromachie en France ne rejoindra pas, entre autres, le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon ou la tapisserie d’Aubusson… dommage.
………..
"Nouvelle", moléculaire, "bistronomique"… la cuisine continue de se réinventer. Les courants et les concepts se suivent et se concurrencent, mais les dogmes ne sont-ils pas faits pour être dépassés ?
La gastronomie n’est pas en péril.
L’aficionado appréciera la bonne chère et, repu et comblé, se dirigera plein d’excitation vers sa querencia, ombre ou soleil, où l’attend le plaisir ou la douleur, la joie ou le dépit, la satisfaction ou l’ennui.
Festin, plaisir des dieux ; corrida, plénitude des aficionados ou aigreur d’estomac amenant à la diète ?
La corrida est en danger, et l’aficionado, lui, demeure inquiet.
Faire alterner longtemps jansénisme et épicurisme, disette et gloutonnerie…