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histoire

Une nouvelle centenaire

Publié le par Cositas de toros

Les arènes de Pampelune ont cent ans.

 

            Les Pamplonais Luis del Campo et Fernando Pérez Ollo ainsi que le Navarrais Galo Vierge, ont déjà traité en leur temps de l’histoire des arènes de Pampelune qui fêteront, cette année, – si el Covid lo permite – son centenaire. Parmi nous, tous ne maîtrisent pas la langue de Cervantes.

 

 

En voici un libre résumé.

     L’architecte de la municipalité, Serapio Esparza, fut chargé de construire la nouvelle arène par la Casa de Misericordia qui devint propriétaire – belle opportunité – afin que tout ceci ne finisse pas entre les mains d’une entreprise purement spéculative. La construction de cette nouvelle plaza n’était qu’à des fins d’urbanisme, pour ouvrir le deuxième nouveau quartier.

     À cette époque, c’était le Conseil municipal, par l’intermédiaire de la Commission de développement qui organisait les corridas et agissait en tant qu’entrepreneur, allouant les bénéfices qui en résultaient à des œuvres de bienfaisance. Les corridas étaient alors organisées dans les anciennes arènes, construites en 1851 sur les fondations de celles bâties en 1844. Ce nouveau quartier a demandé aussi la démolition de l’ancien Théâtre Gayarre situé sur la fameuse Plaza del Castillo. Il a été déplacé sur l’avenue Carlos III. Ce nouveau projet a vu le jour très près de l’endroit où se trouvait l’ancienne plaza, à quelques mètres de la non moins fameuse Calle Estafeta. Ceci signifiait que le trajet des encierros matinaux n’allait guère changer. Avec la situation de l’ancienne arène, à la fin de Estafeta, les toros tournaient à droite pour parcourir les derniers mètres à l’entrée des arènes, avec la nouvelle, lorsque les toros quitteront Estafeta, ils tourneront à gauche pour chercher l’allée donnant l’accès au ruedo.

     La commission du projet de l’arène est revenue à Francisco Urcola Lazcanotegui, un architecte de Saint-Sébastien. C’est lui qui a construit outre des bâtiments emblématiques, les arènes de sa ville, populairement connues sous le nom d’El Choffre, aujourd’hui disparues "au profit" de la résonante Illumbe. Il est à l’origine aussi, de la Monumental de Séville, quartier San Fernando, chère à Joselito, elle aussi détruite. Ne subsiste qu’une porte avenue Eduardo Dato. Urcola avait des liens familiaux avec Pampelune car il a été successivement marié aux deux filles du maire de la ville, Joaquín Iñarra Ruiz : il était veuf de María Luisa Iñarra et s’est remarié plus tard avec sa sœur Teodora. Imaginez si le maire avait eu trois filles !

     L’architecte a utilisé du béton armé, innovation révolutionnaire dans les grandes constructions de l’époque. Le budget final était de 1 270 000 pesetas, attribué en février 1921 aux constructeurs de Pampelune Marticorena, Mendizabal y Ca. Y eut-il appel d’offre ? Les travaux commencèrent la première semaine de mars.

 

Le béton armé

   

      Le 10 août 1921, l’ancienne arène a pris feu, évènement qui accéléra les travaux du nouvel édifice qui était déjà en cours. Grand exploit car sans les moyens disponibles d’aujourd’hui, l’arène a été construite en seize mois et donc prête pour son inauguration le 7 juillet 1922. Dans les corralillos de la Rochapea, les toros de l’élevage des héritiers de Vicente Martínez, patientaient. Le cohete (la fusée) s’éleva dans les airs, signal du départ de l’encierro. À l’entrée des arènes, un coureur tomba, très vite un montón se forma. Plus d’une centaine de blessés ont été soignés à l’infirmerie, les blessures avaient été causées par les sabots des cornus se frayant un chemin par dessus le barrage humain.

 

7 juillet 1922

     L’après-midi, sous la présidence du maire Tomás Mata – un nom prédestiné ! – , les trois toreros échangèrent le capotillo de soie pour la percale. Saleri II, Juan de la Rosa et Marcial Lalanda étaient partis à pied de l’hôtel Quintana, et les picadors de l’auberge La Bilbaína, les premiers quittant le standing, les seconds le populaire !

