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belles feuilles

UN DEMI SIECLE DE MENSONGES (3)

Publié le par Cositas de toros

Vérité et mensonge du brindis

 

Le brindis est l’hommage que le matador fait du toro qu’il va tuer à une personne un groupe de personnes ou au public. Le Règlement oblige le matador à brinder la mort de son premier toro en premier ou unique lieu au Président de la corrida parce que cette personnalité représente (en Espagne) ou est censée représenter l’Autorité, ou même la Loi, avant la corrida au long des formalités préliminaires, pendant la corrida et après elle jusqu’à ce que les acteurs le public et toutes les personnes concernées aient évacué le cirque.

Hormis cette formalité, le brindis est facultatif. Rien n’oblige un matador à offrir à qui que ce soit la mort de son second toro ; rien, non plus ne l’oblige à ôter sa montera pendant le troisième tercio. Antoñete et Luis Fransisco Espla l’on bien montré récemment.

Par conséquent, il va de soit que le brindis  implique une obligation morale, faute de quoi il ne signifie rien. Il s’agit, il me semble, d’un acte solennel, parfois émouvant, destiné à honorer la ou les personnes jugées dignes de le recevoir. L’offrande est matérialisée par le geste du matador remettant sa coiffure entre les mains de la personne distinguée, ou bien la déposant sur le sol au centre de l’arène.

Quelle obligation morale ? Evidemment celle de déployer toutes les ressources du courage, du savoir-faire, de l’art que l’on porte en soi pour tenter de réduire, de dominer, d’estoquer conformément aux règles du code de l’honneur le toro ici présent. Quitte à engager sa propre vie pour prix du triomphe espéré.

Cela arrive. Et même assez souvent. Je rappellerai pour exemple le très beau brindis d’Ortega Cano aux peones de toutes les cuadrillas présentes le 31 mai 1988 à Madrid. Le brindis fut salué avec émotion par les toreros et par le public, mais tel quel, il n’était qu’un prélude. Le plus difficile, maintenant, restait à faire. Promesse tenue : la faena a été très belle et l’estocade magnifique. Voilà une oreille bien gagnée. Nous gardons tous en mémoire des minutes aussi vibrantes : de tels moments sont inoubliables.

Evidemment, tout dépend du toro. Jusqu’à ce qu’il soit dominé, vaincu, c’est lui qui reste maître de la situation. A moins qu’il n’ait étalé au cours des deux premiers tercios des qualités de bravoure et de noblesse telles que le brindis s’imposait comme allant de soi. Tel ne fut pas le cas le 25 mai 1988 à Madrid lorsque le sympathique Emilio Oliva crut de son devoir de brinder à la mère du roi ce mulet notoire qu’était le sixième toro de Benitez Cubero. Mission impossible. Cela finit sous les sifflets parce que cela ne pouvait pas finir autrement. Le type même de l’erreur d’appréciation.

Mais la naïveté, en soi, n’est pas risible. Par contre, ce qui est irritant c’est la constatation que les jeunes coletudos actuels ne paraissent pas avoir compris la portée et le symbolisme du brindis. On brinde au public à tous propos et hors de propos, et rien dans l’attitude de l’exécutant n’indique qu’il est prêt à se faire mettre les " tripes à l’air " pour honorer son engagement virtuel. Ni qu’il possède la compétence suffisante pour imposer sa loi au toro.

Cette sorte de brindis est un mensonge.

 

 

Mensonges du troisième tercio

 

Il faut d’abord dire un mot au sujet de la muleta qu’utilisent les toreros actuels. Lorsqu’on examine des photos d’avant-guerre le premier détail qui saute aux yeux c’est la dimension réduite de la muleta, celle qu’utilisaient Lalanda, Ortega et tous les grands toreros de l’époque. C’est avec ce petit drapelet que les héros de notre jeunesse accomplissaient leurs prouesses. Un seul torero faisait exception : Nicanor Villalta. L’Aragonais de haute taille et au long cou faisait confectionner des muletas nettement plus étoffées, c’est le cas de le dire. On disait : la muleta-drap de lit. Il s’en servait pour dessiner, à Madrid, sa plaza privilégiée, ses fameuses passes en rond, ancêtres des redondos actuels. Lesquelles, jointes à ses grands coups d’épée, lui valurent de couper environ 35 oreilles dans cette plaza (record du monde toujours debout). Et pourtant, la muleta de Villalta n’atteignait pas les dimensions de celles des toreros d’aujourd’hui, lesquelles frisent le ridicule.

Mensonge plus éclatant : l’usage communément répandu de l’épée postiche, de bois peint ou d’aluminium. Usage qui ne laisse pas d’étonner les nouveaux-venus parmi les spectateurs qui demandent : Pourquoi change t’il d’épée ? Même l’attestation médicale préalable est tombée en désuétude. Presque plus personne ne torée en soutenant l’épée véritable depuis la disparition de Paquirri. Sauf Galloso qui a pu ainsi estoquer a recibir son premier toro de Miura le 21 juillet 1988 à Mont de Marsan.

Cette épée factice, il faut bien expliquer aux jeunes aficionados que c’est encore l’une des séquelles de l’époque de Manolete. Ce qui pouvait à la rigueur être admissible sous contrôle médical, par suite d’une blessure est désormais tombé, si j’ose dire, dans le domaine public. Et comme les novilleros singent les matadors de cartel ils en font autant.

