UN TOUR A LAS VENTAS ET PUIS S'EN VONT...

Lorsque vous partez pour un quarteron de jours à Madrid, vous ne vous ruez pas, tête baissée vers Las Ventas.
Vous vous baladez tête haute à l'affût d'un détail, d'une bonne adresse, d'un heureux hasard. Pour ma part, j'ai toujours le bonheur de traverser le parc du Retiro et de rendre visite à l'ange déchu ( la fuente del Angel Caido ), de reprendre des forces dans un restaurant du quartier populaire de Lavapies, de longer la calle del Arenal pour rejoindre la place de l'Opera... et de bouder souvent, la calle de Alcala, la place Santa-Ana, obligé malgré tout de franchir La Puerta del Sol et son flot cosmopolite car l'écurie se situe à l'angle de la calle del Carmen.
Mais Las Ventas vous attend, immuable et sarcastique, les oriflammes claquant au vent, les revendeurs de la corrida du jour, vous collant aux basques. C'est le cycle isidril qui débute.
Alors, vous voici sur le tendido 4 bajo car vous savez que pour le prix du soleil vous vous payez l'ombre dès l'entrée du deuxième toro. Ceci écrit sans forfanterie.
Il est 19 h, mardi 8 mai. Première de feria. 2/3 d'arène soit environ 16 000 spectateurs.
Novillada inaugurale con picadores mettant aux prises, David Garzon qui effectue sa présentation, accompagné de Carlos Ochoa et d'Angel Tellez et un lot de Guadaira, costauds mais d'un jeu famélique.
Ces six exemplaires dignes d'une corrida, vus le trapio et le poids sur la romaine d'une moyenne de 498 kg 500 !
Six silences et un salut d'Andres Revuelta à la 3e paire de banderilles (2e novillo) et la pluie s'invitant au cours du tercio de varas au 5e cornu, le moins mauvais où Carlos Ochoa échoua à la mort, la faute à une épée basse et un descabello.
Mañana, otro dia.
Mercredi 9. Corrida de La Quinta à la présentation irréprochable. 2/3 de plaza.
Et nous sommes les témoins malheureux d'un lot sans aucune transmission, à la devise "ni classe, ni race". Je me projette vers la Madeleine... hum !
Juan Bautista mal servi par le toro d'ouverture, mais un J.B. particulièrement peu motivé devant Palmeño (528kg). Absent, l'Arlésien !
El Cid hérita du pire assortiment mais c'est son ombre qui toréa et ceci depuis déjà quelques temporadas. Fuera de cacho, hésitant, reculant même : sifflets et silence.
Donc du grand Cid appliqué dans la médiocrité. Seul, fixé par la rétine, son beau costume bleu-nuit !
Morenito de Aranda fut le plus motivé (le concours était facile) et le plus chanceux au sorteo. Il échoua à la mort de son premier, court de charge et de peu de force, malgré tout.
Brioso (573 kg) mit un terme aux festivités. Le tercio de varas fut bien mené par Francisco José Quinta (palmas). José Manuel Zamoreno salua aux palos à la conclusion de la 3e paire.
Nous retiendrons de Morenito, une bonne série de derechazos. Une erreur de celui-ci amena sur le champ un brusque changement de comportement du cornu. Terminé : la confiance perdue, le torero foira aux aciers, deux avis.
Oui, un fiasco suivant un précédent et précédant le suivant, etc.
Il est vrai que Simon Casas a fait de gros efforts pour amener la San Isidro à son firmament ! Il est rentré tout bonnement dans le rang et le système misérable continu. L'ennui, le néant, l'amertume... dans cette marmite toujours aussi bruyante.
Seul élément "marquant", le cycle démarrant pour la première fois par une novillada !
Heureusement, les tendidos se garnissent de touristes bobos, spectateurs d'une unique après-midi. Enlevez ces pseudos aficionados d'un instant et Las Ventas vous paraîtra comme un hall de gare un jour de grève. Sachant que le Tendido 7 est victime d'une extinction de voix... que nous reste-t'il ?
Vous filez noyer votre chagrin avec un monumental gin tonic. Attention, un gin tonic peut en cacher un autre !
C'est aussi une des autres sources de l'alcoolisme.
Gilbert LAMARQUE
Vendredi 11 mai, 4ème de San Isidro
Au menu du jour, un lot de Pedraza de Yeltes tous d’excellente présentation pour : Manuel ESCRIBANO, Daniel LUQUE et Saul JIMENEZ FORTES.