     La corrida inaugurale n’a pas répondu aux attentes. Les toros furent discrets, les toreros ne firent rien d’exceptionnel. Le public partit déçu. Pour l’anecdote, Juan de la Rosa prit le premier avis dans ce nouveau coso. Quant à la première oreille, elle ne tomba qu’au troisième jour récompensant National II.

     La plaza a été réalisée avec une capacité de 13 600 places. C’est au début des années 1960 que la demande de places monte en flèche et que la revente fait des ravages. Raison pour le maire Miguel Javier Urmeneta de proposer une extension de l’arène. En février 1964, le nouveau maire, Juan Miguel Arrieta, ouvrit la question de l’agrandissement et approuva l’érection d’une tribune au-dessus de la andanada (gradins couverts). Alors, après les Sanfermines de 1966, un budget d’agrandissement de 4 950 places est accordé. Avec la nouvelle capacité de 19 500 places assises, les arènes de la capitale navarraise deviennent une arène monumentale de 1ere catégorie.

    En 1970, on ajoute un éclairage et en 1983, on enlève la couverture actuelle au-dessus des gradins couverts. Puis la plaza n’étant plus conforme à la législation navarraise en termes de sécurité, en 2005, on la dote de plus de sorties, un plus grand nombre de vomitoires et de couloirs. Cette réforme n’a pas affecté le nombre d’emplacements en abaissant davantage l’albero (le sol de l’arène) et en créant une nouvelle rangée appelée deuxième contabarrera.

Anecdote

     Cayetano Ordoñez "Niño de la Palma" a été l’un des toreros à l’origine du plus grand nombre d’altercations dans ces arènes pamplonaises. Plus tard, son fils, Antonio Ordoñez, fut le torero qui, pour de nombreux aficionados, a marqué l’âge d’or du coso navarrais. Il fit 33 fois le paseo devancé toutefois par Ruiz Miguel détenant le record avec 35 corridas !

     Puissent les vénérables arènes de Pampelune s’ouvrir de nouveau à la tauromachie pour leur 100 ans !

2022

     Puisque nous sommes à Pampelune, les élevages pour la prochaine Feria del Toro sont connus. Les encierros vont connaître à nouveau une bonne montée d’adrénaline.

     Pour les corridas : Miura, les toros de Zahariche sont la marque des Sanfermines. Une autre pointe torista avec le fer redouté de Cebada Gago auquel nous rajouterons celui de José Escolar et son encaste Albaserrada. Pour les figuras, les toros de Victoriano del Río et ceux de Nuñez del Cuvillo, le sang Domecq toujours bien présent. Encore du Domecq par Jandilla avec les Fuente Ymbro. Un bel hommage sera rendu à Borja Domecq avec la présence de Jandilla, l’éleveur disparu fut un fidèle de Pampelune. Enfin, la troisième apparition de La Palmosilla après 2018 et 2019, recevant cette année-là, le Prix Carriquiri pour "Tinajón", le toro élu de la Feria.

     Le rejón verra l’élevage salmantino de La Capea, du traditionnel avec ses Murube.

 

Novillos de Pincha 2019. © Casa de Misericordia

     La Feria débutera avec une novillada de Pincha, l’élevage navarrais de Lodosa est lui aussi mâtiné de Domecq via Gerardo Ortega, Luis Algarra et Marqués de Domecq (mais pas de sang Jandilla).

    En résumé, à l’exception de Miura et Escolar, et bien sûr La Capea d’origine Murube, les autres élevages de toros ont du sang Domecq par Jandilla.

     Qui dit Domecq ne dit pas mécaniquement manque de bravoure, de caste, faiblesse, etc. Pour preuve, il y a bien du sang Domecq par Jandilla chez Cebada Gago ! Mais l’ascendance Domecq et Carlos Nuñez ont fait aujourd’hui, un toro craint par les toreros. Voici l’exemple même d’une judicieuse sélection malgré certaines origines.