C’est grotesque, insupportable et la plupart du temps nuisible. A qui fera-t-on croire que le plus difforme, le plus souffreteux des toreros de tous les temps, Juan Belmonte, a pu garder en main tout au long de sa carrière l’épée d’acier alors que les jeunes athlètes actuels ont besoin de l’épée factice « pour ne pas fatiguer leur poignet ». Pauvres chéris, comme je vous plains !

Et c’est nuisible car, faut-il le rappeler, si le toro a été correctement lidié et toréé il vient un moment où de lui-même, il s’offre à la mort. Laisser passer cet instant privilégié faute d’avoir en main l’épée véritable n’est rien d’autre qu’une faute professionnelle. Les conséquences, le gazapeo, la difficulté de cadrer le toro, on les connait par cœur. Peu importe. Ces Messieurs s’obstinent parce qu’ils sont bêtes et que les gens de leur entourage ne le sont pas moins. Attrape ça au vol.

Mensonge également le toreo de profil. Je n’en nie pas l’utilité lorsqu’on a  affaire à un toro difficile, d’embestida incertaine, corneando ou punteando. Le cite et la passe profilés peuvent, c’est certain, faciliter la prise de contact dans une proportion que j’estimerais à un quart environ de la faena. Mais une faena complète exécutée uniquement de profil (tel Manzanares le 11 septembre 1988 à Dax) ce n’est pas du vrai toreo ; c’est faire des passes sans toréer. On peut le regarder mais on n’est pas obligé d’applaudir.

Et que dire du « toreo culero » comme disent avec humour les sévillans ! La tradition, l’honneur aussi pour un homme, pour un torero, c’est de se présenter face au toro, ou tout au moins de trois-quarts, qui est la position la plus commode pour toréer. « Con dos huevos p’alante » comme l’a rappelé opportunément Claude Pelletier. Alors, présenter son derrière au toro au lieu de son devant c’est comme suggérer des idées qui font frémir un homme du sexe masculin. Comprenne qui pourra. De toute façon, ce n’est pas de la tauromachie puisque jamais un toro ne sera toréé, dominé par ce procédé. Avec tous mes regrets pour Pedrez, El Cordobes, Damaso Gonzales et ejusdem farinae (de ma même farine).

 

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Suite : Le mensonge de l’alternative et le défaitisme, le vendredi 23/03

 

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UN DEMI-SIECLE DE MENSONGES (2)

Publié le par Cositas de toros

Nocivité du toreo de cape actuel

 

Le toreo de cape n’est point altéré par quelque pratique mensongère puisque l’homme seul sort au-devant du toro. Il n’en recèle pas moins des inconvénients que nous allons nous efforcer de mettre en lumière.

Nous allons partir d’un postulat qui ne manquera pas de susciter l’hilarité de bien des personnes, mais peu importe. On trouve naturel et nécessaire qu’un athlète s’adonne à des exercices de décontraction ou d’échauffement, ou de concentration avant l’effort. Considérez ce toro qui a mené une vie paisible, pratiquement exempte d’efforts des années durant ; qui n’a jamais couru autrement que les rares fois où cabestros et vaqueros l’y ont contraint, lui et ses frères, mais si peu ; qui somnole dans un local obscur, le chiquero…et soudain la porte s’ouvre sur la lumière, sur un monde inconnu, effrayant.

Le toro brave en quête de sa liberté se précipite de toute sa force, de toute sa vitesse, de tout son élan vers une chose qui a bougé. Si fort qu’on dirait une explosion. Sans préparation, sans échauffement. Ne serait-il pas soumis aux mêmes lois que les humains ?

Et que se passe-t-il ? Au lieu qu’un peon cape tenue d’une main, indique un long voyage aller et retour à l’animal au moyen de largas qui tempèrent l’élan de la bête en échauffant ses muscles (ne pas oublier que larga en espagnol signifie long), c’est le matador qui freine le premier élan du fauve par une véronique nécessairement courte puisque la cape est tenue les mains basses. On voit alors le toro bravo faire un bond en l’air, se retourner en plein élan, on entend son souffle énorme, on entend même parfois « crujir les huesos » (craquer les os), étrange musique qui fait jubiler les aficionados espagnol lorsqu’il s’agit de réduire un toro rebelle, au troisième tercio, sous l’effet de passes de châtiment mais cruellement intempestives s’agissant d’un bicho tout neuf, tout cru. C’est le massacre qui commence. Car, des véroniques de cette sorte, à plus forte raison si le matador a du talent , l’artiste va en enchaîner cinq ou six à la file, avec comme remate la demi-véronique qui est, elle, par définition un recorte. Pour peu que, selon la mode nouvelle, le matador intercale quelques chicuelinas (autre recorte) dans ce bouquet, le toro aura déjà presque reçu sa ration de châtiment. Et plus il sera brave, plus dure sera l’épreuve. Toutes les parties motrices sont lésées, et aussi les reins, la colonne vertébrale. Etonnez vous, après ce traitement, que l’animal fléchisse sous la pique ou sitôt après.

Je n’aime pas le toreo les mains basses. Je lui reconnais un certain cachet artistique mais il est néfaste et antinaturel. Il oblige le toro à courir tête baissée dès la sortie du toril, transformant ainsi le but du toreo de cape initial, qui est de discipliner la charge de la bête et de lui enseigner à obéir à un leurre, en passes de châtiment.

