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belles feuilles

L’ART DE LA PIQUE (2)

Publié le par Cositas de toros

 

 

LE PICADOR

ET SA MONTURE

 

Considérons avec attention les protagonistes de la première suerte d’une corrida.

 

Le cheval : On utilise de nos jours des chevaux de forte corpulence qui n’ont plus la ressemblance avec ceux utilisés à la fin du XVIII ème siècle, qui étaient des chevaux de petite taille, généralement de race andalouse.

Depuis déjà plusieurs décennies, le cheval du picador n’est plus la victime d’un sacrifice comme le croient certains ou comme d’autres l’imaginent.

Il est devenu le fruit de l’évolution de sa fonction, dressé et habitué aux chocs qu’occasionnent le toro de combat lors de leur confrontation, même si en certaines circonstances, des affrontements violents se produisent.

Il n’y a plus de comparaison avec certaines scènes de boucherie qui se déroulaient en piste avant la mise en vigueur de la protection que l’on retrouve aujourd’hui appelée « caparaçon » et qui, lui aussi, c’est amélioré depuis 1927.

Cette protection est faite d’une solide toile non transperçable et rembourrée de coton, fixée et compartimentée par des pompons rouges, des lanières de cuir permettant son ajustage et sa fixation sur le cheval, son poids ne devant pas dépasser 30 Kilos. Le cheval une fois pourvu de son caparaçon règlementaire sera équipé d’une selle et de son harnachement. Un large étrier de métal (estribo ou desquilla) est monté sur le côté droit et rappelle l’étrier arabe.

Le cheval, animal sensible et peureux, subira une pratique devenue courante qui consiste à lui administrer un calmant avant la corrida. On lui bouchera les oreilles avec du papier journal pour l’isoler des bruits extérieurs. Son œil droit sera porteur d’un bandeau de couleur rouge.

Toutes ces opérations sont effectuées dans le but de lui permettre d’accomplir correctement sa besogne.

Le maniement du cheval se pratique en rênes d’appuis, c’est la façon de le conduire d’une seule main, la gauche. Seul l’éperon gauche sera utilisé pour le diriger, il faudra vérifier s’il est sensible de la bouche et s’assurer de ses aptitudes à répondre aux commandements. Certains chevaux peuvent être refusés par les vétérinaires. A cet effet, on leur perfore l’oreille gauche, signe distinctif de rejet afin de plus être utilisés comme monture de picador.

Le Picador : Le picador est un torero à cheval, survivance de l’époque lointaine où, combattre le toro à cheval avec la lance était un apanage de la noblesse. Par la suite, la lance deviendra « Rejon » dans un cas, puya dans l’autre.

Le picador est habillé d’une veste analogue à celle des toreros à pied (chaquetilla) pouvant être indifféremment brodée d’or, d’argent ou de jais. Il est coiffé d’un chapeau de feutre de castor (castoreño) très épais, à calotte rouge et à larges bords, orné d’un pompon de couleur. Ce chapeau est muni d’une jugulaire (barboquero).

Son pantalon est en daim de couleur jaune. Sa jambe droite est protégée par une botte cuissarde articulée appelée « mona » ou « gregoriana » du nom de son inventeur Grégorio GALLO. La chaussure gauche est une chaussure à bout renforcé et semelle de fer, surmontée d’une guêtre de même métal.

Depuis déjà de nombreuses années, le picador est devenu un subalterne aux ordres de son maestro qui doit être, aux yeux du public, le seul responsable dans l’art et la manière d’effectuer ce tercio fondamental qu’est la suerte de  piques.

Prochaine parution : Le déroulement du tercio Lundi 22/01

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L’ART DE LA PIQUE (1)

Publié le par Cositas de toros

 

 

Par Patrick SOUX

Trouvé dans une bibliothèque taurine  bien fournie, aménagée et très bien organisée, un texte composé de trois chapitres :

  • La pique et son montage
  • Le picador et sa monture
  • Le déroulement du tercio

Coécrit par Jean LICHAIRE et Christian CARTOUX avec des illustrations signées Jacques MICHEL, publié avec l’aimable autorisation de l’union des clubs taurins fédérés nîmois édité par Arles CA en 1988.