                                                        Gilbert Lamarque

            

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Des taureaux dans les Balkans

Publié le par Cositas de toros

 « Une planète qui s’étend… »
                         écrivait Jean Lacouture dans Le Monde daté du 5 juin 1971.

     « On parle de la "planète des taureaux". Petite planète, jusqu’en 1971, dont les limites se situaient à l’ouest en Baja-California, à l’est du côté de Fréjus, au nord dans la région de Vichy, et, au sud, sur les rives du lac Titicaca. Mais voilà que nous allons nous sentir plus à l’aise avec le brusque élargissement de l’espace tauromachique que nous vaut ce mois de juin : le 13, une corrida donnée à Jaén (Andalousie occidentale) avec la participation du Cordobès, sera retransmise en mondiovision et par satellite dans quatorze pays, dont la Chine (apparemment l’impopulaire). Le lendemain, c’est le camp socialiste qui est investi : une corrida est prévue le 14 à Belgrade – précédent qui donnera peut-être l’occasion à Luis Miguel Dominguín de réaliser son vieux rêve : toréer à Moscou. [...] »


 

 
     À Barcelone, le 2 septembre de cette même année, le jeune Robert Piles reçoit l’alternative des mains de son parrain Luis Miguel Dominguín, témoin Palomo Linares au cours d’une corrida de Torrestrella.

 


     À Belgrade, un mois plus tard, corridas au programme d’une semaine espagnole en terre yougoslave. Luis Miguel et Roberto sont au paseo, accompagnés du rejoneador Alfredo Conde. Belgrade, capitale de la Yougoslavie du temps du maréchal Tito, aujourd’hui capitale de la Serbie depuis 2006, le Monténégro ayant repris son indépendance. 


     En 1971, Tito n’était plus en odeur de sainteté – normal pour un communiste de verdad –, les manifestations se succédaient révélant un réel malaise politique et social.
   

      Le mauvais temps de la seconde semaine de septembre a contraint les corridas à être reportées à deux reprises, et l’attente suscitée par ces deux festivités a été quelque peu refroidie par les prix des places, prix multipliés par trois fois celui d’un match de football à Belgrade !
     Elles eurent donc lieu les 3 et 4 octobre dans le Tashmajdan Stadium, le "Tas", aménagé pour la  circonstance.
     À cette occasion, Dominguín portera pour la dernière fois, le costume dessiné par Picasso, le peintre communiste. Un communiste en cachant un autre, en la personne du dirigeant communiste de l’ex-Yougoslavie, le maréchal Tito. Celui-ci devenu aficionado après avoir découvert la corrida en juillet 1937 à Valencia alors qu’il combattait avec le bataillon Dimitrov, l’unité balkanique des Brigades internationales contre Franco ; il avait 45 ans. Aficionado, peut-être, combattant, cela est plus improbable. Cette version nous conviendrait volontiers, mais après que le dirigeant yougoslave Milan Gorkic, faussement accusé d'espionnage ayant été fusillé par Staline, c'est à Tito que l'on proposa la direction du parti. Il vint à Paris où il organise le passage des Brigades internationales vers l'Espagne, encourageant les émigrés yougoslaves à rejoindre les brigades afin de les sauver de la répression stalinienne. Lui-même passa par la péninsule et porte le soupçon d'avoir participé aux liquidations des trotskistes... Alors ?

     Rappelons aussi que le frère de Luis Miguel, Domingo, lui-même ancien torero, était un militant actif du Parti Communiste espagnol clandestin ; il s’exilera pour échapper à la police franquiste. (voir Cositas du 15 avril 2021 : "L.M. Dominguín, leaders des unes, le fiston et le tonton".

 


     À la présidence, se trouvait l’avocat madrilène Manuel Amorós González décernant généreusement les plus hauts trophées au trio.
     Les toros – nous pouvons supposer la venue de novillos – de ces deux après-midi, étaient de Carlos Nuñez, pour la première et de Salvador Guardiola pour la seconde ; pas des monstres mais de présentation correcte pour les lieux. Il était souvent offert à l’œil de l’aficionado espagnol à cette époque, le même type de gabarit. Autant vous dire que Dominguín, Piles et le cavalier Conde coupèrent oreilles et queues !

