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belles feuilles

gastronomie française et tauromachie espagnole

Publié le par Cositas de toros

Cuisine...  

     Les journalistes gastronomes de Paris-Presse, Henri Gault et Christian Millau traquent dans les années 60, les bons plans pour agrémenter les week-ends de leurs lecteurs avides de nouveautés. Les Français découvrent le farniente, les week-ends et les loisirs. La faim de l’après-guerre n’est plus qu’un mauvais souvenir. Les classes populaires se régalent de « gueuletons » interminables et, les classes plus aisées qui fréquentent les restaurants gastronomiques, sont dans l’attente d’autre chose. Le goût s’affine. Et voici dans les années 70, la naissance de la Nouvelle Cuisine, mouvement révolutionnaire dans la cuisine française.

F. Gault et C. Millau


     La grande cuisine s’est figée. Les chefs trois-étoiles du Guide Michelin, garants du patrimoine culinaire régional et de la tradition fondée sur les principes d’Escoffier, se sont assoupis dans la routine. Nous somme dans le copieusement garni, aux sauces riches, au décor cossu ou à la fausse auberge rustique. Le magazine lancé en 1969, le Nouveau Gault-Millau, se transforme en guide. Et très vite, les Bocuse, Senderens, Guérard, les frères Troisgros, Chapel… se convertissent à la nouvelle éthique culinaire et les pères spirituels de cette Nouvelle Cuisine décident en 1975 de transformer "La grande cuisine française" en "Nouvelle grande cuisine française".

Auguste Escoffier


     Après la Nouvelle Vague au cinéma – François Truffaut, Jean-Luc Godard –, après le Nouveau Roman – Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet – voici la Nouvelle Cuisine avec ses chefs libérés des dogmes de la cuisine bourgeoise codifiée.
Mais des assiettes trop chargées servies par le passé, les clients voient trop souvent arriver sur la table de restaurants à prétention gastronomique, des assiettes quasi vides… et la Nouvelle Cuisine rime avec des prix (g)astronomiques.
Et puis la concurrence se développe et si l’art culinaire à la française demeure pleinement reconnu, l’excellence venue d’ailleurs remet en question sa suprématie.

 


     Dans la jungle des nombreux guides, le Michelin demeure le premier juge. Or ses exigences en matière de service et d’accueil pour justifier les 3 étoiles participent à une inflation galopante des coûts.
     Dans les années 90, une autre révolution est en marche, celle de la simplicité du décor. Stop à la frime et au tape-à-l’œil, y compris dans les cuisines. Retour aux plaisirs simples. Un critique baptise ce nouveau concept "bistronomie". Pas très heureux comme qualificatif, Yves Camdeborde n’apprécie pas : il est cuisinier, pas bistrotier ! Il ne vend pas d’œufs durs au comptoir.
Mais les codes reviennent au galop et le décor se fait plus chic et la table design fait grimper les prix ! Le restaurant rime avec concept, design et architecture.
Au fond, la cuisine ne fait que reproduire ce que la France fait à chaque révolution : rejeter et retrouver, même si, entre temps, les choses ont changé. Un fait, cependant, demeure intangible : l’amour passionné des Français pour la cuisine et pour ses grands chefs.

… et corrida

     Vous trouverez des points communs, des similitudes, quelques rapprochements avec la tauromachie : de la passion – beaucoup – , des prix prohibitifs – à profusion –, des aménagements et mini révolutions, des lourdeurs, des tâtonnements, des critiques – à foison –, des intellectuels – pas toujours de gauche –, des opportuns – moult dans le mundillo –, des déceptions – quelques fois à table, souvent sur les tendidos –, de bons bouquins pour tromper l’ennui…, des artistes mais aussi des gargotiers.

     Nous ne remonterons guère dans le temps.
Avant les années 45, la corrida était le reflet de la condition humaine. Pour Montherlant, le combat de l’homme était l’occasion de se mettre en péril pour prouver sa maîtrise du destin. Auparavant, dans la décennie 1930, García Lorca donne la priorité à la fusion avec le peuple.
Dans la première moitié du XXe siècle, un nouveau toreo se développe, fondé sur l’immobilité du torero, les passes se multiplient maîtrisant la course du toro. Antérieurement, existaient l’esquive, la défense, la mobilité formant le mode traditionnel. 
C’est la révolution dans le toreo par Juan Belmonte qui mit de côté toutes les règles fondamentales. C’était le "nouveau toreo" basé sur les qualité du toro où la muleta glissait au rythme de la charge. Belmonte réduit les déplacements. Il attend, immobile, le toro, le déviant et le plaçant dans un terrain impossible. Il ramène la bête sur lui en "templant" sa charge. C’est lui le créateur du toreo moderne avec parar, templar y mandar : les trois canons. Il est bientôt rejoint par Joselito et son art orthodoxe et ses qualités exceptionnelles. C'est la competencia entre les deux hommes mais les toros ont perdu le trapío et les armures de ceux de la fin du XIXe siècle combattus par Lagartijo ou Frascuelo.
Cette période, celle de l’avènement de la "corrida esthétique", fut la plus meurtrière de l’époque contemporaine.
Après "l’Âge d’or" du toreo des années 20, les vedettes avaient pour nom : Gaona, Granero, Chicuelo, Lalanda, Armillita, Vicente Barrera, Domingo Ortega ou Manolo Bienvenida.
Puis après cette période assassine, c’est un nouveau combat après la guerre (1945), ce nouveau toreo-"nouvelle corrida" qui amplifia les manipulations génétiques et les fraudes voulant permettre la sécurité et produisant des toros prévisibles aux cornes courtoises, plus petits, plus jeunes mais sévèrement châtiés sous le fer.