Or, pour le châtiment on aura recours au tercio de piques, aux banderilles et aux passes de muleta. Accessoirement, la cape peut être utilisée à cet effet mais seulement dans le cas où on a à faire à un toro particulièrement récalcitrant lors de son entrée en piste ou lorsque la muleta est inefficace. Rien à voir donc avec les passes d’accueil.

Pour qui connait son histoire de la tauromachie, on observe que depuis les temps lointains de Pedro Romero jusqu’à la guerre civile tous les maestros ont toréé de cape non point en guidant le toro de l’horizontale vers le bas, mais de l’horizontale vers le haut. C’est peut être là l’explication du fait qu’avant 1939 je n’ai jamais vu un toro faire la vuelta de campana alors qu’elle est si fréquente aujourd’hui.

Pour moi, la véronique idéale, légère, aérienne, restera celle de Chicuelo, mais depuis j’ai souvent observé que les grands capeadors de l’ère moderne tels  Curro Romero, Julio Robles tiennent leur cape à mi-hauteur avec une tendance à élever légèrement la main qui torée. C’est le procédé correct.

Le toreo de cape les mains basses est une invention du malheureux Gitanillo de Triana aux alentours de 1928. A force de l’imiter, c’est devenu une mode et beaucoup de gens s’imaginent à l’heure actuelle que c’est ainsi qu’on doit toréer, mais ce qui était à la rigueur possible quand le toro avait des pattes est tout à fait contre-indiqué aujourd’hui.

Un jour viendra où un torero de premier plan reprendra la bonne coutume d’élever légèrement la main qui torée avec la cape. D’autres prendront exemple sur lui, et, à partir de ce moment, peut-être les toros tomberont moins.

 

Mensonges du premier tercio

 

On se bornera à rappeler que le premier tercio, ou tercio de piques, a pour but de réduire l’agressivité du toro, condition nécessaire pour que les étapes suivantes de la lidia puissent se dérouler normalement ; d’affaiblir son train moteur afin de calmer sa vélocité initiale ; de concentrer sa force physique pour attaquer en ligne droite le leurre qui lui sera présenté ; enfin et surtout de régler son port de tête en sectionnant sur une petite surface quelques uns des muscles releveurs de la tête situés dans le morillo et sa partie postérieure.

La pique est donc un instrument tranchant et par conséquent susceptible de produire des lésions importantes si elle est manœuvrée par un professionnel surpris, maladroit voire malintentionné.

Avant la guerre, la pique à rondelle manipulée par des brutes aussi habiles que cyniques pouvait ouvrir des brèches spectaculaires dans le cuir de l’animal, ou encore pénétrer profondément dans les chairs à la grande indignation des aficionados. Motifs pour lesquels on a remplacé la rondelle par la cruceta. L’expérience montre que grâce au procédé du " pompage" ou encore par un jeu de bascule sur la hampe il est possible soit d’infliger au toro une blessure relativement importante, soit de faire pénétrer l’une des traverses de la cruceta sous le cuir de l’animal (il arrive que le toro s’enfuie, emportant la pique entière qui échappe à la main du picador parce que la cruceta est restée coincée sous la peau) .

Il y a donc un premier mensonge dans l’utilisation de cette arme redoutable.

Allons plus loin. Lorsque la sensiblerie anglo-saxonne n’avait pas encore envahi le continent, l’aspect du tercio de piques était tout différent. Le picador, juché sur une vieille rosse étique, ne pouvant se fier à la résistance de sa monture sous l’assaut du toro, ajustant autant que possible son coup de pique et, penché sur la hampe, s’efforçait de contenir l’élan de la bête et de protéger son cheval. C’est parce qu’ils étaient capables de réaliser cet exploit au triple point de vue équestre, athlétique et taurin que de grands picadors comme Badilla et Agujetas sont à jamais célèbres.

De nos jours, protégés par le caparaçon, le cheval va devenir un acteur, certes non point consentant, du déroulement de la lidia, mais capable de s’adapter à une situation peu confortable, d’inventer une tactique défensive insoupçonnée. Grâce à quoi un cheval de picador peut survivre à cinquante corridas et peut-être davantage.

Ceci étant, on remarquera au passage que la tauromachie n’avait jamais été conçue pour qu’un toro de lidia s’épuise à attaquer, soulever, chavirer un mastodonte de ce calibre. Entre le concept ancien, traditionnel, et cet aspect moderne du premier tercio, le déphasage est évident, et pour tout dire mensonger. De surcroit, le peto actuel aggrave la situation.

Accueilli par l’Aficion avec soulagement qui ôtait définitivement la mauvaise conscience aux âmes sensibles le peto, ou caparaçon, rendu obligatoire en 1928, a incontestablement humanisé le drame taurin.

Le temps aidant (et aussi le laxisme des autorités) on a fini par tomber dans une exagération insupportable. Les premiers caparaçons, modèles Heyral ou Arteaga, protégeaient le ventre et l’avant train du cheval et, cette protection d’un poids approximatif de 25 Kg avec une tolérance de 5 Kg pour rapiéçage était suffisant. Il est vrai que les toros faisaient souvent culbuter les pauvres haridelles et qu’ils leur infligeaient rarement des blessures au cou. C’était là le prétexte suffisant pour que les fournisseurs de chevaux trafiquent le matelas protecteur, allongent le plastron et la jupe, allant jusqu’à envelopper le train arrière, et même, à ce que j’ai entendu dire, jusqu’à camoufler un blindage métallique sous le tissus épais. Vrai ou pas, une chose est certaine : Le règlement des corridas est bafoué et le mensonge est devenu flagrant. Bien sûr, il existe un accord tacite, mais improuvable, entre les picadors syndiqués et les fournisseurs de chevaux, précisément parce que grâce au caparaçon truqué le métier de picador est devenu infiniment moins dangereux qu’autrefois.