 


     Dominguín fut accroché et roula au sol lors de la première corrida, et subit aussi une blessure à la main, le lendemain, blessure soignée à l’hôpital qui nécessita six points de suture. Le public, paraît-il, applaudit les toros beaucoup plus que les toreros !
     Josip Broz Tito meurt en 1980. Les toros ne revinrent jamais plus sur les bords du Danube.

                                                                Gilbert Lamarque

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Taus e buèus

Publié le par Cositas de toros


            La coutume si chère à Saint-Sever au XVIe siècle.

     Extraits de l’étude historique de Michel Le Grand – Archiviste des Landes – Les Courses de Taureaux dans le Sud-Ouest de la France jusqu’au début du XIXe siècle. Éditions Jean-Lacoste, Mont-de-Marsan. 1934.

            « Dans cette Chalosse où les courses sont de nos jours tellement goûtées, dans une ville où toreros et écarteurs travaillent encore chaque année bétail espagnol et vaches landaises – à Saint-Sever, l’antique Cap-de-Gascogne – voici que nous assistons dès le début du XVIe siècle non pas à une course isolée, mais bien aux manifestations répétées d’une coutume bien établie : la célébration de la fête patronale par des courses de taureaux.

 

Saint-Sever : abbatiale et place du Tour-du-Sol, gravure du 19e siècle


     Cette fête avait lieu, autrefois comme aujourd’hui, à la Saint-Jean d’été, le 21 juin. Ouvrons donc la collection des comptes du trésorier de Saint-Sever, heureusement conservée sans trop de lacunes depuis le XVIe siècle. Dans chaque compte annuel parvenu jusqu’à nous, un ou plusieurs articles du budget des dépenses, inscrits vers la date du 24 juin, font revivre sous nos yeux avec quelques détails l’organisation de ces courses déjà si lointaines.
     Sans trop nous attarder au chiffre des dépenses engagées pour ces courses – chiffre dont il est fort malaisé de donner actuellement une évaluation précise – notons surtout la nature des préparatifs des fêtes. En 1510, un certain Peyrot de Camer est payé pour "barrer les taureaux le jour de la Saint-Jean", autrement dit pour disposer les barrières de l’enceinte où se donnait la course. Le compte de 1513 est plus explicite, car il spécifie que c’est au Tour-du-Sol ( au Tornessor) qu’étaient placées ces barrières ; la course se faisait donc au cœur de la ville de Saint-Sever, sur l’emplacement approximatif de la place qui existe encore aujourd’hui : cette coutume de faire courir sur les places va rester en usage dans maintes localités de Gascogne jusqu’à la fin de l’ancien régime. Nouveaux détails dans les comptes de 1519 et de 1522 : le nommé Bernard de Camée reçoit un salaire pour débarrasser le Tour-du-Sol du bois qui l’encombre et le garnir de barrières.
     Ces documents, rédigés en gascon, puis en français, mentionnent formellement l’organisation de courses de taureaux, taus. L’on faisait probablement courir le jour de la Saint-Jean plusieurs animaux ; c’est ainsi qu’en 1555, divers articles du compte du trésorier (du 18 au 26 juin) concernent plusieurs achats faits à différents vachers : Pierre du Nouguer fournit un taureau pour vingt-deux francs bourdelois ; Arnaud du Brost en livre un second pour dix-huit franc de la même monnaie. Un vacher reçoit un salaire pour avoir conduit un animal de Bayrolle ( métairie encore existante aux environs de Saint-Sever) à Saint-Sever ; un crédit spécial couvre les frais d’un voyage à Renung (canton d’Aire-sur-l’Adour), où deux bouchers sont partis quérir un taureau.
     Cette course de l’année 1555 paraît donc importante ; naturellement le Tour-du-Sol est clôturé, cette fois-ci par deux charpentiers, "per garde que les taureaus ne sortissent fors ledit lieu Tornesor".
     Dépenses analogues en 1557-1558, où nous relevons en outre une coutume curieuse : la ville donne à un vacher, Arnaud de Bousta, le prix de la paire de souliers qu’il a dû chausser pour amener à Saint-Sever le taureau par lui vendu.
     Point n’est besoin d’insister : des courses semblables ont eu lieu en 1561, en 1567 et jusqu’à la fin du XVIe siècle. La formule usitée dans les articles des comptes du trésorier, "pour faire courir les taureaux le jour de Monsieur Saint-Jean, comme de coutume", indique suffisamment qu’il s’agit de la manifestation annuelle d’un usage solidement établi dans les mœurs de ce coin de Chalosse, – usage que nos textes font remonter à 1510, mais dont l’existence est assurément antérieure.
     A prendre les documents à la lettre, ces courses Saint-Séverines sont des courses de taureaux, taus ; mais la mise à mort n’y est sans doute pas plus pratiquée qu’à Moumour (Béarn, près d’Oloron où eut lieu une course au XVe siècle, organisée en 1469 ou au début de 1470, NDLR). En tout cas, les taureaux de Saint-Sever, comme ceux que nous verrons courir à Bazas et à Mont-de-Marsan, sont vraiment sauvages : le chroniqueur bordelais Gaufreteau fera la différence entre ce bétail et celui d’une course donnée à Bordeaux, en 1604, avec des animaux qui "Premièrement, n’étaient pas des plus furieux ni semblables à ceux qu’on fait courre à Bazas le jour et feste de la Saint-Jean, au Mont-de-Marsan à la Magdelaine et à Saint-Sever à la Saint-Jean aussi ; secundo, cette course se faisoit avec les chiens des bouchiers, car en un mot c’estoyent des bœufs…"