Cette "pedrazada" s’est déroulée en trois parties. Une première faite d’ennui et de déception, surtout après la sortie de leurs jeunes frères à Garlin, une deuxième faite d’émotion grâce à l’engagement d’un torero et enfin une troisième faite d'une ire généralisée.
L’ennui de la première partie est exclusivement dû au comportement des pensionnaires du Campo Charro. En effet, les 1, 2, 3, 4 et 5 ressemblaient (la comparaison est osée) à un défilé de bœufs de Chalosse quoique ce soit injurieux pour nos éleveurs du Sud Adour qui font tout leur possible pour faire un travail de grande qualité.
Depuis Resistante (592Kg) inaugurant le ruedo à 19h 07 jusqu’à Buriño (625Kg) "arrastré" à 21h09, se fut 2h et 02 minutes de long ennui, de moments de rouspétance mais… ça aura au moins eu l’avantage de me laisser le temps de calculer avec précision le poids moyen du lot : 622,8333Kg !!! ; de compter les coups de capote donnés à Renacuero sorti en 3ème par la cuadrilla de JIMENEZ FORTES complètement dépassée par la mansedumbre de l’animal, "83424" coups de capote pour 8 passages donc 5 à faux et 5 banderilles posées.
Cependant au milieu de cet imbroglio, à noter quelques gestes qui nous ont permis de garder la tête hors de l’eau. La détermination de Manuel "l’Ecrivain" avec la puerta gayola à son deuxième, et sa spécialité, un quiebro por dentro très serré contre les planches. Deux excellentes naturelles de Daniel LUQUE à son premier ainsi qu’un très joli quite par véroniques au 4ème. Qu’il était difficile de faire mieux avec l’opposition du jour… Les cinq premiers "toros" sont sortis en marchant, barbeando pour trois, limite du saut dans le callejon, distraits, andandos, totalement désintéressés au capote, souvent mal lidiés, mal piqués, pas très bien banderillés, permettent deux, voire trois séries à la muleta et, la lumière s’éteint...
Quand à 21h13 Urante (632 Kg) sort du toril de la même manière que ses frères, l’on se met à penser que la messe est dite. En effet, même sortie froide que ses frères, fuyard, Saul n’arrive pas à lui claquer une seule véronique. La première pique administrée par Fransisco de BORJA RUIZ est portée dans la règle. Urante met la tête en dessous l’étrier, plie les pattes arrières et pousse fort en mettant les reins. Après une seconde un peu trasera, Saul nous gratifie d’un bon quite par tafalleras, conclu par une media bien posée. La faena de muleta débute à droite en deux séries qui vont a menos (comme ses frères). Dès qu’il passe à gauche, il se fait bousculer sur sa première naturelle. Il se relève ensanglanté par le sang du taureau et, à partir de ce moment là, la dramaturgie est en place. Saul se met dans les cornes, oblige le toro, le domine des deux côtés, prenant des risques, les pieds rivés dans le sable venteño. Il conduit le toro dans les mouvements que lui seul décide. Il nous offre une deuxième partie de faena donnée con el paquete p’alante. Une faena de macho faite de dominio et de courage qu’il conclue d’un grand estoconazo en rentrant droit dans les règles. Urante se couchera à 21h 33… et la troisième partie débute, celle de la colère.
Au moment ou se couche Urante, Las Ventas est debout, agitant le mouchoir blanc. Je n’ai pas de souvenir d’avoir vu une arène aussi blanche. Le président Don Jose MAGAN ALONSO rebaptisé par mes soins Don CABRON Y COÑO reste stoïque… La bronca monte de plus en plus fort, nous frôlons l’émeute. Les mules trainent les pattes en se disant, on ne sait jamais, mais lui, "le roi des cons sur son trône" ne bouge pas même un sourcil. Elles décident donc de se mettre au travail et c’est sous une bronca indescriptible qu’Urante quitte le ruedo alors que Saul JIMENEZ FORTES entame une double vuelta al ruedo très fêtée, et applaudie malheureusement sous les coussins qui commencent à tomber. Sortie des toreros sous les aplausos et nouvelle énorme bronca au président qui expliquera, le lendemain dans la presse, que la pétition n’était pas majoritaire !! Effectivement, Mr le président, elle était unanime et vous avez oublié que la première oreille ne vous appartient pas.
La conclusion de cet incident m’a été offerte par un aficionado espagnol que j’ai croisé dans l’escalier des tendidos et à qui je demandais pourquoi le président n’a pas donné l’oreille, il m’a répondu, en espagnol dans le texte: « Porque ??? porque es un hijo de puta !!! »
CQFD.
Patrick SOUX