Je soumets à votre lecture ces trois chapitres très intéressants. Une « conclusion » faite de remarques personnelles étayée par des textes de revisteros reconnus conclura cette publication.

Aujourd’hui :

 

LA PIQUE

ET SON MONTAGE

 

La pique est l’arme spécifique utilisée par le picador. Son rôle principal est d’entailler le cuir du Toro, de provoquer une blessure qui doit saigner abondamment, car la zone où elle doit théoriquement pénétrer est très vascularisée.

La pique comporte deux parties : L’arme proprement dite, « la puya » et la hampe en bois « le palo » sur laquelle elle est assujettie.

La pointe de la pique est en acier spécial à faible proportion de chrome pour permettre un affutage à la pierre à eau, précis et de grande qualité.

La forme de la puya a évolué comme la corrida avec le temps.

                                                                                             

 

 

De 1791 à 1917 fut utilisée la pique dite « citron » dont le buttoir en corde avait la forme de ce fruit.

 

 

 

 

 

 

 

Jugée trop dévastatrice, elle fut remplacée par la pique à rondelle (garde de forme ronde de 7 cm de diamètre) dont les effets furent parfois aussi destructeurs que ceux de ces devancières…

 

 

 

 

 

1962 vit l’apparition de la pique actuelle, qui elle aussi semble avoir besoin d’être légèrement modifiée. Actuellement sa pointe est pyramidale à trois faces (20 mm de base). Les trois arêtes de 29 mm de longueur sont excessivement tranchantes, un gabarit (escantillon) permet de vérifier ces dimensions. La base de cette pyramide repose sur un butoir en bois formé de trois parties qui se juxtaposent parfaitement. L’ensemble est maintenu par une cordelette enroulé en spirales  serrées et recouverte de vernis.A la base de ce butoir se trouve une garde fixe en acier appelée  « cruceta » dont le rôle est d’empêcher que la puya ne pénètre trop profond dans le morillo du toro.

La pointe pyramidale de la puya utilisée en novillada a une hauteur inférieure de 3 mm à celle utilisée en corrida.

La hampe « palo », généralement en bois de hêtre doit, selon le règlement, être légèrement gauchie, ce qui n’est pas toujours le cas.

Fransisco GOMEZ  PAQUIRO discipline l’action des subalternes dans l’arène et notamment celle des picadors très libres jusque là. Il leur retira entre autre la pique longue (vara larga) pour les doter d’une plus courte encore en vigueur aujourd’hui.

La longueur palo + puya sera comprise entre 2.55m et 2.70m. Les puyas sont groupées dans une caisse en bois qui comporte 18 compartiments séparés et envoyées par le fabricant à l’union des criadores de toros de lidia à Madrid pour être vérifiées et contrôlées.

Si elles sont reconnues conformes lors de ce contrôle, cet organisme apposera sur le buttoir de cordelette vernis, une bande de papier portant son cachet, la date de vérification et le numéro de chaque puya. L’inscription sera en rouge pour les piques utilisées en novillada et en noir pour celles devant être employées en corrida de toros, attestant ainsi que la puya est règlementaire et de bonne qualité. Un certificat récapitulant les numéros des 18 puyas contenues dans une caisse sera joint à l’intérieur de celle-ci. La caisse sera plombée pour éviter toute fraude.

En principe, le matin de la corrida, les picadors procèdent au montage des piques. Ils choisissent les hampes par ordre d’ancienneté dans la profession, ils les personnalisent par l’inscription de leur nom sur la partie haute. Ce montage s’effectue dans certaines arènes à la vue du public, en tous cas, toujours en présence du délégué aux piques désigné par l’autorité. Le délégué, en présence des picadors rompt les scellés, ouvre la caisse, vérifie les numéros des piques qu’elle contient avec ceux du certificat joint. Les picadors peuvent alors, par ordre d’ancienneté, choisir leurs puyas et procéder au montage de celles-ci sur les hampes qu’ils ont préalablement choisies.

Le règlement prévoit la façon de monter lapuya sur le palo ; il précise : « L’on veillera à ce que l’une des trois faces de la pyramide formant la pointe reste tournée vers le haut, c'est-à-dire coincide avec la partie convexe de la hampe » (« el hilo a bajo »…), qui règlementairement doit être légèrement gauchie. Une explication est donnée pour justifier ce montage « afin d’éviter d’arracher la peau du toro ».