Antonio Ordoñez

     Ce furent les années Manolete, l’orgueilleux Dominguín le champion racé, Ordoñez le beau-frère, le challenger aux trente blessures, et après l’apparition du guarismo en 1969, el terremoto El Cordobès incarnant l’Espagne des sixties qui fit la une de Life.

     Voila ce qu'écrivait Jean Cistac "Juan Leal" à propos de L.M. Dominguín dans Corridas (Péchade éditeur à Bordeaux, 1950) : " Cette journée que, débutant en France, l'été 1948, ce Luis Miguel Dominguín s'exhiba à Dax devant des bestiaux de poche et peut-être purgés, en tout cas impotents, paralytiques même, devant lesquels il émerveilla des milliers de jobards, amateurs de plastique, endoctrinés par la propagande..."

Paco Ojeda

     Plus près de nous encore, Paco Ojeda, architecte impassible, à la tauromachie compacte, privant d’espace son adversaire dans une orgie de passes. José Tomás rentrant dans le gotha très réduit des toreros de légende ( Belmonte, Joselito Gallito, Manolete…) par son engagement total, sa prise de risque maximale dans une tauromachie mystique. Enrique Ponce – dans une autre vie – gestionnaire n°1 des toros et le phénoménal El Juli – dans une autre vie, lui aussi – le surdoué explosif à la technique éprouvée.
     Aujourd’hui, la critique de la tauromachie sous un angle animaliste (dès le XIXe siècle) est reprise par les anti taurins. La question des limites entre humanité et animalité doit, pour ses défenseurs, être repensée, en dépassant le cadre du courant "romantique". L’évolution des rapports de l’homme à l’animal et à la mort dans la société occidentale remettent en cause la perpétuation de la corrida espagnole.
Avant la volonté de la supprimer, on veut l’édulcorer – même chez certains au sein  du mundillo – comme par exemple, en parallèle avec les revendications antispécistes, éradiquer l’estocade, estocade qui donne tout son sens au combat ! Alléger l’assiette, faire de la tauromachie "minceur" !
La sauvegarde de la culture taurine comme résistance à la globalisation, comme promotion de la diversité culturelle et comme système de développement durable – tout ceci fort à la mode –, est  enfin défendue par une mobilisation – timide – des aficionados, récente mais cohérente. La réponse à l’adversité est plus concrète, argumentée et unitaire. Mais hélas, nous ne pouvons que déplorer l’amateurisme du monde taurin lorsqu’il s’agit de défendre la cause face aux militants anti taurins bien structurés, s’introduisant dans les milieux du pouvoir.

Quelques autres points communs entre Cuisine et Corrida.

     Les écoles de cuisine fleurissent, participant à l’exception tricolore : le Cordon bleu à deux pas de la Tour Eiffel, créé en 1895, l’école Ferrandi, et celles créées par les chefs eux-mêmes : Vatel, Ducasse Éducation, l’institut Paul Bocuse, etc. Il est loin le temps où les écoles de cuisine recevaient des apprentis âgés de 12, 13 ans pour des ateliers sur les métiers de la charcuterie, poissonnerie… Révolue, l’époque où la filière n’accueillait que des élèves en difficulté. L’ancienne voie de garage attire un public bien plus large, séduit par une image où les chefs deviennent des stars, les émissions télévisées à grand succès métamorphosent l’image du métier auprès du grand public. C’est l’explosion sur les réseaux sociaux et les livres se multiplient en librairie.
     Côté toros, la première école de tauromachie est créée en 1830 par le roi Ferdinand VII dont Pedro Romero prendra rapidement la direction. Aujourd’hui en Espagne comme en France, les écoles sont nombreuses : Madrid, Valence, Salamanque, Valladolid, Cáceres, Badajoz…, Nîmes, Arles, Béziers, Adour Afición… Il en ressort souvent des futurs sans lendemain, des carrières mort-nées, beaucoup d’apprentis et très peu d’élus, un retour dans l’anonymat, mais ces structures ont le mérite d’exister. Fini les coups de muleta au clair de lune et les roustes qui en découlaient. Les élus ambitionnant de ressembler à leurs aînés mais pas à eux-mêmes : un plat servi souvent froid et sans saveur.

 

     L’histoire de la gastronomie française a, elle aussi, ses revisteros, ses critiques culinaires : en 1486, Guillaume Tinel, dit Taillevent publie son Viandier. En 1651, sous Louis XIV, François Pierre de la Varenne, Le Cuisinier françois. Sous le règne de Louis XV, Le Cuisinier moderne de Vincent La Chapelle en 1735.

     Sous le Premier Empire, Manuel des amphitryons d’Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière (1808). En 1825, sous la Restauration des Bourbons, Physiologie du goût par Jean Anthelme Brillat-Savarin. Alexandre Dumas publie en 1873 (IIIe République), Le Grand Dictionnaire de cuisine ; en 1902, le Guide culinaire d’Auguste Escoffier… En 1976, La Grande cuisine minceur de Michel Guérard ainsi que La Cuisine de marché de Paul Bocuse, et le catalogue est inépuisable.
     Quant aux critiques taurins, les revisteros, journalistes et romanciers ayant exercé ou exerçant de ce côté-ci des Pyrénées, il est impossible de tous les citer. La littérature taurine est née avec les différentes formes de tauromachie. Les revisteros exercèrent dans la presse taurine ou dans les pages dédiées des quotidiens dès 1887. Certains écrivirent, en dehors des reseñas, des ouvrages toujours d’actualité et incontournables.