     Vers le milieu du XVIe siècle, un genre de courses particulier que nous aurons maintes fois l’occasion de signaler jusqu’à la fin de l’ancien régime, se pratiquait déjà dans le Sud-Ouest : nous voulons parler de la "course aux bœufs et aux vaches" délivrés par les bouchers. Avant d’abattre les animaux, les bouchers ou leurs valets, généralement à la demande du public, les lâchaient par les rues des villes et des bourgs et le premier venu pouvait se payer le plaisir d’écarter une bête, à vrai dire assez inoffensive… Naturellement bousculades et accidents s’ensuivaient, qui forcèrent municipalités et corps de villes à condamner de telles pratiques. »  Michel Le Grand.

 

Mais c’est au XVIIe siècle que les interdictions sérieuses apparaissent.
     

   

Gilles Boutault, 1597-1661

     

     La première est d’origine ecclésiastique – une interdiction royale suivra –, elle réside dans la promulgation par le pape Pie V de la bulle De salute gregis, le 1er novembre 1567. « Le texte pontifical porte un interdit général sur les combats de taureaux et de bêtes féroces : les souverains qui les autoriseront dans leurs états se verront frappés d’excommunication ou d’anathème ; sous les mêmes peines, les particuliers devront s’abstenir de lutter contre les taureaux, à pied comme à cheval, et la sépulture ecclésiastique leur sera refusée s’ils succombent en de tels combats. Aux évêques, enfin, le soin de publier et de faire observer dans leurs diocèses les prescriptions de la bulle ».
     Et les évêques de Bazas et d’Aire vont s’appuyer sur elle pour entamer dans leurs diocèses contre les courses, une lutte sévère. À Aire, l’évêque Gilles Boutault, le champion de cette lutte, va prendre à cœur cette question des courses comme une affaire personnelle, et se décide à sévir, probablement au cours de l’année 1634. Outre Aire, cité épiscopale, ce diocèse comprenait deux villes d’importance, Saint-Sever et Mont-de-Marsan, les deux adeptes ferventes des courses de taureaux. Or, à l’interdiction formelle posée par l’évêque, les jurats saint-séverins vont se montrer en principe soumis, le syndic montois au contraire nettement récalcitrant.
     Nous passerons sur les détails, les interdits, les délibérations… toujours est-il que l’évêque Gilles Boutault quitta le siège épiscopal d’Aire pour celui d’Évreux en 1649, s’estimant satisfait. La partie était peut-être gagnée… pour quelque temps. Le silence des textes relatifs aux courses durant le dernier tiers du XVIIe siècle, permet de supposer que les ordonnances épiscopales, appuyées par l’interdiction royale de 1648, finirent par intimider les organisateurs ; toutefois des courses ont fort bien pu se donner à cette époque sans laisser de traces dans les documents parvenus jusqu’à nous. Il suffisait pour les autorités municipales de ne pas les officialiser, les instances locales restant au plus près de leurs citoyens. Lesquels citoyens prompts à se révolter s’ils se voient privés de leurs coutumes. Des courses donc, organisées sous le manteau dupant les hommes en soutane !