Pour assurer un meilleur contact entre le bois du palo et le métal de la puya , on peut utiliser des lamelles de papier journal, certains picadors mettent un clou pour assujettir complètement l’ensemble, mais ce n’est pas une obligation.

Une fois l’opération de montage terminé, le picador doit présenter ses piques au délégué. Si celui-ci reconnait que le montage est correct et conforme aux prescriptions du règlement, il donne son accord et le picador met un capuchon protecteur sur la pointe de chaque pique ; Dans le cas contraire, le délégué doit l’astreindre à se conformer au règlement. Les puyas montées sur les palos et vérifiées sont groupées et mises dans un placard fermé à clé. La clé sera conservée par le délégué ou le président de la corrida.

Avant la course, les piques sorties du placard seront disposée sur un râtelier dans le callejon à la vue du public, à une distance de 6m minimum de la porte des chevaux et sous la surveillance du délégué pendant le déroulement de la corrida.

La pique doit être remise au picador par une employé de l’empressa qui la reprendra à la fin du tercio.

 

Prochaine parution : Le picador et sa monture vendredi 19/01.

 

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L’HABILE ETUDIANT DE FALCES, eau-forte de 1815, planche n°14 de LA TAUROMAQUIA DE GOYA / CHICUELINA DE CRISTOBAL REYES à RISCLE le 5 août 2017.

Publié le par Cositas de toros

 

 

eau-forte de 1815, planche n°14 de

LA TAUROMAQUIA DE GOYA

 

 

 

                          

 

CHICUELINA

de Cristobal REYES 

à RISCLE, 05 Août 2017

 

 

Grand amateur de tauromachie, GOYA déclarait en 1771 à son ami le poète MORATIN : « Dans mon temps, j’ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main. »

La Tauromaquia est une série de trente trois gravures exécutées entre 1815 et 1816, qui retracent toutes les étapes des courses de taureaux. Cette œuvre fait suite au manuel publié par le torero PEPE HILLO en 1796, qui résumait l’évolution de l’art de toréer en Espagne. Un projet que Goya avait lui-même en tête depuis 1777, mais qu’il ne mit en œuvre que très lentement.

Amateur de courses, il rencontra dans le « haut » monde les toreros les plus célèbres. Mais c’était déjà le passé à l’époque où commence sa série nouvelle. La Tauromaquia est donc aussi un hommage nostalgique à une période de splendeur abolie.

La série de gravures nous montrent avec vivacité et précision les moments de la lutte entre le taureau et le torero, le plus souvent saisis avec puissance, l’arène divisée entre la lumière et l’ombre, alors que l’animal et l’homme s’affrontent dans un jeu à la fois spectaculaire et intensément dramatique.

Dans La Tauromaquia, GOYA a mis en lumière ces forces élémentaires, primaires qui sommeillent, cachées sous les conventions du civilisé, forces que font éclater les révolutions et qui, chez l’Espagnol, sont toujours à fleur de peau.

      … Et voici l’histoire et l’anecdote de notre étudiant de Falces :

Dans ses gravures, GOYA fera allusion à des héros, mais des héros réels, à des lutteurs dont ses contemporains ont gardé le souvenir. MORATIN, parlant de toreros fameux par leur jeu de cape, écrit : « Le très habile licencié de Falces y fut sans rival. » A cette mention, le peintre a pu joindre les souvenirs oraux de vieux amateurs. Ce fameux licencié est un personnage parfaitement historique. Il s’appelait Bernardo ALCALDE y MERINO et était originaire de Falces, bourg de Navarre, où il était né en 1709. Certains historiens du toreo le tiennent pour prêtre (peut-être seulement séminariste) entre autres D. José de DAZA qui, parlant du licencié dans un traité de 1778, écrit : « Dans les excellences et fantaisies en ce qui regarde les taureaux, aucun habile homme des autres régions d’Espagne ne l’égale ». Que fait donc ce « fameux licencié » qui a peut-être reçu les ordres ? GOYA nous le dit par le titre de sa gravure : L’habile étudiant de Falces, drapé de sa cape, se joue du taureau sans défense. Que ce qu’il représente soit entièrement conforme au vrai, nous en trouvons la confirmation dans un classique de la littérature taurine, D. José GOMARUSA. Dans sa lettre apologétique* de 1793, celui-ci décrit l’épisode représenté par GOYA. « Il déjoua – dit-il du licencié de Falces – plusieurs fois le taureau sans sortir du cercle qu’il avait lui-même tracé sur l’arène et cela, sans se dégager de sa cape rejetée sur son épaule. » Ce qui suppose, non seulement du courage, mais la parfaite connaissance de ce que les amateurs appellent « les terrains ». La renommée du licencié fut durable et encore à l’époque de GOYA, célébrée par D. José de la TIXERA, ami et collaborateur de PEPE HILLO.