Mensonge, fraude, truquage, tricherie…ces mots  sont faibles. Il faudrait ici la prose dionysiaque de Claude Pelletier pour coller une étiquette vengeresse à cette funeste pratique appelée la carioca. Laquelle consiste à fermer au toro toute issue possible tandis que le picador appuie de tout son poids, et de la force de son biceps, sur l’orifice creusé par la pyramide coupante. On dit couramment qu’une pique de cette sorte vaut trois puyazos d’avant 1939. Peut-être bien. Souvent la pique unique constatée de nos jours n’a pas d’autre origine, sabotage pur et simple du premier tercio. Nous pouvons regretter que des diestros, par ailleurs souvent remarquables, sabotent littéralement le tercio de piques systématiquement réduit à l’unique, interminable avec ce bétail de caste, carioquée, tournicotée, avec sortie impossible malgré les simagrées péonesques et des maestros. Ce qui en clair, implique la complicité tacite ou préméditée des matadors dans cette apothéose de la fraude au vu et au su de milliers de spectateurs. Si j’osais, je dirais que c’est tout de même un peu fort qu’un type puisse impunément, au mépris du Règlement, signifier au public : «Vous êtes tous des cons et je vous emmerde ! ». C’est pourtant ainsi que les choses se passent, même à Madrid. La plus saine des réactions consiste à réagir aussi brutalement qu’il agit. Par des sifflets et par une sévère engueulade.

Il subsiste encore des tercios de piques qui sont menés dans les règles et, généralement leur auteur est applaudi pendant et après leur besogne.

Malheureusement, si de tels faits d’armes sont mis en relief c’est bien parce que ce qui devrait être banal est devenu inhabituel. Il y a toujours eu de bons et de mauvais picadors, mais ce n’est pas là qu’est le mal. Il faut le chercher dans la certitude que les bons picadors sont également capables d’accomplir les pires méfaits en raison même de leur dextérité, et en service commandé. L’expérience nous enseigne que la majorité des varilargueros, une fois ajustée la gregoriana, enfilée la casaquilla et empoignée le castoreño ferment la porte de la chambre d’hôtel en oubliant ou en omettant d’emporter avec eux leur conscience professionnelle. Comme il faut bien vivre, ils la laissent à l’abri dans la pénombre avant d’appliquer servilement les instructions du matador, leur patron, leur employeur dont on craint jusqu’au froncement de sourcils car, d’un simple geste, il peut vous renvoyer. Donc en cas de mauvaise conduite du picador il ne faut pas hésiter à rendre son matador responsable et le traiter comme il le mérite.

C’est pourquoi je trouve légitime qu’un Président refuse une récompense (du moins celle qui dépend de lui) à un matador malgré sa réussite si le tercio de piques a été saboté.

 

Suite : Vérité et mensonge du brindis, mensonges du troisième tercio, Lundi 19/03

 

 

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UN DEMI-SIECLE DE MENSONGES (1)

Publié le par Cositas de toros

Mensonge sur l’âge du taureau

Para el toro, cinco años ; para el torero, veinticinco.

On n’en finira donc jamais avec cette vielle rengaine qui nous ramène aux temps préhistoriques ? (c’est tout ce qui existe avant la naissance de notre propre aficion, n’est ce pas ?...Présentement disons de Pedro Romero à El Viti…)

Et bien, non. Malgré les apparences, on n’en finira jamais.

C’est pourquoi l’âge du toro et celui du torero retiendront notre attention.

  

 « Chassez le naturel, il revient au galop. » C’est un peu ce qui est entrain de se produire à propos du toro de lidia, lentement mais d’une manière inexorable

Je me réfère à la période 1925-1939 et j’affirme qu’en dépit d’imperfections que nous dénoncions avec vigueur (pique à rondelle, toros terciados, vogue éphémère du stylisme…), considérée dans son ensemble, la corrida était plus loyale, plus dramatique, plus proche de sa vérité qu’elle ne l’est aujourd’hui. Un seul détail confirmera tout un ensemble : au moment où le matador s’armait de sa muleta et de son épée personne ne pouvait deviner ce qui allait se passer, ni comment. Plus rétif (bronco), infiniment moins souple, le toro (ou le novillo) de l’époque était la figuration vivante de l’incertitude. Il n’existait pas, il ne pouvait exister de faenas préfabriquées, et les derechazos de profil n’avaient pas encore fait leur apparition. Nos amis, nos maîtres bienveillants mais lucides, nous avaient enseigné les noms que doit porter le toro aux divers stades de sa vie, à savoir : añojo (veau de l’année), eral à un an, becerro à deux, utrero à trois, novillo à quatre et toro à cinq ans. C’était, depuis deux siècles, la nature des choses, donc de la croissance de l’animal. Voici que jusque dans les actes législatifs cautionnés par la Union de Criadores l’âge officiel du toro est maintenant de quatre ans. Mensonge estampillé par l’autorité. On a délibérément escamoté l’utrero pour passer directement du becerro au novillo dont l’âge légal est désormais de trois ans, avec sanctions à l’appui si la preuve est faite qu’on a imposé à des novilleros des animaux ayant dépassé cet âge. Des conflits ont surgi récemment à ce propos.  