 

Auguste Lafront "Paco Tolosa"

      Citons Claude Popelin, Auguste Lafront "Paco Tolosa", Jean-Pierre Darracq "El Tio Pepe", Georges Lestié, Alfred Degeilh "Aguilita", Marius Batalla "Don Cándido", Jean Cistac "Juan Leal", Gilbert Lacroix "Luis de la Cruz", Léonce André "Plumeta"… Vous avez certainement eu entre vos mains un de leurs ouvrages, et la liste se complétant avec tous ceux qui écrivent de nos jours.

 

14 octobre 1933

        Les revues et journaux spécialisés se multiplièrent, parfois pour de courtes durées, parfois pour un unique numéro, L’Aficion (Bordeaux), Biou y Toros (Nîmes), premier numéro le 4 juillet 1925, l’ancêtre de Toros, Lou Ferri (Arles), Midi-Taurin (Nîmes), Le Toril (Toulouse), Toros-Revue (Bordeaux)…  et  les quelques organes imprimés de nos jours. Le plus ancien, le Journal des Arènes né à Marseille en 1887, n’imprima que peu de numéros. 
Dans la bibliothèque taurine, le lecteur-aficionado trouvera livres techniques, reportages, souvenirs et anecdotes, romans, essais, bandes dessinées… nourrissant son afición si malmenée par temps de Covid.

 

   
     L’UBTF, l’Union des Bibliophiles Taurins de France créée le 3 avril 1977 à Saint-Gilles (Gard), compte aujourd’hui environ 160 membres. A ce jour, plus de 72 ouvrages et 68 Gazettes ont été édités. Elle s’inspire de la Unión de Biblióphilos Taurinos d’Espagne.
Vient de paraître un superbe Bordeaux capitale tauromachique, histoire de la Gironde taurine, dont l’auteur n’est autre qu’Antoine Briscadieu, le fils d’Alain, le Vicois, trop tôt disparu. Une somme de 406 pages, d’une lecture passionnante, à la riche iconographie et aux nombreux documents.

UNESCO

     En 2010, le "repas gastronomique français" est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
A compter du 22 avril 2011, la tauromachie a été, elle aussi, inscrite par le ministère de la Culture, décision infirmée en juin 2015 par la Cour administrative, malgré la tentative de se pourvoir en cassation de la part de l’ONCT et de l’UVTF, le verdict tombant définitivement le 28 juillet 2016.
Donc, la tauromachie en France ne rejoindra pas, entre autres, le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon ou la tapisserie d’Aubusson… dommage.

………..

     "Nouvelle", moléculaire, "bistronomique"… la cuisine continue de se réinventer. Les courants et les concepts se suivent et se concurrencent, mais les dogmes ne sont-ils pas faits pour être dépassés ?
La gastronomie n’est pas en péril.

     L’aficionado appréciera la bonne chère et, repu et comblé, se dirigera plein d’excitation vers sa querencia, ombre ou soleil, où l’attend le plaisir ou la douleur, la joie ou le dépit, la satisfaction ou l’ennui.
Festin, plaisir des dieux ; corrida, plénitude des aficionados ou aigreur d’estomac amenant à la diète ?
La corrida est en danger, et l’aficionado, lui, demeure inquiet.

     Faire alterner longtemps jansénisme et épicurisme, disette et gloutonnerie… 

                                               Gilbert Lamarque
 

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TOUJOURS VRAI

Publié le par Cositas de toros

     Jean-Pierre Darracq, "El Tio Pepe", fut enseignant, achevant sa carrière à l’Institut Français de Madrid, ville qui lui fut chère, puis à l’Alliance Française aux Baléares pour un temps très court, la région qui n’est pas un pays de toros, ne l’inspirant guère. Critique taurin reconnu dès les années trente, collaborant à nombre de revues spécialisées, c’est dans la revue nîmoise Toros, dans laquelle il écrivit pendant 40 ans, qu’il donne toute la mesure de son talent.

Les deux volumes de "Chroniques" sont la réunion d’articles publiés dans Toros de 1962 à 1992.

 

 

Ces "Chroniques" reflètent le plaisir qu’il avait à transmettre son savoir aux autres, didactique sans être ennuyeux. Ici, c’est la défense du toro de combat, des principes de la lidia et du désir d’une corrida pure et idéale : un régal pour l’aficionado.

On peut s’étonner des prémonitions de l’auteur et de la justesse de ses intuitions.

 

La Peña La Suerte édita en septembre 1992, "Le jour où mourut Joselito" suivi de "Paroles…

 

 

" C’est  à la fin du premier cité et vers le début du second pour trois pages au total, à lire plus bas, que vous croiserez sa vision sur la Fiesta Brava, avec pertinence et perspicacité, illustrant parfaitement cette phrase de Montherlant que cite Jean-Pierre Darracq dans "Chroniques" : « La plus haute fonction de l’esprit, c’est de comprendre ou de s’y efforcer. »

Jean-Pierre Darracq, né à Bordeaux en 1911, est un landais de Dax côté paternel et du pays de Born par sa mère. C’est en 1962 qu’il intègre l’équipe de Toros. Il y écrira jusqu’à sa mort en 1992, le 04 septembre.

Les deux textes "Le jour où mourut Joselito" et "Paroles… " sont aussi issus de la revue Toros. Mais lors de l’édition par la Peña La Suerte, "El Tio Pepe" n’était déjà plus parmi nous.

L’Association des Critiques Taurins de France lui a dédié un prix, prix qui récompense chaque année un geste taurin d’importance. Ce prix fut accordé pour la première fois, en hommage à l’écrivain, à l’extraordinaire toro de Palha "Garapito" (Vic-Fezensac , le 08 juin 1992) dont le combat aurait enthousiasmé le critique.

Pour la petite histoire, c’est à Villeneuve-de-Marsan que Jean-Pierre Darracq assista à son dernier spectacle taurin. C’était le 15 mars 1992 à l’occasion du traditionnel festival.