Techniquement, GOYA améliore une légère esquisse en la traitant à l’eau-forte. Cette planche est évidente de vraisemblance et de précision, les détails nous en donnent une idée.

Le dessin pour la gravure est au Musée du Prado entre : « Un cavalier espagnol en place brisant des banderilles sans l’aide des chulos » et « Le fameux Martincho posant des banderilles al quiebro. » Respectivement, planches n° 13 et 15.

 

Francisco de GOYA y LUCIENTES, né près de Saragosse à Fuendetodos en 1746, mourra en exil à Bordeaux, le 16 avril 1828.

 

Voici comment d’un simple instantané original pris dans les modestes arènes de Riscle, Cristobal REYES, non moins modeste mais valeureux novillero, nous a rappelé par cette chicuelina enroulée, « le licencié de Falces » et nous a immergé dans l’Histoire et l’Art tauromachiques.

Et vuelta très fleurie au photographe !

 

*Lettre visant à défendre, à justifier une doctrine.

                                     

                                                                          Gilbert LAMARQUE

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CADEAU DE NOEL

Publié le par Cositas de toros

 

LA RÉVOLTE DU TAUREAU

 

 

 Aujourd’hui, nous vous offrons en guise de cadeau de Noël, un poème d'André MONTAGARD (Illustrations Henry COUVE),  extrait d'un recueil intitulé:

 

LA FIESTA DU SANG.

 

 Ce recueil a été écrit à l'intention de Paul RICARD, édité aux éditions BENDOR et achevé d'imprimer sur les presses des DISTILLERIES RICARD Sainte-Marthe à Marseille le 01 décembre 1956.

 

                                                                                               Patrick SOUX

 

 

 

                     Réponse du Taureau de Combat à ceux qui le plaignent de mourir dans l’arène

 

Pourquoi me plaignez-vous ? Quel transport vous anime

Et pourquoi de douceur vouloir fleurir mes pas ?

Merci d’avoir pour moi cet élan magnanime,

Mais gardez vos bontés, Messieurs je n’en veux pas !

 

Pour les agneaux bêlants, pour les brebis peureuses,

Et tous les animaux par vous domestiqués,

Réservez vos faveurs, vos pitiés généreuses,

Moi, je suis un taureau, Messieurs, vous vous moquez.

 

Mon frère malheureux, castré, veule, et stupide,

Le bœuf, trainant sa peine à longueur de sillon,

Et ruminant sa honte et son rêve torpide,

Plaignez-le de subir le joug de l’aiguillon.

 

Moi, je suis l’étalon farouche et prolifique,

Sûr de sa race forte et de sa liberté,

Balayant de mes crins mon torse magnifique,

Je promène au soleil mon ardente fierté !

 

Je suis le roi puissant de la lande sauvage,

Mon sourd mugissement fait courber les roseaux,

Et sur le sol rugueux que mon sabot ravage,

L’herbe rare s’enflamme au feu de mes naseaux.

 

 

Ce qu’il me faut à moi, c’est l’ampleur de l’arène,

Voir dans ma furia rouler les picadors,

Et tournoyer au vent de la grâce souveraine,

Des banderilleros et des toréadors.

 

C’est la foule enivrée, excitant mon courage,

Hurlant "Bravo toro" quand je fonce éperdu,

Et, quand sous la capa que je foule avec rage,

J’écrase un matador par ma corne étendu.

 

Dans le scintillement rutilant des épées,

Et dans le flamboiement pourpre des muletas,

Je veux mourir l’œil plein de visions d’épopées,

Aux cris des hidalgos et des señoritas.

