Luis Miguel Dominguín, leader des unes, le fiston et le tonton
Aujourd’hui nous allons employer un ton plus léger, persifleur.
Luis Miguel Dominguín, chouchou de Franco, amoureux d’Ava Gardner et "rival" d’Antonio Ordoñez, a fait la une des journaux, magazines et autres tabloïds.
C’était la vie du torero le plus célèbre de son époque. Ami proche de Franco, il est tombé – souvent – amoureux d’actrices comme Ava Gardner et il a côtoyé des artistes comme Picasso et Dalí.
Luis Miguel, le torero dont l’histoire d’amour avec la belle italienne Lucia Bosé, a été marquée par des infidélités, des tragédies et sa relation avec la dictature – plutôt le dictateur –, est né à Madrid en 1926, membre de la célèbre dynastie taurine des Dominguín. Mais sa renommée allait bien au-delà de l’arène.
Ses amitiés ont forgé sa légende, et son nom a dépassé les frontières du pays.
Le torero et l’actrice italienne se sont mariés en 1955. Ils ont célébré deux mariages, le premier a lieu le 1er mars 1955 à Las Vegas comme les stars d’Hollywood. L’autre date est le 16 octobre, mariage religieux dans sa finca familiale. La mariée était enceinte. Hou ! Francisco Franco détourna la tête, horrifié. Le fiston naquit le 3 avril 1956, c’est Miguel. Sa sœur Lucia vint au monde un an après et le 5 novembre 1960, ce fut le tour de Paola dont le parrain était Pablo, Pablo Picasso.
Miguel venu au monde au Panama, a grandi entouré de personnages du monde de l’art et de la culture. Les relations avec papa n’étaient pas faciles, le maestro n’acceptant pas que son fils unique veuille se consacrer à la musique, arborant des looks trop modernes pour l’époque. Le père n’avait-il pas péché, épousant une vierge gravide* ? Avec le temps, Luis Miguel se sentit fier du fiston.
Il se remaria en 1987 avec Rosario Primo de Rivera, la nièce du fondateur du parti politique fasciste Falange Española, l'homme politique d'extrême droite, José Antonio Primo de Rivera.
Lucia Bosé, l'ancienne miss Italie, l'héroïne des années 50 est décédée en mars, cette année, à l'âge de 89 ans.
/image%2F2446978%2F20210415%2Fob_e4bf79_l-m-dominguin-et-hemingway.jpg)
Luis Miguel fut l’ami d’Ernest Hemingway, ils partagèrent de belles après-midi de corrida, leur amitié connue du monde entier. L’écrivain déclara : « Le paradis serait pour moi une arène avec deux billets à vie et une rivière à truites à côté ».
Comme le déclarait récemment Miguel Bosé sorti de son long "hiver" : « Dans cette Espagne, la classe aisée très riche, avait ses animaux de compagnie, ses stars : c’étaient des acteurs, des danseurs, des chanteurs de flamenco et des toreros. » Le père de Miguel n’était pas seulement un animal de compagnie pour Franco comme il le fait remarquer : « Il y a des photos dans lesquelles vous voyez Franco regardant mon père avec admiration… Il l’appelait "mon garçon". » La relation entre les deux était une amitié très étroite.
Dominguín était un séducteur naturel. Il est tombé amoureux de stars comme María Feliz, Ava Gardner, Lana Turner, Rita Hayworth ou Lauren Bacall, plus de fois qu’il ne reçut de cornadas. Finalement, il "s’installa" avec Lucia Bosé mais il semble que la fidélité était absente de ses gènes.
/image%2F2446978%2F20210415%2Fob_6e84d0_l-m-dominguin-picasso-et-cocteau-arl.jpg)
Picasso rencontra le matador en 1958 après une corrida à Arles grâce à la médiation de l’écrivain et cinéaste Jean Cocteau. Au début de leur relation, le peintre appréciait peu le torero – il est vrai que celui-ci devait fortement agacé les alentours – mais par la suite, le temps a donné lieu à une solide amitié. « Le temps adoucit tout » écrivait Voltaire.