"El Tio" toujours d’actualité comme me le soulignait l’ami Éric lors d’un long échange, « actualité et vérité », me disait-il. Oui, quelques écrits "anciens" pour nous ressourcer à l’heure des réseaux pas si sociaux. Comme tu le dis si justement : « Finies les tertulias enflammées et passionnées, le public veut de plus en plus de l’extraordinaire qu’il voit depuis son canapé. 

 

Voici ces pages 56, 70 et 71 :

 

      « … Aussi, les personnes mal informées qui s’imaginent que nous sommes des gens cruels, nous, les aficionados prétendument insensibles à la souffrance et à la pitié, sont-elles bien éloignées de la réalité.

     Car plus on est aficionado, plus et mieux l’on connaît le toto de combat, les phases de son évolution dans la piste, les problèmes techniques ordinaires et insoupçonnés que le torero doit identifier et résoudre immédiatement et à son avantage, sous peine d’y laisser la vie, (car vous êtes bien convaincus, je l’espère, qu’il existe une technologie à la fois constante et mouvante – multiforme – de l’art de toréer), et plus cet aficionado participe à ce combat mortel avec toute sa lucidité, toute sa sensibilité, tout son cœur, et il porte une estime égale – quand ils le méritent – aux deux adversaires, à tel point qu’il est capable de s’apitoyer sur l’infortune du toro, lorsque celui-ci est mal toréé.

     Pour moi toutefois, le torero est mon frère, ou mon fils, confronté à un péril que je suis incapable d’affronter moi-même, faute de posséder le courage et l’intelligence – ou l’intuition – qui font de lui un être d’une originalité si singulière, et parfois lui confèrent le prestige d’un surhomme. Nos mouvements d’humeur ou d’impatience, voire de colère à son égard ne sont que des réactions occasionnelles, ponctuelles, comparées à ce sentiment d’admiration qui nous attache à lui.

     Abandonnons sans regret aux personnes dites « sensibles » le souhait horrible que meure le torero plutôt que le toro. C’est affaire entre leur conscience, s’ils en ont une, et eux-même.

     Au long de ma vie, je n’ai jamais connu aucun aficionado qui ne ressente douloureusement, au plus profond de lui-même, le spectacle de la blessure, ou plus encore de la mort d’un torero. »

 

 

     « … Observons que l’introduction de la corrida dans les programmes de télévision est lourde de conséquences notamment pour ce qui a trait à la vérité de la Fiesta Brava. En effet, pour des raisons faciles à comprendre, on ne nous montre guère que des séries de jolies passes aboutissant trop souvent à l’attribution d’oreilles. Bref, un spectacle le plus souvent agréable et qui donne au néophyte une fausse idée de ce qu’est vraiment une vraie corrida.

     Une vraie corrida c’est un drame, une lutte à mort entre un toro de combat de noble origine et des hommes, puis un homme seul ; une tentative raisonnée, intelligente, fondée sur l’observation séculaire de la nature et du comportement d’un animal sauvage, inaccessible à la pitié, brute d’une demi-tonne ou davantage, armée de deux poignards aux dimensions parfois effrayantes, et qui, détourné de son milieu naturel, n’a qu’une intention : anéantir tout ce qui lui semble constituer un obstacle à son retour à la liberté au sein du troupeau.

     La corrida s’est d’abord cela, qui ne devient un spectacle que parce qu’on y admet des spectateurs. Mais toutes les espèces de toros ne sont pas identiques. Au sein d’une même famille tous les sujets ne sont ni également aptes à se soumettre à la volonté de l’homme, à se plier pour quelques instants à sa domination ; si bien que l’ensemble de ces paramètres – et il en est bien d’autres – confère à la corrida sa variété, ses incertitudes, son mystère indéfiniment renouvelé. Quand on a compris cela, qui crée et développe une sorte de bonheur intérieur, on est devenu un aficionado, bienheureuse maladie dont on ne guérira jamais !

     Car une corrida n’a de sens que si on y participe activement, de sa place, par l’observation des comportements successifs du toro dans l’arène et, conjointement, de l’interaction homme-toro. L’habitude aidant, on en arrive à confronter son propre jugement avec la conduite du ou des toros dans l’arène, face à un adversaire dont moi, pour mon compte, j’ai identifié qualités et défauts, et si l’on est pas d’accord, on le manifeste. Alors il vous arrivera de siffler quand les autres applaudissent, au risque de passer pour un faible d’esprit, ou pour un ignorant, ou pour une vieille baderne. Peu importe ! Fiez-vous à votre bon sens, à votre don d’observation et ne vous laissez pas influencer. C’est ainsi qu’avec le temps on devient un bon aficionado.

     Nous pourrions disserter indéfiniment à propos du toro de lidia. Le toro, par lui-même et en lui-même représente une énigme dont le secret, le mystère, ne sera jamais percé. »

 

 

Et je ne résiste pas à rajouter ceci que Jean-Pierre Darracq avait écrit dans Toros n°1344 du 15/01/1989 : 

 

      « Et alors, c’est ça qu’on voudrait supprimer, et le remplacer par quoi ? Par des corridas plus faciles qui se dérouleraient uniformément dans l’euphorie, avec oreilles et queues tombant du palco ? Une palinodie qui nous mènerait tout droit à la décadence de la fiesta ? Au misérable retour de l’utrero ? Ne touchez pas au toro de lidia. »

 

Et ces dernières lignes ne vous font-elles pas songer à certains "spectacles" qui se sont déroulés non loin des sables méditerranéens ?

 

Merci, mon cher Éric de nous avoir permis de retourner nous rafraîchir à la source, source intarissable. 