 

Et j’irais, grâce à vous, sans panache et sans lutte,

Garrotté lâchement, la bricole en sautoir,

Tomber sous le marteau dégradant d’une brute,

Dans le silence morne et froid d’un  abattoir ?

 

Allons Messieurs, épargnez moi ce ridicule,

N’insultez pas ainsi mon orgueil sans remords,

Quand le lion lui-même à mon assaut recule,

Au prix de votre sang veuillez payer ma mort !

 

Et ne me blâmez pas d’aborder la bataille,

De préférer périr par un coup d’espada,

Affrontant seul à seul un héros de ma taille,

Honneur au torero ! Gloire à la Corrida !

 

 

 

 

Nous vous souhaitons à tous, de passer d'agréables fêtes de Noël dans la joie et le partage.

 

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LA MORT DU TAUREAU DE COMBAT DANS L’ARENE

Publié le par Cositas de toros

Aujourd’hui,une publication du Docteur Sophie MALAKIAN-VERNEUIL, parue dans une tribune du Midi-Libre le 09 août 2015.

Sophie MALAKIAN-VERNEUIL est vétérinaire, spécialisée dans la dentisterie équine et dans l’ostéopathie cognitive, elle a vécu dix-huit ans en Guadeloupe où elle a pratiqué la médecine et la chirurgie des animaux de compagnie, ainsi que des animaux de rente.

Revenue en France métropolitaine depuis quelques années, elle exerce dans l’Oise. « Mon expérience de vétérinaire m’a permis d’en apprendre beaucoup sur les animaux et leurs comportements. Ma passion pour les animaux depuis mon plus jeune âge m’a donné une vision non anthropomorphique de l’animal et sa psychologie, et une vision pragmatique de sa place dans notre société, ce qui ne m’a pas empêché de garder un grand amour et un grand respect pour la cause animale dont je reste une fervente et sincère défenseur ». Dans une tribune, Sophie MALAKIAN-VERNEUIL livre une lecture personnelle et originale de l’art tauromachique et de son principal acteur, le taureau de combat.

 

                                                                                                    Patrick SOUX

 

Arène

Il est entré. Noir. Lourd. Dangereux. Rapide. La force faite animal. Il court sans savoir vers quoi, vers qui. Un mouvement, dans le coin de son œil, lui indique que le danger vient de là, et il charge, brave, fait face. Une masse de muscles, des cornes, la bête est dangereuse. Cette force et cette agressivité en font un minotaure dont on pourrait croire un instant qu’il est invincible. Il s’arrête et tente de comprendre de quel danger il s’agit. Où ? Quoi ?

Dans son lexique des dangers, rien ne ressemble à ça. Mais dans sa bravoure, son instinct sait déjà qu’il va devoir combattre un ennemi inconnu jusque là. Une sorte d’animal très coloré, dont les ailes roses et jaunes virevoltent et l’agacent.  C’est sûr, c’est là qu’il faut frapper. Il baisse la tête, s’élance, les cornes prêtes à broyer du rose. Arrivé de l’autre côté, il sait qu’il a réussi, il l’a encorné ce volatile, il a senti son odeur, fait voler ses ailes. Il se retourne pour contempler sa proie. Que diable ! Pas de traces de sang, pas de signaux de détresse, pas de cri de souffrance ni d’agonie.

"Cet animal est vraiment surprenant ! "

Ne se laissant pas décourager par l’étrangeté de ce combat, la bête s’élance à nouveau, plus vite, plus déterminé à en finir avec cette chimère. Et encore, et encore. Chaque fois c’est le même scénario. Le taureau se rapproche, commence à connaître cette odeur. Un mélange de sueur animale et d’autre chose, inconnu ; mais au fil de ce corps à corps, il finit par reconnaître cette odeur là, celle qui le galvanise. L’odeur de la peur, l’odeur de la proie qui sent le danger. Plus rien n’existe autour, il n’entend plus rien du bruit de la foule qui réclame le sang, acclame la bravoure et se délecte de la violence. Plus rien d’autre que cette odeur, cet adversaire se résume à cette émotion, car c’est la seule chose qui lui soit familière ici: la peur.

Les charges se transforment en combat rapproché, mélange de sueur et de tissus qui le frôlent et volent, mais jamais rien au bout des cornes. La bête s’épuise à chercher la chair, mais à chaque fois elle ne trouve que du tissu. Dans ce monde inconnu, une seule certitude, une seule option : combattre, jusqu’à la mort.