Le frauduleux tour de passe-passe relatif à l’âge réel du toro n’est nullement le résultat d’une évolution stimulée par l’usage de plus en plus répandu des piensos spécialement étudiés  et élaborés selon le but recherché. En fait il ne pouvait pas y avoir évolution ; tout au plus, effectivement, une augmentation spectaculaire du volume de l’animal et une accélération de la poussée dentaire. Mais à l’intérieur, le squelette est demeuré identique et aucun stratagème ne peut avoir pour résultat ,de faire d’un utrero, un novillo baptisé toro. Car c’est l’utrero adelentado (entre 3 et 4 ans) qu’on a vu lidier en corrida formelle trente années durant.

A cette supercherie sans précédent se sont prêtés les gens de l’entourage de Manolete à partir de 1939 (alternative), puis par une pente inévitable, l’ensemble de la faune qui fricote dans le mundillo : toreros, apoderados, empresas, ganaderos, sordidement encensés par une Presse Taurine vénale. Du côté des toreros, même Marcial Lalanda, Domingo Ortega, les Bienvenida, les Dominguin sont passés sous les fourches caudines, et pour affronter son rival Manolete, Pepe Luis Vasquez a dû lui aussi toréer des utreros. La pénurie de ganado, conséquence de la guerre civile a servi de prétexte (puis d’alibi à mesure que le temps passait !) à cette tricherie.

1940-1960, c’est l’époque minable où l’on ose écrire : « On n’a jamais toréé mieux qu’aujourd’hui » plutôt que « On n’a jamais si bien afeité des innocents ». Peu  à peu, deux camps se sont formés et affrontés. Le clan manoletiste avec ses profiteurs de tout acabit et celui des aficionados, les vrais, écœurés de tant de tromperies, indignés jusqu’à la nausée de l’exaltation monnayée des fausses valeurs.

L’abcès mûrissait lentement mais sûrement. Et soudain, comme un coup de tonnerre dans le ciel tourmenté, l’énergie de Maurice Figère s’imposa à l’attention des congressistes rassemblés à Séville (septembre 1966). Notre compatriote déposa sur le bureau du congrès une résolution tendant à l’obligation du marquage au fer rouge sur l’épaule droite du torito du dernier chiffre de l’année de naissance. Non seulement la résolution fut votée par le Congrès mais elle fut officialisée en 1968 par le Gouvernement espagnol. La situation, naturellement ne c’est pas améliorée du jour au lendemain, mais enfin c’est ainsi que nous avons fini par être délivrés de cette vérole. Et c’est ainsi également que des aficionados sérieux qui avaient pris leurs distances vis-à-vis de la Fiesta ont repris le chemin des arènes. Depuis, je crois aux miracles.

Maintenant, où en sommes-nous ? Inutile de s’attarder sur les multiples précautions et contrôles de caractère administratif, sans aucun doutes on ne reviendra pas aux errements d’un passé récent. L’Aficion a remporté une grande victoire et ses artisans ont droit à notre reconnaissance.

Reste l’afeitado. Il représente à lui seul un mensonge colossal puisque les ganaderos certifient sur l’honneur, par écrit, que l’armure des toros livrés est intacte. Or, tout le monde sait que cette fraude n’a pas disparu. On en a parlé suffisamment et en tout lieux ; inutile d’insister sur ce fléau. Malgré les protestations et les menaces de sanctions on afeite encore un peu partout et cette répugnante pratique aura la vie dure car il y a trop d’intérêts en jeu. C’est dire que le retour à la normale n’est pas pour demain. Pour qui sait lire entre les lignes, la phrase suivante est pleine de sous-entendus : « Dans le Ferias de Bayonne et de Dax les toros sont moins tombés ou presque pas ; ils ont mieux attaqué (embestido) et on peut même dire qu’ils sont sortis avec des défenses plus astifinas. » (Revue espagnole toros 92, N°29 août 1988.) Ces quelques mots valent mieux qu’un long discours. Ils signifient notamment que si la vigilance des organisateurs de spectacles taurins en France a porté ses fruits, le moindre relâchement serait exploité à nos dépens.

 

Suite: Nocivité du toreo de cape actuel et, mensonges du premier tercio, Mercredi 14/03.

 

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Un demi-siècle de mensonges

Publié le par Cositas de toros

En cette période hivernale, je soumets à votre lecture un article paru dans la revue TOROS portant le N°1342-43 du 18 décembre 1988 écrit par le célèbre revistero EL TIO PEPE.

Cette publication me paraît être très intéressante au moins à deux titres : Primo, sur le plan de l’histoire de la tauromachie, elle a le mérite de  recadrer certains points oubliés ou ignorés, et secundo, elle met le doigt sur certains travers ou certaines dérives de la Fiesta Brava, qui pour les plus jeunes aficionados peuvent paraître "La Norme ".

Cet article est très long et, afin qu’il ne soit pas trop rébarbatif, je l’ai scindé en quatre parties qui seront publiées à quelques jours d’intervalle.