 

Gilbert Lamarque

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LA SOLITUDE DE L' AFICIONADO

Publié le par Cositas de toros

    Je livre une nouvelle fois à votre lecture attentive ainsi qu'à votre réflexion d'aficionado un article paru dans les Chroniques du temps de la revue Toros N° 2038-39 du 16 décembre 2016 sous la plume de Manolillo.

Patrick.S

 

LA SOLITUDE DE L' AFICIONADO

 

    Curieuse évolution. Ce n'est pas nouveau, l'aficionado a toujours été minoritaire dans les enceintes. Mais il était respecté, voire admiré. Ne serait-ce qu'en raison de ses connaissances, présumées supérieures à celles du commun des mortels, le spectateur ordinaire. L'aficionado était, pour ce dernier, un référent, une autorité, qu'il se flattait de connaître quand, un jour, par hasard, le sujet taurin venait dans la conversation. Vous aimez les toros? Alors vous connaissez peut-être Monsieur un tel, un ami qui fréquente toutes les arènes de France et de Navarre, et même d'Espagne ! Stop. Les aficionados n'ont plus d'amis. Les goûts des toros ayant acquis, à l'air du temps, mauvaise réputation, il est interdit d'en parler à la légère. Il vaut mieux éviter de l'évoquer dans une conversation. La matière paraît-il, n'est pas neutre. Et comme, selon le philosophe Michel Foucault, il est impossible de penser en dehors du "discours" de son époque, la chose se présente mal pour l'aficionado qui, à bon droit, ose persister à vouloir raisonner comme avant, une époque heureuse où la neutralité du sujet taurin était vécue et partagée avec tous comme un signe de tolérance et de paix sociale. Ce qui n'est manifestement plus les cas aujourd'hui où règne l'intolérance et la lutte idéologique. Voilà le pauvre aficionado, ce paria, éloigné des salons et des conversations. Au fond, ce n'est pas bien grave, mais tout de même.

Plus ennuyeux, face à cet isolement vis-à-vis du monde extérieur, est celui de l'aficionado à l'égard du monde intérieur, celui de son aficion. Il est hélas, de moins en moins reconnu, ou simplement entendu, engendrant perplexité de sa part. Nous trouvant en fin de saison européenne, regardons du côté des statistiques.

Le Top 25 des éleveurs de la saison 2016, en France et Espagne, fait apparaître une victoire écrasante de l'élevage Nuñez del Cuvillo/N. de Tarifa, avec 205 animaux "lidiés", tous en corrida de toros, des bestiaux auxquels il a été coupé pas moins de 169 oreilles, soit 1,2 oreille pas toro. Ne faut-il pas voir là, l'apothéose d'un produit d'excellence devant laquelle il convient de tous s'incliner, ainsi que devant son créateur ? Certes il s'agit d'une belle réussite, issue d'un savant mélange de Marques de Domecq, Nuñez et Atanasio auquel a été ajouté un lot de Torrealta à partir de l'origine Osborne Domecq, mais elle sonne un peu comme les résultats actuels du baccalauréat. A récompenser tout le monde, la récompense ne veut plus rien dire , et ce sont sur d'autres critères que se fait la véritable sélection. Non, n'en déplaise aux contemplateurs de tout poil, l'élevage de Nuñez del Cuvillo, ou celui de Garcigrande/D.Hernandez, très recherché par le Gotha des piétons et qui arrive juste après avec 142 bestiaux et 97 oreilles coupées, ne représentent pas, pour l'aficionado, la panacée, ni ce qu'il attend de meilleur du toro de combat.

Que l'on se rassure, la solitude de l'aficionado n'entame pas la solidité de ses convictions. C'est peut-être, après tout, sa vocation principale, seul contre tous, de maintenir le cap dans l'époque troublée que nous traversons. Ce n'est pas la première fois que le combat de toros est attaqué. Y compris sérieusement comme aujourd'hui. Depuis la bulle du pape Pie V, jusqu'à la traversée des deux guerres mondiales malmenant le bétail brave au cours du XXe siècle, le cheminement de l'Histoire est là pour le démontrer. La corrida si elle repose sur des toros et des hommes différents à chaque époque, repose surtout sur des valeurs intemporelles qui constituent le véritable secret de la pérennité du spectacle taurin pour le siècle en cours. Spectateur éclairé, l'aficionado sait distinguer dans l'arène le faux du vrai, l'artificiel de l'authentique, le superficiel du profond. Il le fait naturellement non pas comme un gendarme ou un inspecteur, certains disent un gêneur, un empêcheur de tourner en rond, et même à tort suprême, un passéiste. Il n'en est rien. L'aficionado agit tout simplement pour son propre plaisir, qui ne serait pas le même s'il se portait sur un spectacle déficient, ou qui plus est frelaté. Et aussi pour prendre la parole, et parler haut et fort, quoi qu'il arrive. Par exemple pour dire que le toro bonbon ou la tauromachie bobo n'ont rien à voir avec l'animal roi des ruedos et le toreo grande. L'aficionado étant un sermoneur impénitent, il ne lui déplait pas, si besoin, de prêcher dans le désert.

Faisons le bilan : l'aficionado était minoritaire ; il est maintenant, en plus, isolé. Les temps sont durs, sans être dramatiques, la plus forte hémorragie ne se situe pas dans ses rangs : les clubs taurins au sein desquels il peut se regrouper sont toujours aussi nombreux. La foi tauromachique continue d'exister. Un fort exemple, la foi des éleveurs français de taureaux de combat. Ils restent enthousiastes en dépit des difficultés quotidiennes et des chiffres du Top 25. Voilà de vrais aficionados, minoritaires, isolés, mais actifs et convaincus. Une occasion pour dire qu'ils mériteraient plus de considérations de la part des organisateurs.