Il est né avec cette connaissance. Il porte en lui toute la bravoure et la force de l’Andalousie, il est né pour combattre. Ses cornes pointues le prouvent, ses muscles saillants, le prouvent. Son ardeur au combat, fait partie de son existence. Il ne peut en être autrement. Ça fait maintenant de longues minutes que dure ce combat, les forces de l’animal commencent à baisser, et toujours pas une goutte de sang en face. La bête s’est arrêtée, essoufflée, elle sait que sa force ne suffira pas. Elle regarde encore cet adversaire qu’elle ne comprend pas. Il lui tourne le dos et s’en va en marchant, lentement, fièrement.

L’odeur familière a disparu, faisant place à une nouvelle odeur, inconnue : celle de la vanité. Et voilà qu’il revient, il lui fait face. Il a troqué ses ailes contre deux cornes pointues et orange qu’il brandit vers l’animal, signe que le combat doit reprendre. "Cette fois-ci je vais l’écrabouiller" se dit la bête en chargeant à nouveau l’homme. Mais au bout de sa course folle, il n’y plus de doute, l’adversaire est plus fort, toujours aussi impassible. La morsure des pointes plantées dans sa chair, en atteste. C’est le premier sang versé, avec son cortège d’adrénaline, qui lui donne la place de proie et non plus de prédateur.

Encore la poussière, encore la sueur, encore le sang rouge comme le tissu et la chaleur écrasante du soleil qui hier encore caressait son cuir. Soudain, dans cet enfer, un éclair de lumière. Dans une dernière tentative d’encorner son adversaire, la bête aperçu cet éclair du coin de l’œil, et c’est la fin.

Au fond de ses entrailles, l’éclair est venu se planter, le mal est rentré dans sa chair, et la déchiquète de l’intérieur. Son cœur qui bat la chamade vient s’y déchirer à chaque battement, à chaque mouvement. Un genou dans le sable, puis deux. La tête se repose enfin. Pendant que lentement l’esprit vaillant quitte ce monde, on découpe une oreille de cette carcasse, qui, il y a quelques minutes encore, était une bête pleine de vigueur et de force. Le public applaudit le courage du toréador, et célèbre la vaillance de ce taureau qui a combattu jusqu’au bout. Il quitte cette terre sous les applaudissements d’une foule venue observer cette brutale nature, et ce courage qu’elle n’a pas. L’existence de ce taureau qui prend fin sous nos yeux, nous donne une leçon. L’arène s’est transformée en théâtre de la vie. Ceux qui refusent de la voir ainsi, useront leur salive dans un inutile plaidoyer contre ce qu’ils nomment « la cruauté humaine », croyant défendre une cause qu’ils ne comprennent pas, une nature dont ils ignorent tout.

Dans ce monde où s’affrontent les idées, où les écolos combattent les aficionados, où ceux qui se prennent pour les défenseurs de la cause animale s’élèvent avec force contre ces pratiques et cette tradition, on oublie de regarder l’animal pour ce qu’il est.

Ces amoureux de la nature, ne regardent pas la nature elle-même, mais l’image qu’ils veulent en voir. Ils ne regardent pas l’animal, mais un prolongement d’eux même, imaginant que respecter un animal, c’est le traiter comme un être humain. Ils s’imaginent dans l’arène, comme au temps des gladiateurs, avec leur vision d’un monde sans violence, désarmés face à un adversaire redoutable. Le combat entre le taureau et le torero, ne se résume pas à une comparaison entre les armes, il ne se résume pas non plus à la justice, ou à la violence de la situation, ni même à l’utilité des traditions de notre monde. La sauvagerie est animale, le combat côtoie partout la vie animale.

La nature originale n’existe plus, elle se transforme à chaque instant, elle est la vie qui évolue. Dans ce monde où tout fini par être façonné par l’homme à son image, le mot "nature" devient un prétexte pour se donner bonne conscience. Nous avons perdu le sens de notre vie, trop occupés à chercher le confort, la reconnaissance, et l’immortalité. Le taureau de combat lui, est la nature à l’état brut. Il est programmé pour vivre, se reproduire, combattre, et mourir. C’est sa nature à lui, et sa vie y est conforme.