 

Bernard d'Audijos. La révolte des invisibles


     Ah, sacrés Landais ! Ils réagiront encore et violemment cette fois-ci, de 1662 jusqu’en 1670, se soulevant contre la stricte application de l’impôt de la gabelle et trouvant un chef en la personne de Bernard d’Audijos, natif de Coudures. La Gascogne et en particulier la Chalosse furent durement secouées. Mais ceci est un autre combat. Irréductibles Landais ! 

                                                           Gilbert Lamarque
 

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JAMBE DE BOIS

Publié le par Cositas de toros

   

 

        Antonio Sánchez "El Tato", un diestro du quartier San Bernardo de Séville, né le 6 février 1831, a été dramatiquement blessé dans la vieille plaza de la Puerta de Alcalá, l’après-midi du 7 juin 1869 par "Peregrino", le quatrième toro de Vicente Martínez lors de la corrida où il combattait aux côtés de Lagartijo et de García Villaverde. La ganaderia de Vicente Martínez de Colmenar Viejo était fort réputée à l’époque et surtout quelques temps plus tard avec les succès de Joselito et Belmonte ainsi que toutes les figuras de l’"Âge d’argent". Vicente Martínez fut un précurseur dans la sélection d’un toro qui a lié à la morphologie, la capacité à charger jusqu’à la fin du combat.

 

Lithographie La Lidia

     Le bicho attrapa El Tato lors de l’entrée a matar pour la troisième fois et avec la corne droite, il le suspendit et le tourna, lui infligeant une cornada de quatre centimètres de long sur trois centimètres de profondeur dans le haut de la jambe droite. On dit à l’époque que le toro avait gardé sur ses cornes le sang d’un cheval malade et que ce virus avait infecté la plaie. Le fait est que l’état de la blessure s’aggrava, que la situation devenait de plus en plus alarmante pour les médecins – L’Écossais Sir Alexander Fleming ne découvrit la pénicilline qu’en 1928, trop tard ! – que finalement, le matin du 14 juin, sept jours après la cornada, les médecins décidèrent « la séparation de la jambe ».

     Dans le Cossío illustré, il est écrit qu’El Tato était « un paradigme de courage et d’honneur ». Telle était sa popularité, que le marin Méndez Núñez, héros de la bataille d’El Callao au Pérou, étant malade dans un autre étage de la même maison, les gens se sont rassemblés autour du torero, le préférant à l’amiral, ce qui provoqua une polémique au sein du Parlement ».

     Lors de cette temporada, il fut remplacé dans les cartels par Cayetano Sanz, Lagartijo et Frascuelo. « Rafael (Lagartijo) et Salvador (Frascuelo) lui remettant intégralement les honoraires qui lui auraient correspondu ». En remerciement, El Tato offrit à Frascuelo son habit qu’il portait le jour de l’accident et à Lagartijo, son épée.

     Son courage était si grand qu’en 1871, il voulut combattre avec sa prothèse, « assis, impuissant, sur l’estribo de la Plaza de Madrid, pleurant finalement, de sorte que le roi Amédée de Savoie, qui présidait la corrida, l’appela à la loge pour le consoler. Doutons de la portée du réconfort.

     Prisonnier d’une profonde dépression, on dit qu’il s’est écrié « Si "Peregrino" m’avait laissé sur la place! » Oui, le "pèlerin" lui infligea un véritable chemin de croix !

    El Tato était brillant à la cape mais il excellait surtout à l’estocade. Sa bonne réputation l’amena plusieurs fois à Bayonne où le couple impérial le reçut avec bienveillance dans leur palais de Biarritz.