                                                                                          MANOLILLO

 

 

 

 

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OBJECTIF PRIORITAIRE : RECUPERER LA BRAVOURE

Publié le par Cositas de toros

OBJECTIF PRIORITAIRE : RECUPERER LA BRAVOURE

     C'est le titre d'un nouveau texte publié par Antonio Purroy dans lequel il parle de la nécessité de récupérer et d'augmenter la bravoure du taureau de combat.

C'est aux aficionados militants, aux organisateurs qu'il revient de persuader le public et tous les intervenants, des ganaderos aux toreros de revenir à ce taureau actif dans les trois tiers de la corrida afin qu'il soit porteur d'émotion.

Ce combat est celui de la dernière chance et il va être urgent de le remporter...

Ci dessous, l'article très intéressant de Antonio Puroy traduit dans la langue de Molière.

OBJECTIF PRIORITAIRE : RÉCUPÉRER LA BRAVOURE

     Nous sommes plongés dans des temps difficiles pour la Tauromachie, il n'y a pas d'autre remède que de veiller à la protéger. L'un des plus grands périls qu'elle rencontre aujourd'hui, ne vient pas de l'extérieur, il réside dans ses propres entrailles: le manque de bravoure et de race du taureau actuel, un animal qui passe dans le premier tiers, celui des piques comme un rayon traverse un cristal, sans le rompre ni le marquer. Après les banderilles, il charge dans la muleta d'une manière noble, répétée, fade et prédictible. La récupération de la véritable bravoure et de l'équilibre entre les trois parties du combat est absolument indispensable pour sauvegarder la Tauromachie.

Casta Vistahermosa :

    Constatation évidente, depuis plus d'un siècle les grandes vedettes qui ont dominé les spectacle, (au commencement c'était Guerrita, ensuite la paire Joselito/Belmonte et tous ceux qui ont suivi...) ont imposé la race Vistahermosa aux éleveurs de taureaux de combat parce que ce type de taureau était l'animal le plus complet et équilibré pour le combat, en effet, ayant été brave face au cheval, il arrivait à la muleta dans de bonnes conditions pour charger. C'est sans doute pourquoi nous retenons de l'histoire de la tauromachie du XXe siècle qu'elle est jalonnée de taureaux qui, en plus d'avoir été braves au cheval, ont été nobles dans la muleta.

La préférence du sang Vistahermosa est allée s'accentuant depuis les débuts du siècle dernier ce qui a conduit à ce que presque tout le bétail de combat actuel procède de cette race fondatrice. La race Jijona a pratiquement disparue; de la race Vasqueña, seuls restent très peu de troupeaux (et quelques traces d'autres) des races cabrera et Gallardo, nous savons ce qui demeure, et la caste Navarra se trouve désormais réduite à fournir des spectacles populaires... C'est une réalité obstinée avec laquelle nous devons lutter dans le présent et l'avenir.

Les ganaderos se sont installés dans cette réalité jusqu'à se fixer au tronc Murube-Ybarra-Parladé dont procèdent la grande majorité des troupeaux actuels, Parladé étant l'encaste le plus nombreux dans la branche Domecq, branche Domecq qui a dérivé à son tour pour produire de "nouveaux encastes", bien qu'ils soient tous considérés comme "encaste Domecq". La méthodologie presque parfaite de sélection (une séléction par ascendance, massale et par descendance) et les connaissances et l'aficion des éleveurs, les ont conduit à obtenir un taureau beaucoup plus noble que brave, comme conséquence de la pression asphyxiante de la "coterie taurine" et des connaissances insuffisantes du public, qui demande un animal ayant à peine besoin de l'épreuve des piques (d'ici à la disparition de ce tercio il n'y a pas loin) paisible et prédictible dans la muleta, et donc sans force et vigueur, permettant l'exposition d'un art sans émotion alors qu'il est connu que, dans la corrida, "l'art sans émotion n'est pas art". Parce que: où l'art du combat d'un taureau racé et difficile demeure-t-il comme disaient entre autres Domingo Ortega et Marcial Lalanda ? Adviendra-t-il que "l’esthétique nous submerge" comme craignait Unamuno ?

Bravoure versus noblesse :

    Il s'avère que dans la race de combat les améliorations du caractère "noblesse" sont plus lentes à obtenir que celles du caractère "bravoure", puisque celui-ci se transmet des parents aux enfants plus rapidement que celui de la noblesse, autrement dit, possède un plus grand coefficient d'héritabilité. Les éleveurs de brave ont eu beaucoup de mérite, parce qu'ils ont réussi dans les cinquante dernières années à faire un taureau beaucoup plus noble que brave, non par leur propre volonté mais par l"exigence de la demande du marché taurin. Bien sûr, ils ont travaillé avec une bonne matière première, puisque, comme indiqué, ils se sont trouvés pratiquement obligés de changer leur race originale pour celle de Vistahermosa, presque toujours par l'entremise de l'encaste Domecq.

Beaucoup d'éleveurs actuels pourraient retrouver le chemin de la bravoure et de la noblesse racée en peu de générations de leur élevage car ils ont des connaissances suffisantes pour cela. Il est plus facile de passer de la noblesse (plus ou moins racée) à la bravoure que le contraire. Essayer de maintenir seulement la noblesse est très difficile et peut conduire à une "mansedumbre" sourde et dangereuse, comme il s'en voit dans pas mal de ganaderias. Il s'agit de fabriquer un taureau plus équilibré, de bravoure intégrale, qui s'emploie dans les trois tiers du combat. C'est ce que préconisait l'éleveur J.P Domecq Nuñez de Villavicencio qui cherchait ce type de taureau intégral quand il a changé l'origine Vasqueño de son troupeau pourtant récemment acquis, pour la caste Vistahermosa par la voie Parladé/Conde de la Corte dans les années 30 du siècle dernier. Cet homme a été un bon éleveur et a eu une grande intuition de l'avenir de la tauromachie. Son fils Domecq Diez a assumé ce legs et a maintenu le cap fixé par son géniteur. Ce qu'il advint par la suite est bien connu.