Combattre dans une arène  n’est certes pas "naturel", mais pour le taureau, cette mort là, aura plus de sens, que celle d’un taureau exécuté dans un abattoir ; même si la morale se satisfait d’avantage du côté aseptisé de la mort des animaux dans ces temples de la consommation alimentaire.

Aujourd’hui on mange de la viande comme n’importe quel autre aliment, pour son goût, pour ses qualités nutritives, pour ses habitudes. Mais il est fini le temps où l’on avalait l’animal chassé puis tué. Le temps où la viande n’était pas un aliment, mais un moyen de survie, un moyen de continuer à vivre.

Aujourd’hui on élève puis on abat, puis on déguste. Aucune mort n’a de sens. Nous sommes programmés pour manger de la viande mais nous nous sommes détournés de l’activité majeure de nos ancêtres : la survie. Nos prédateurs sont d’une nature différente. La société, ses stress, la course à l’argent comme seul garant de notre survie, ont fait de nous des êtres à contre courant de notre nature. Nous trouvons sans cesse des artefacts nous permettant de compenser les incohérences de nos vies. La notre telle qu’on se la représente, n’est plus de ce monde ci.

Combien de temps reste-t-il encore à ces taureaux de combat, témoins d’un temps où un morceau de viande voulait dire un morceau d’animal que l’on a tué, un temps où cela se calculait en temps de survie avant la prochaine chasse infructueuse. Messieurs les avocats de la défense des droits de l’animal, vous vous trompez de cause, d’accusés, et de procès.

Comment dénoncer l’existence des corridas, et accepter celle des abattoirs ? Votre quête a perdu tout sens, elle repose sur un point de vue intellectuel qui ignore la trivialité de votre propre existence. Tel un dictateur qui sait qu’il ne pourra convaincre la majorité et impose sa vision du monde par la force. S’il était en votre pouvoir d’imposer la végétarisme au monde entier, vous le feriez sans doute, ignorant que vous signeriez la disparition de toutes les espèces animales que l’homme consomme.

Pour que les taureaux de combat vivent, il faut tuer des taureaux de combat dans les arènes. Ainsi va la logique du monde. La mort de quelques centaines de taureaux courageux choisis pour affronter les toreros, assure la survie de milliers d’autre, élevés sur les terres et sous le soleil de l’Andalousie, et d’ailleurs. N’en déplaise aux militants de la cause animale, l’homme d’aujourd’hui est garant de la survie des animaux. La nature ne peut plus se suffire à elle-même, et ignorer le monde dans lequel elle vit. L’adaptation à l’environnement a depuis toujours fait évoluer les espèces. L’homme a toujours été un prédateur, et il l’est toujours. Il y a de nombreuses façons de tuer les animaux. Dans un abattoir, dans une arène, dans la forêt…et dans les tribunaux ! Car finalement, les plus grands assassins d’animaux ne seraient-ils pas ceux qui veulent empêcher qu’on les tue ?

Certains refusent de voir la partie de l’homme qui le pousse à chasser, à combattre et à tuer et prétendent que notre cerveau reptilien, siège de nos émotions primitives, n’a pas le droit de s’exprimer, alors qu’il conditionne notre survie.

Souhaitons que ce monde de traditions trouve sa place dans nos sociétés en pleine évolution, à l’image de notre indispensable cerveau reptilien qui coexiste avec le cerveau limbique et le cortex. Le combat de l’homme contre l’animal, est vieux comme l’humanité. Au même titre que le combat entre animaux dans la chaine alimentaire. Ce combat donne un sens à la vie des animaux dans leur environnement. L’homme, en tant qu’animal, n’échappe pas aux lois qui régissent ce règne, malgré ses capacités intellectuelles et émotionnelles. Empêchez le d’exprimer son animalité de prédateur, et vous en ferez un psychopathe qui s’en prendra à ses congénères à la place. Si l’on désire voir l’animal par sa nature, il faut également accepter de regarder l’homme sous ce côté là. Sur le sable de l’arène, ce sont donnés rendez-vous la nature et la civilisation, la trivialité et le raffinement, le passé et l’avenir.

La mort du taureau est finalement un hymne à la vie dans toutes ses contradictions.

 

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