Luis Miguel eut aussi comme ami proche, l’évaporé Salvador Dalí souvent invité au domicile du torero, pique-assiette reconnu.
Miguel Bosé, après une carrière marquée par un long silence, s’est livré pour un émission de télé. À 63 ans, le chanteur-acteur ressurgit après une longue descente aux enfers. Durant vingt ans, ce ne fut que drogue et alcool, le chanteur en perdit même son atout le plus précieux, la voix.
Très controversé depuis son retour dans les médias, il engendre polémique sur polémique. Papa serait furieux.
Le seul de la famille qui aurait votre sympathie, c’est Domingo, l’oncle de Miguel Bosé, torero, ami de Che Guevara, producteur de films. Probablement l’homme le plus fascinant de la famille, toujours politiquement incorrect, phalangiste durant la Guerre civile, communiste à l’après-guerre, frère aîné de Luis Miguel, devenant son apoderado, sa biographie mériterait une série sur Netflix.
Né à Linares en 1920, il décède à Guyaquil en 1975. Par sa seule personnalité, il aurait pu éclipser le frangin. Alors que Luis Miguel faisait des papouilles au Caudillo, Domingo était bien plus qu’un dissident. Il prit sa retraite de torero en 1948 après une carrière de six ans. Il se recycla dans l’apoderamiento et les affaires taurines. Lorsqu’il devint communiste, il reçut de nombreux militants persécutés trouvant refuge dans son appartement de la rue Ferraz à Madrid où était également imprimé le journal clandestin Mundo Obrero, financé par lui même. En 1956, après le XXe congrès du PCUS qui condamna la politique de Staline, il quitta le parti communiste. Il se lia d’amitié avec certains écrivains de l’époque comme Ortega y Gasset ou Pio Baroja. Dominguito, comme on l’appelait aussi, fondit l’UNINCI (Unión Industrial Cinematográfica), une société de production. Des films ont été tournés sous son égide, il produisit des classiques et Viridiana, ce film le ruina.
/image%2F2446978%2F20210415%2Fob_e39441_l-m-dominguin-et-domingo.jpg)
Après son fiasco cinématographique, avec l’aide financière de Luis Miguel, il se concentre sur les affaires taurines et la plaza madrilène de Vista Alegre, alors propriété de son frère. Il créa les célèbres novilladas de la Oportunidad où il découvrit Sebastián Palomo Linares. C’est dans cette arène que se rendit Che Guevara lors de son escale à Madrid en 1959, il en profita aussi pour faire quelques emplettes à El Corte Inglés.
Les relations entre les deux frérots n’ont jamais été faciles aux dires de son neveu en raison du caractère agressif de Luis Miguel. « C’était une mauvaise personne. Il a insulté tout le monde autour de lui. Il n’avait ni amis ni famille, comme le montre le temps ». Revanchard, Miguel Bosé en a certainement subi les dommages collatéraux.
Domingo Dominguín finit par s’éloigner, se réfugiant à Macondo, sa ferme colombienne où il a fondé sa ganaderia, Aracataca. « Ils disent » qu’il s’est tué d’une balle dans le cœur, mais son propre fils dit qu’il a été assassiné. « La vérité est que mon père a été tué à cause de sa relation avec l’ex-épouse du gouverneur de Valle del Cauca », a t’il expliqué. « Personne ne frappe deux coups dans la poitrine, c’est comme ça qu’ils jouent là-bas ». Le cadet Luis Miguel aurait été exécuté vingt fois !…
Fascinant vous dis-je.
Ponce, le petit roitelet Enrique 1er fait pâle figure.
Tout ce qui précède n’est qu’un léger survol au-dessus de la planète Dominguín, l’encre de mon stylo n’y suffirait pas.
* Si un jour le hasard de vos pérégrinations vous mènent jusqu’à Cucugnan, charmant village de l’Aude, je vous engage à pousser la porte de l’église pour y admirer la statue de la Vierge Marie enceinte. Il n’y a pas que le curé qui est célèbre à Cucugnan !
Gilbert Lamarque