Pour redresser la direction, il faut changer les règles du marché taurin et les préférences du public, aficionados inclus, pour demander un taureau brave et vrai, à la noblesse encastada qui irradie émotion et beauté durant le combat; il est logiquement nécessaire que les toreros qui commandent l'escalafon acceptent de les affronter. S'il n'y avait que ce type de taureau ils n'auraient pas d'autre solution que de s’annoncer avec eux et, de plus, l'offre serait beaucoup plus ouverte au reste des matadors. La responsabilité de diriger le grand public dans cette direction incombe aux aficionados, puisque, sauf exceptions honorables, il n'y a rien à attendre des médias.

Un grand écueil existe, cependant, pour ce faire, c'est la division parmi les aficionados puisuqe les dénommés "toreristas" ne seraient vraisemblablement pas favorables à ce changement. Il faudrait les persuader qu'il s'agit d'obtenir une nouvelle dose de bravoure, mais sans perdre l'essence de la noblesse. Et c'est le chemin que doit prendre la nouvelle tauromachie, dans le cas contraire, l'avenir de la Fête est en danger.Ceux qui aiment seulement l'art, dépourvu d'émotion, les taureaux nobles mais privés de sauvagerie et de puissance, devront accepter le retour d'un taureau qui n'aurait jamais dû disparaitre, un taureau capable d'endurer les trois tiers équilibrés du combat.

L'actuelle réalité est l'existence d'une majorité écrasante d'animaux de sang Vistahermosa, par la voie de l'encaste Domecq et ses différentes encastes dérivés. cette situation s'est installée dans les dernières décennies et il est très difficile de faire marche arrière, presque impossible. Avec ces bœufs nous aurons à labourer !

Et maintenant ?

     Aujourd'hui on ne peut pas biffer d'un trait de plume l'encaste Domecq qui inonde tous les coins du troupeau brave espagnol, mais oui, nous pouvons demander (exiger même) de revenir à la bravoure, de récupérer cette bravoure intégrale qui n'aurait jamais dû être perdue. La responsabilité des éleveurs propriétaires de cet encaste, dans ses différentes variantes, est très grande pour l'avenir de la Tauromachie.Il faudra demander le même travail aux éleveurs possesseurs d'encastes moins nombreux de nos jours, comme Murube, Ybarra/Saltillo, Nuñez,... pour qu'ils maintiennent ou reviennent au taureau brave et vigoureux, avec une noblesse encastada. Et aussi, naturellement, aux éleveurs d'encastes minoritaires (certains les nomment singuliers) en sérieux péril d'extinction, qui cherchent un taureau intégral et complet du commencement à la fin.

Il n'est pas admissible d'entendre que la vraie bravoure est celle d'un taureau qui, étant passé inaperçu à la pique, se met à charger dans la muleta de manière noble et prédictible. Ça pourrait être la vraie noblesse mais jamais la vraie bravoure. Débarrassons nous pour toujours de cette tromperie. Un taureau brave, plante sa tête dans le cheval, se grandit dans le châtiment, répète au moins la deuxième fois, attaque avec envie. Ensuite, se grandit dans les banderilles (des bouvets, comme on les appelaient anciennement). Une fois dans la muleta, répète les charges avec une noblesse sauvage qui transmet de l'émotion aux gradins et qui exige d'être maîtrisée par le torero pour créer art et émotion.

Ce type de taureau à retrouver, les éleveurs doivent l'obtenir à partir de la branche Domecq, parce qu'elle est clairement majoritaire dans l'élevage actuel. C'est, en plus, le taureau que les bons aficionados désirent, il faut parvenir à ce qu'il soit ainsi celui que le public demande de manière générale. Les gens ne reviendront dans les arènes que s'ils perçoivent risque et émotion exposés sur la piste.Les éleveurs qui s'engagent dans cette tâche se sentiront plus authentiques parce qu'ils élèvent le vrai taureau de combat. Les toreros en tireront aussi un avantage parce que seul l'affrontement avec un taureau brave et encastado donne un sens à leur profession. La satisfaction de pouvoir façonner un taureau après s'être imposé et l'avoir dominé et après avoir par surcroit créé de l'art jusqu'à émouvoir le public doit produire une sensation de bonheur indescriptible. Ainsi, ils n'auraient pas à demander que les taureaux leurs soient laissés crus aux piques dans les ferias importantes, où u triomphe a une grande répercussion. L'exigeante difficulté de toréer ce genre de taureaux limiterait le nombre de leurs prestations ce qui laisserait des places pour les toreros situés à des niveaux inférieurs de l'escalafon.

Et surtout c'est la Fête, elle même, qui en tirera avantage puisque, comme dit au commencement de cet article, la récupération de la bravoure et de la race du taureau de combat est la condition fondamentale pour sauvegarder la Tauromachie universelle.

Il n'y a que des avantages !

                                                        Antonio PURROY UNANUA

 

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UN DEMI-SIECLE DE MENSONGES (4)

Publié le par Cositas de toros

Le mensonge de l’alternative

 

Passé seize ans, n’importe qui peur recevoir l’alternative pourvu qu’il ait toréé un minimum de cinquante novilladas. Compte tenu de ce qu’il existe des accommodements avec le ciel, mais pas sur l’âge minimum.

L’alternative, ça signifie quoi ? Simplement, légalement que le titulaire est autorisé à combattre en public des toros de quatre ans et plus, seul ou en alternance avec des confrères également pourvus du titre de " matador de toros ". Et rien d’autre.