 

     En 1863, il participa aux premières corridas nîmoises. L’affiche de la Feria de Nîmes 2013 fêtait les cent cinquante ans de ses prestations.

     Dix ans plus tôt, il avait pris l’alternative, le 30 octobre 1853 à Madrid avec pour parrain Cúchares – dont il avait épousé la fille en 1861 – et témoin, Cayetano Sanz devant "Cocinero", toro de la ganaderia de Gaspar Muñoz.

     Il mourut le 7 février 1895 à Séville.

 

                     « La fortune aime assez à donner des pantoufles à ceux qui ont des jambes de bois, et des gants à ceux qui n’ont pas de mains ». Théophile Gautier.

                                                                  Gilbert Lamarque

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Corrida à Senlis (Oise)

Publié le par Cositas de toros

 

         

 

               Les arènes de Senlis (Oise) édifiées au 1er siècle ap. J.-C., sont un petit édifice de spectacle gallo-romain de forme ellipsoïdale et de type semi-creusé. Elles ont été redécouvertes en 1865. Senlis, fondation purement romaine, était connue comme Augustomagus (le marché d’Auguste) et peuplée pour l’essentiel de Gaulois du peuple des Silvanectes. Les arènes avoisinaient à cette époque une capacité de 10 000 places. Les spectacles donnés furent le plus souvent des combats d’animaux.

 

     Vingt siècles plus tard, les derniers Gaulois senlisiens remettaient le couvert. Ils organisent, par l’entremise des Amis de Senlis, leur première corrida en juin 1956. Un évènement qui va réunir plus de 6 000 personnes pour applaudir « les exploits des grands noms de la tauromachie, dont Pierrette Le Bourdiec*, l’unique femme matador ».

     La communauté espagnole de la région garnit alors les rangées des arènes. Un indéniable engouement populaire qui donnera lieu à plusieurs rassemblements tauromachiques jusqu’en 1961, dernière corrida organisée. Cette fois, la fête sera ternie par un drame qui mettra un terme aux spectacles. « Il y a eu le décès d’un jeune spectateur, qui est tombé accidentellement et aurait été piétiné » explique le président de la Mémoire senlisienne. « Nous ne sommes pas sûrs des circonstances et nous n’avons pas vraiment de réel spécialiste de la corrida dans notre association. C’est aussi pour cela que nous recherchons toutes les informations à ce sujet ».

 

     Pour la première fois le dimanche 24 juin 1956, a eu lieu une "grande" corrida hispano-provençale. Dépassant les prévisions les plus optimistes, plus de 6 000 spectateurs, dont une grande partie de la communauté espagnole de la région parisienne, ont assisté à cette grande première.

     Dès 14 heures, les Senlisiens étaient invités à se rendre place de la Gare pour accompagner l’harmonie de Chambly qui s’était mise à l’heure espagnole. Le cortège démarra avec les matadors et les caballeros montés sur de magnifiques chevaux pour traverser Senlis jusqu’aux arènes.

     Pendant que l’harmonie s’installait à la tribune, le speaker commença à "chauffer" le public tout en déclinant le programme :

          «  - 9 taureaux de combat de 4 ans de pure race espagnole de la ganaderia José Sol de Salamanque.

             - Parmi les matadors, soulignons la présence du fameux et jeune P. de Montijo**, âgé de 21 ans (en fait, il avait 26 ans, ndlr), l’un des meilleurs matadors d’Espagne dans le maniement de la cape et la pose des banderilles. »

      « Le spectacle était aussi rehaussé par la présence de L. Raoux***. Bien que ne possédant qu’un bras, il mania son cheval avec une aisance magnifique et posa sur le taureau des rubans du plus bel effet. Il sut éviter par des pirouettes remarquables, les charges les plus redoutables.

     Vint ensuite la course provençale à la cocarde comprenant deux redoutables taureaux aux noms de Bison et Pastis… avec la participation du réputé raseteur Ayme, l’un des meilleurs actuellement dans l’exercice de cette périlleuse profession. Ces deux fauves très dangereux nécessitèrent l’adresse et l’agilité des raseteurs pour enlever la cocarde posée sur le front ou les glands attachés sur chaque corne.