Prenez le temps de le lire jusqu’au bout, il m’étonnerait beaucoup que vous n’appreniez pas quelques choses ou que cela ne vous rafraichisse pas un peu l’Aficion.

Bonne lecture à tous.

 

Patrick SOUX

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1939-1989

par EL TIO PEPE

 

A Messieurs les Présidents

des Peñas, Clubs et Cercles Taurins,

 

Vous allez me trouver, Messieurs, bien hardi d’oser ainsi vous interpeller dans vos fonctions et les responsabilités qu’elles comportent. J’invoquerai comme excuses mon âge et plus de soixante années d’expérience en la simple qualité d’aficionado. Une si longue approche de la chose taurine confère inévitablement, modestie mise à part, une certaine compétence, et, par libre jeu de réflexion, conduit à une certaine hauteur de vue.

L’idée m’est venue de vous suggérer un thème de réflexion, et, ensemble, de vous apporter quelques éléments propres à vous faciliter la mise au point d’un exposé ; également, la réponse à des questions prévisibles.

Au long de mes trente années de pérégrinations au sein des sociétés taurines à l’occasion de conférences, il m’a été donné de constater que pour bon nombre d’entre elles, l’Assemblée Générale annuelle se décompose en plusieurs parties ; les unes d’origine statutaire et d’autres de caractère éducatif, à l’initiative du Président ou du Bureau, théorique ou pratique, avec pour souci de ne jamais perdre de vue la forme éducative de votre activité. Parallèlement à ceux que poursuivent les revues taurines, vos efforts ont abouti à un résultat correct : l’Aficion française est à l’heure actuelle la première de toutes (Madrid et Séville à part). On le mesure, ce résultat, à l’étonnement admiratif des critiques taurins espagnols de plus en plus assidus à nos Ferias, aux reportages écrits et télévisuels, enfin au nombre croissant de leurs compatriotes sur nos tendidos.

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Suite: Mensonge sur l'âge du taureau  Samedi 10/03

 

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GUIDE DU TERCIO DE PIQUE, Edité en 1895

Publié le par Cositas de toros

   Pour clore notre dossier sur « l’Art de la Pique », nous vous offrons en lecture ce texte au charme désuet mais très instructif, didactique, précis et plein d’enseignement sur la pratique à la fin du XIXe siècle.

Ces lignes issues d’un ouvrage de 1895, sont l’œuvre de « Gil Drae » et « Mosca », guide imprimé à Nîmes à l’ « Imprimerie Taurine ».

                                                                    

                                                                                       Gilbert LAMARQUE

« Premier Tercio »

...

         «  … incertain. Le Picador ne saurait trouver de salut que dans la force de son bras et dans la précision de sa pique.

  Toutefois il attend avec placidité.

 

  Le cheval est quelquefois sacrifié. Trop souvent au gré de tous il reçoit de déplorables blessures. On doit se résoudre à son sort en le considérant comme une machine de guerre propre seulement à aider au triomphe de l’Homme, partageant ses dangers, jouant jusqu’au bout son rôle de sacrifice, subissant la conséquence d’une alliance fatale ; mais il est du devoir du picador de défendre autant qu’il peut son compagnon de bataille. Sa gloire est complète si, après le combat, le toro vaincu fuyant la pique, il peut, campé en triomphateur sur son cheval indemne, caracoler sous les bravos.

  Le mérite principal de la suerte de vara (combat à la pique) est donc d’empêcher que le toro n’arrive jusqu’au cheval, le blesse ou le tue.

 

  Qualités du picador. - Du coup d’œil et du sang-froid sont indispensables pour mener à bien cette tâche difficile. Le coup d’œil permet de juger le toro, le sang-froid aide à exécuter avec précision la suerte qu’un jugement certain impose et à improviser au besoin une défense appopriée.

  Le picador doit être sûr de son poignet et de ses muscles. Ses forces ne le servent pas seulement contre le toro, elles lui permettent aussi de se délivrer du cheval en cas d’accident. Il doit pouvoir résister à la fréquence des chutes ; ses lourds vêtements ne doivent pas lui causer de gêne.

  Cavalier consommé, le picador doit avoir les jambes puissantes, l’assiette solide et une bonne main gauche pour diriger son cheval.

  Le picador doit être, en outre, respectueux des règles établies. A moins de commettre une faute grave, il ne saurait abandonner sa pique aussi longtemps qu’il en peut faire usage. S’il est désarçonné, la seule ressource qui lui reste, c’est de se garantir de son mieux, en dirigeant sa chute en avant du cheval ; il peut de cette façon, si le toro s’allume au carnage, se faire un bouclier du col de sa monture. Il faillirait gravement en se laissant choir du côté de la croupe la tête en arrière, et serait d’ailleurs, en cette posture, gravement compromis.

  Le picador ne doit avoir recours à la barrière qu’à la dernière extrémité. Il ne doit jamais s’en approcher. Cette règle est d’ailleurs toute à son avantage ; car un toro lancé à fond de train peut éviter la pique et le picador acculé, ne pouvant modifier sa position, serait infailliblement perdu.

 

  De l’état du toro pendant la suerte de vara. - Le succès du picador dépend au premier chef de la sûreté de son coup d’œil. Les toros, en effet, ne chargent pas tous de la même façon.