Par conséquent, prétendre que le récipiendaire est élevé à la dignité de " docteur en tauromachie " n’est qu’une immense ânerie abondamment colportée oralement ou par écrit par des étourdis ou des " répète-jacquot ". Des gens qui oublient qu’il n’est pas de Doctorat sans Thèse préalable, laquelle exige jusqu’à des années de travail incessant et approfondi. On ne saurait considérer les novilladas toréées comme thèse puisqu’elles ne sont qu’un apprentissage.

Docteurs en tauromachie, je vais en citer cinq pour ne pas remonter à l’ancien temps ni vexer personne d’aujourd’hui. Ce sont Luis Miguel Dominguin, Antonio Bienvenida,  Antonio Ordoñez, Paco Camino et El Viti. J’en oublie, volontairement. Leur thèse est venue non avant, mais après l’alternative. Elle consiste dans le fait d’avoir figuré dans les cartels des grandes ferias pendant plus de dix ans sans que jamais leur compétence professionnelle soit mise en doute. Le voilà, le test irréfutable. Toutes les autres voies conduisent au monton.

Ce qui me confirme dans mon idée que l’alternative n’est tout au plus qu’un Certificat d’Aptitude Professionnelle. Oui, le bon vieux CAP. Et encore ! Si l’on faisait le décompte des alternatives frustrées et des amères déceptions on aboutirait à un total effrayant. Tous ces fracasados : que sont-ils devenus ? Difficile de parler de doctorat dans ces conditions.

Maintenant, revenons au point de départ :

…para el torero, veinticinco.

Puisque l’âge moyen de l’alternative se situe entre dix-huit et vingt ans, un matador ne peut aspirer à faire carrière que s’il continue de figurer dans les cartels durant cinq à dix ans. Cinq ans étant un minimum. L’âge de vingt-cinq ans, celui de la mort tragique du grand Joselito, symbolise l’homme accompli, ou encore l’âge à partir duquel le torero réunit en sa personne le maximum de potentialités : vigueur physique, intelligence, expérience, sang froid. C’est ce que signifie le proverbe. Raison pour laquelle, en effet, on n’en finira jamais avec cette rengaine !

 

 

Défaitisme ?

 

Les critiques qui précèdent sont-elles la manifestation de ce que l’écrivain anglais P.D.James appelle " le cynisme grincheux des vieillards " ? D’un trop vieil aficionado atrabilaire et désabusé ? Signifieraient-elles enfin que la Fiesta Brava s’achemine vers sa propre parodie qui la menacerait de disparition en tant qu’épreuve de vérité ?

Que je sache, rien de tout ceci n’est exact. Non seulement je ne suis pas défaitiste mais je sens encore l’Aficion grandir en moi comme un végétal qui enfonce dans le sol des racines nouvelles et envoie vers le ciel des rameaux verdoyants.

Si j’ai mis en relief un certain nombre de mensonges, ou de ce qui s’y apparente, qui s’étalent sous nos yeux au point qu’on cesse parfois d’y prêter attention, c’est afin d’inciter les aficionados à ne point se laisser leurrer ; à maintenir intactes leur clairvoyance et leur vigilance afin que ne soit pas dénaturée cette tragédie multiforme qui fait l’objet de notre passion.

A côté des errements visibles au grand jour il en est d’autres en coulisse, je ne l’ignore point, mais dont je ne saurais parler car je ne fréquente pas le mundillo. Le bilan ci-dessus est déjà suffisamment éloquent ; inutile d’en rajouter.

Des réformes, des redressements sont possibles, sans aucun doute. Les uns viendront d’eux-mêmes car les modes changent ; d’autres seront suscités par l’action verbale ou écrite de l’Aficion. Exemple : siffler vigoureusement un matador au moment où il brinde son toro au public pour le motif que son picador avait au préalable massacré l’animal, voilà qui donnerait à réfléchir et ferait tache d’huile. Même chose pour la pétition d’oreille. On conçoit que dans des situations semblables l’attitude et l’action des membres des sociétés taurines seraient déterminantes.

Inversement, toute démonstration de sincérité et de vérité mérite d’être encouragée, applaudie et même, s’il y a lieu, acclamée. Rien ne va jamais tout à fait comme on le souhaiterait dans une corrida : les temps forts alternent parfois avec les erreurs ou les défaillances, incidents compréhensibles lorsque des vies humaines entrent en jeu. Raison de plus pour soutenir l’effort pour la vérité.

Ainsi, il n’y a pas de mensonges aux banderilles parce que c’est une épreuve de vérité. A partir du moment où un homme seul affronte un toro bien vivant et bien mobile toute idée de fraude disparait d’elle-même. Et lorsque la maladresse et la panique rendent le tercio pitoyable ne voit-on pas combien évidente devient cette vérité ?

Il n’y a pas de mensonge lorsqu’un torero charge la suerte. Du fait même qu’il avance ainsi dans le terrain du toro il assume en toute lucidité un surcroît de risque, parce qu’il sait que de cette forme de provocation dépend la domination à laquelle il aspire.

Il n’y a pas de mensonge dans l’exécution de l’estocade, étant entendu que le bajonazo et le golletazo ne sont pas des estocades mais des coups défendus. S’agissant d’une mise à mort correcte ou acceptable il n’y a plus de place pour le mensonge, même si elle résulte plus ou moins atravesada, résultat d’un cuarteo un peu trop prononcé et pas forcement volontaire. Que le matador ait franchi la corne ou qu’il soit resté sur la face l’engagement physique est réel et le regard fixé sur le point d’impact ignore le trajet de la corne droite.

Ne serait-ce que pour ces motifs la pérennité de notre aficion est justifiée.

 

El Tio Pepe

 

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