     Enfin, le trio comique les Borrachos exécuta une parodie burlesque remarquable. Leurs gags et leurs pitreries face au taureau, ont enthousiasmé le public.

     Au terme de la corrida, de nombreux spectateurs d’origine espagnole et qui avaient revêtu leurs costumes de circonstance, furent invités dans l’arène pour danser des pasodobles endiablés, interprétés par l’harmonie de Chambly.

     Félicitons Mr. Calais**** pour l’organisation remarquable de cette manifestation tant au niveau de l’infrastructure que la composition du programme ».

     Vous remarquerez qu’il n’y a pas un mot sur le déroulement de la partie espagnole ainsi que sur « l’un des meilleurs matadors d’Espagne » Pepe de Montijo !

      Aujourd’hui, les arènes de Senlis ne sont plus utilisées car le site a été fragilisé par les années et s’apprécie désormais uniquement du point de vue historique et archéologique.

 

Deuxième corrida le 29 juin 1958

   

 

      Bien longtemps après avoir crié ave, on a aussi crié olé dans les arènes de Senlis. Il semblerait que ces olé ont retenti par trois fois en 1956, 1958 et 1961 à l’occasion des corridas hispano-provençales comme il était indiqué sur les affiches de ce temps.

 

*P. Le Boudiec naquit à Paris le 21 juin 1934. Les débuts avec picadors se feront le 9 octobre 1957 à Aigues-Mortes avec Ramon Gallardo et Pepe Luis Román, les toros d’Étienne Pouly. À Senlis en 1956, P. Le Bourdiec n’était donc qu’une becerrista. L’Espagne lui est interdite : la loi promulguée en 1908 par Juan de Cierva, ministre de l’Intérieur, proscrit le toreo à pied pour les femmes (loi abrogée en 1973).

     Elle deviendra rejoneadora, "Princesse de Paris", se présentant pour la première fois à Moguer (Huelva), le 9 septembre 1965. Elle sera la première française à se présenter à Las Ventas, le 12 octobre 1969 pour El Día de la Hispanidad. Elle poursuit sa carrière jusqu’en 1978 et se consacra ensuite au dressage des chevaux dans la Communauté de Madrid. Elle décède le 9 juillet 2011.

** Pepe de Montijo est né le 4 janvier 1930 à Valencia sous le nom de Joselito Peris. Il vint en France dès 1954 à Méjanes pour une première novillada piquée. Il revient en 1955 où il torée à Nîmes. Les contrats s’enchaînant il ne quitte plus le sol français et Nîmes où est établie une importante colonie espagnole essentiellement composée de réfugiés de la guerre civile. En 1956, Joseph Calais lui proposa des contrats dans la région parisienne dont Senlis. En 1962, il passe dans la catégorie des banderilleros et conseille et torée avec les novilleros français de l’époque et fait partie des cuadrillas de toreros espagnols venant toréer en France : Juan Mora, J.M. Manzanares, José Mata, José Fuentes, Paco Alcalde. C’est en 1988 que l’heure de la retraite sonne.

La bodega Pepe de Montijo, 13 rue Bigot à Nîmes est ouverte uniquement pour les ferias. Vieilles affiches de corridas, photos de Pepe, de Nimeño II et autres toreros nîmois, azulejos parcourent les murs dans une ambiance familiale des plus taurines à trois pas des arènes et à deux du bar Le Prolé.

*** Pierre Raoux, caballero camarguais, devint manadier au Mas de Lansac, Le Cavaou (Bouches-du-Rhône) après achat vers 1931 d’un lot d’Augustin Lescot. Ils étaient deux frères Raoux : Pierre dit Lolo et Eugène dit Néné. Lolo, bien qu’amputé de la main gauche, était un excellent cavalier.

**** Joseph Calais dit "El Gordo", cavalier émérite, rejoneador – dont la première épouse fut "Emma La Caballera", première femme française à toréer à cheval – fut aussi impresario.

 

                                                      Gilbert Lamarque

 

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