MERCI DOCTEUR
Ce n’est pas une remise supplémentaire d’une des multiples récompenses adressées au meilleur torero de la feria, de la meilleure faena, du meilleur élevage, de la meilleure… Non, c’est un prix accordé à l’unanimité par les remises du prix spécial de l’ACTF, du prix spécial de l’UCTPR et du prix spécial "Claude Pelletier" ( par les représentants des aficionados bayonnais), oui, prix spécial.
Les sorciers en blouse blanche ont frappé et sauvé une vie, une vie de torero.
Dans ces arènes où le soleil peut rencontrer la mort, nous avons été les témoins d’un drame aux conséquences funestes évitées.
Bayonne. 19H 30, Grand Salon de l’Hôtel de Ville.
Jean-René Etchegaray, Maire et Président de l’Union des Villes Taurines de France, Michel Soroste, adjoint délégué aux Finances et Yves Ugalde, adjoint délégué à la Culture recevaient sous les ors et les lambris du Grand Salon, un "aréopage" du monde taurin.
Des membres de l’ACTF, le président de l’UCTPR ainsi que des représentants des clubs et peñas bayonnaises et leur président, étaient présents pour remettre leur prix spécial au Docteur Jean-François Richard et à son équipe médicale venue en nombre.
Nous pouvions remarquer également, les présences de Jean Grenet (maire honoraire) et du Docteur Jean-Michel Gouffrant (« médecin de toreros », grand aficionado), un duo qui se forma dès 1977 pour œuvrer dans les arènes.
J.-M. Gouffrant évoqua la terrible blessure de Joël Matray (coup de corne dans le ventre ayant arraché l’artère iliaque, l’arrêt de l’hémorragie par le Dr J. Grenet), dans les années 1980.
Jean-François Richard a tenu à souligner : « L’accident de Thomas Joubert est peut-être un déclencheur, notre intervention prouve que nous ne sommes pas là pour faire de la figuration, et que non, nous ne sommes pas trop nombreux. Il le faut pour pouvoir assurer un travail correct. »
Il garde en mémoire la vindicte populaire, ce vent nauséabond qui souffla notamment depuis l’Espagne après la mort d’Ivan Fandiño. « Je dédie ces prix à toutes les équipes qui interviennent aux arènes de Bayonne, et plus largement à toutes les infirmeries des arènes. On a tous les mêmes difficultés à se faire entendre auprès de l’Union des villes taurines de France. Ces prix, c’est une reconnaissance locale, une reconnaissance de notre profession quand notre association prêche trop souvent dans le désert. »
Nous pensons aussi au Docteur Jean-Claude Darracq, ici évoqué et à son association Assistance Médico-chirurgicale Aux Corridas (AMAC) intervenant en particulier dans le Sud-Ouest et ses arènes de 3e catégorie souvent éloignées des établissements sanitaires. Et ce, jusqu’à quand ?
Le Docteur Darracq reçut le Prix El Tio Pepe 2017 de la Fédération des Sociétés Taurines de France (FSTF).
« On a mis vingt ans à obtenir d’avoir une salle propre, un lavabo et de la lumière, mais on a l’espoir que le vent tourne. » rajoute le chirurgien bayonnais.
J.-M. Gouffrant, son prédécesseur aux arènes de Lachepaillet, résume une situation inquiétante : « A Bayonne, nous sommes des privilégiés avec l’équipe médicale la plus complète de la région, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Il est de plus en plus difficile de trouver des équipes médicales pour tous les spectacles, la gratuité de leurs services ne pourra pas durer, il faudra les payer. Pas de chirurgiens, pas de corridas. »
Même si l’équipe du Docteur Richard est soudée et suscite quelques vocations, l’avenir peut être remis en question. Il nous fit part des difficultés rencontrées avec les organisations pas toujours conscientes de la gravité des responsabilités. Des organisateurs parfois manquant de tact et de respect. A méditer.
« Nous devons à l’équipe chirurgicale bayonnaise de ne pas avoir vu sombrer ce samedi de septembre dans un drame dont nous aurions eu du mal à nous relever », déclare le Maire de la cité, J.-R. Etchegaray avant de remettre au bon docteur, la médaille d’or de la ville de Bayonne.
Nous nous devions d’être présents.
Un rappel des faits.
Le samedi 1er septembre 2018 lors de la corrida de la Feria de l’Atlantique à Bayonne, le jeune torero Arlésien Thomas Joubert a été grièvement blessé par un toro de Robert Margé et devait être opéré en urgence. Touché à l’artère fémorale de la cuisse gauche en tout début de faena de muleta, Thomas a été pris en charge et l’hémorragie stabilisée à l’infirmerie des arènes avant d’être transporté à la clinique Belharra où il fut opéré.
La corrida a été interrompue près de quarante cinq minutes, le temps de sa prise en charge, des premiers soins et de son transfert.
Thomas Joubert se produisait à Lachepaillet en remplacement de Juan Leal blessé le 26 août à Bilbao par un toro de Miura. C’était sa troisième corrida de la saison.
On pouvait craindre le pire car l’Arlésien a reçu deux coups de corne dont l’un a provoqué une blessure de 20 cm et partiellement sectionné l’artère fémorale.
Cette scène a glacé le public.
La deuxième corrida de la Feria mettait aux prises six toreros de quatre nationalités différentes, donc un toro pour chacun. Pour l’histoire, le Péruvien Joaquín Galdós s’est montré sous son meilleur jour. Une oreille et double vuelta.
« Je veux leur dire un grand merci, toutes les équipes médicales ont été extraordinaires, à l’infirmerie des arènes, puis à la clinique. J’ai été opéré samedi soir, et dimanche, ça allait déjà mieux, j’ai eu la chance de ne pas avoir de fièvre, je suis dans de très bonnes mains » soulignait Thomas.
« Je suis très fier de toutes les équipes qui ont œuvré ce week-end aux arènes », insistait modestement Jean-François Richard.

Thomas Joubert et le Docteur Jean-François Richard se sont revus à Arles le 10 septembre au domicile du matador. Rencontre qui pourrait sembler surprenante sauf que tous deux sont… Arlésiens !
Gilbert LAMARQUE