  Boyantes (vaillants). - Ceux-là, dès leur entrée en lice, fondent sur le premier picador qui s’offre à leur vue ; après plus ou moins d’insistance ils obéissent au fer, et, prenant leur sortie, piquent droit sur un autre cavalier. La défense est avec eux facile et le travail brillant. On dit qu’ils sont durs s’ils poussent au fer, mous s’ils se plaignent du châtiment.

  Pegajosos (acharnés à frapper). - A l’encontre des premiers, les toros pegajosos résistent à la pique, refusent la sortie indiquée et, s’acharnant au centre de la suerte, cherchent le corps avec les cornes. Leur attaque est redoutable au bras trop faible pour les retenir.

  Toros que recargan (qui reviennent à la charge). - Dangereux entre tous sont les toros qui rechargent. Sous la pique, ils bondissent et semblent devoir prendre leur sortie, mais ils reviennent à la charge avec une nouvelle impétuosité et, s’efforçant de passer entre la pique et le cheval (colarse suelto), ils portent avec obstination des coups réitérés.

  Certains toros, après avoir senti la pique, s’élancent à nouveau ; mais au lieu de baisser la tête pour frapper, donnant ainsi prise au fer, ils s’irritent et portent haut. On dit alors qu’ils s’allument au fer. Il n’est pas de bras pour résister à leur choc. Le picador, pour éviter une blessure, n’a plus qu’à se laisser choir entre les cornes ; soulevé dans cette posture, il court la chance de ne pas être blessé.

 

  La vara, ou pique, longue de 3m 50 environ, est armée à son extrémité d’un fer triangulaire affilé à la lime, dont la longueur varie suivant la saison. Pendant les mois d’avril, mai, juin et octobre, le fer a 25 millimètres de long et 15 millimètres à la base ; dans les mois de juillet, août et septembre, ces dimensions sont de 23 millimètres pour la longueur et 16 millimètres de diamètre à la base. Après ce fer est une boule d’arrêt, dite citron, à cause de sa forme.

  Chaque picador choisit deux piques la veille de la course, et les marque à son nom ; il n’a droit à se servir d’autres piques qu’autant que les premières viennent à se rompre.

  Il doit y avoir en réserve cinq chevaux pour chaque toro, nonobstant ceux que l’autorité peut accorder, sur la demande du public. Le picador a le droit de choisir sa monture et de refuser celle qui ne lui paraîtrait pas offrir des garanties de résistance suffisantes.

  Un picador, dit picador de réserve, armé et en selle, se tient dans le couloir du toril, prêt, en cas d’accident, à prendre dans l’arène la place d’un de ses compagnons.

  Invariablement, dans toute suerte de vara, un torero seconde le cavalier ; c’est à l’espada ou à son sobresaliente que ce soin est dévolu (quite).

  Le cheval s’offrant de face, le terrain du toro est à la gauche du picador ; le torero qui doit faire le quite occupe le terrain que découvre le cavalier, en donnant sa sortie au toro

  Le picador doit piquer en los rubios, c’est-à-dire entre les deux omoplates, au milieu de cette protubérance qui orne le cou du toro et qu’il découvre complètement en humiliant. Toutes les piques placées là avec précision sont bonnes. Le maronazo, qui déchire la peau et fait une large blessure, est défectueux.

 

 

    § II. - DIVERSES SUERTES DE PIQUE

 

  Dans la plupart des suertes de vara, le picador cite le toro. Dressé sur ses étriers, la face changée, il brandit sa pique dans un cri, et l’on ne distingue dans ce visage sombre que le troi noir de la bouche et l’éclat féroce des yeux. Puis, sa pique en arrêt, tous les muscles tendus, il attend le choc. 

 

  Piquer à toro levantado. - Cette pique s’exécute à la sortie du toril, alors que le toro, dépourvu d’expérience, est en possession de toute sa fougue et porte haut.

  Le succès dépend en grande partie de la franchise de l’animal ; aussi, ne l’exécute-t’on qu’avec les toros boyantes ou levantados.

  Le picador se place en face du toril, le flanc droit de son cheval parallèle à la barrière, laissant entre elle et lui un espace de 4 mètres ; le toro surgissant de sa loge ne peut manquer de l’apercevoir et de l’attaquer de prime abord. Arrivé par la gauche, le toro, pour que la suerte soit impeccable, doit incliner vers la droite et prendre sa sortie entre la barrière et le cheval. Cette suerte peut se décomposer ainsi : au moment du choc, le cheval se tient immobile, dans une ligne sensiblement parallèle à la barricade et au toro. Au moment où le picador découvre au toro son terrain de sortie, il place son cheval perpendiculairement à l’axe du corps du fauve maintenu parallèle à la barricade. Voici comment manœuvre le picador : le fer engagé, sans cesser de peser sur la pique pour maintenir le toro immobile et cornes baissées, il déplace son cheval, en laissant pivoter sur ses pieds de devant d’un quart de cercle sur la gauche, dans la direction du centre de la place. Le cheval, qui naguère faisait face au toril regarde maintenant la barrière et le flanc droit du toro. Loin de maintenir le toro comme au début de la collision, alors qu’il le recevait de face poitrail contre garrot, le picador, placé un peu en arrière et perpendiculairement au fauve, l’oblige à prendre sa sortie le long de la barrière, en précipitant sa marche en avant par une pesée plus violente. Si le toro refuse la sortie et se retourne, il trouvera le picador lui présentant le flanc droit de son cheval, en garde prêt à piquer.

  Si, à la deuxième attaque, le cheval est blessé, et s’il y a une chute, le picador peut tomber entre le cheval et la barricade ; sinon, continuant son mouvement, il vient se ranger parallèlement à la barrière, la pique tournée vers le centre de l’arène. Avec des toros pegajosos, le picador doit piquer avec la plus grande violence et charger sur le bois de toute sa vigueur, afin de faire violemment humilier le fauve. C’est le moment qu’il choisit pour croiser son cheval, en sorte qu’au moment où il relève la tête, le toro découvre nettement sa sortie et ne voit pas le cheval.

 

  Piquer le toro en su rectitud (dans son axe). - Cette pique s’effectue avec un toro un peu fatigué (parado). Elle est plus difficile que la précédente, parce que le toro s’attache plus au corps.

  Le picador est placé perpendiculairement à la barrière, lui tournant le dos. Le toro, sur la même ligne, lui fait face, ayant derrière lui le centre de la place.

  Arrivé de face, le toro, pour que cette suerte soit parfaite, doit, sous l’effort de la pique, prendre sa droite et lorsque le picador s’est effacé, accepter sa sortie dans cette direction, entre le cheval et le centre de la place.

  Cette suerte peut se décomposer en deux mouvements principaux :

  1° Au moment du choc, poitrail contre garrot, le picador est placé sur la même ligne que le toro, perpendiculairement à la barrière ;

  2° Au moment où le picador découvre son terrain de sortie au toro, il range son cheval par le flanc gauche, dans une ligne relativement parallèle à la barrière.

  Voici comment manœuvre le picador : il cite le toro ; le fer engagé, contrairement à ce qu’il fit dans la suerte précédente, sans cesser de peser sur la pique, il déplace, en le faisant lentement pivoter sur ses pieds de derrière, l’avant-train de son cheval d’un quart de cercle sur la gauche, dans la direction de l’extérieur de la place. Le cheval, qui naguère faisait face au centre de l’arène, est maintenant parallèle à la barrière. Le toro forçant sur la pique, en même temps que tourne le cheval, s’est complètement déplacé. Le picador d’une pesée continue lui repoussant l’avant-train, lui a fait décrire un quart de cercle à droite, à l’intérieur du centre de la suerte, dans la direction de la tête du cheval. De telle sorte qu’au moment où il lâche prise, cheval et toro se trouvent en quelque sorte flanc à flanc. Dans ce mouvement, le cheval pivote sur ses pieds de derrière, en déplaçant son avant-train d’un quart de cercle vers l’extérieur de la place, tandis que le toro pivote, au contraire, sur ses pieds de devant, en déplaçant son arrière-train de la même quantité, dans la même direction. Cheval et toro sont en quelque sorte liés par un pont de contact immuable : le fer de la pique, sommet d’un angle mobile, dont les côtés se rapprochent de plus en plus. Ce mouvement correctement effectué, la tête du cheval est un peu en arrière de l’avant-train du toro qui, ne voyant plus son adversaire et poussé en avant par la pique, prend la sortie qu’on lui découvre nettement.

 

  Piquer atravesado (par travers). - A une certaine distance, le cheval, placé parallèlement à la barrière, présente le flanc droit au toro. Arrivé de face, le toro doit prendre sa gauche et accepter sa sortie dans cette direction, entre le cheval et le centre de l’arène. Le cheval ne change pas de position ; pour sortir de la suerte, il se défile parallèlement à la barrière.

  Le picador attend, pour placer la pique, que son adversaire le serre de près et qu’il humilie. Le fer engagé, se tournant légèrement et se penchant sur la selle, il s ‘efforce, en lui repoussant l’avant-train d’une pesée continue, de faire décrire au toro un quart de cercle àgauche, à l’intérieurdu centre de la suerte, dans la direction de la queue du cheval. De telle façon qu’au moment où, poussant sa monture, il lâche prise, cheval et toro se trouvent flanc à flanc, mais au contraire de la suerte précédente, tête bêche. Les deux adversaires, emportés par un élan simultané mais inverse, se disjoignent pour fuir dans une direction opposée.

 

  Piquer a caballo levantado (cheval cabré). - Le picador croise son cheval (le place perpendiculairement à l’axe du toro), un peu sur la gauche.

  Arrivé de face, le toro doit, sous l’effort de la pique, conserver sa ligne droite et passer, pour et trouver sa sortie, sous le ventre du cheval.

  Voici comment manœuvre le picador :

  Au moment du choc, il pique fortement et maintient le toro tête basse aussi lontemps que ses forces le lui permettent. Sous la pesée de ce bras, le toro ne peut relever que progressivement la tête. Bientôt les cornes du toro arrivent à la hauteur de l’épaule du cheval. Le picador, à ce moment précis, joue de l’éperon et tire sur le mors du cheval qui se cabre. Penché sur la selle, dans un suprême effort, il pousse en avant le toro et l’oblige, en l’accompagnant de sa pique, à passer sous ce pont de chair vivante. Le cheval pirouette sur ses pieds de derrière et se rétablit. Le picador ne s’occupe plus du toro, qu’un torero retient en l’occupant de sa cape. Luis Chardo et Pablo Cruz excellaient dans cette suerte périlleuse entre toutes. Mais c’étaient là deux maîtres picadores, et les montures dont ils se servaient étaient vigoureuses et de bouche sensible. »

 

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