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LA REPRISE

Publié le par Cositas de toros

 

     Après la libération, les arènes de Lachepaillet ouvrent leurs portes pour quelques clameurs timides et frileuses, le 9 septembre 1945. Ce sera l’unique corrida sur le territoire français, cette année-là.

Le nouveau propriétaire du coso bayonnais est Marcel Dangou qui l’acheta et le géra jusqu’à sa mort en 1977. Il avait échoué au rachat juste avant la guerre, en 1937, battu par Eduardo Pages. Après sa disparition, les arènes sont achetées par la mairie avec pour puissant prestataire, les basques espagnols "Choperas".

 

     Voici les lignes tirées des ouvrages cités dans le chapitre précédent par Claude Pelletier.

                                      

                                   «  1945, reprise et désastre d’Angelete

 

     … La nouvelle empresa réussit d’emblée un tour de force d’organisation. En pleine pénurie de tout, alors que les relations avec l’Espagne sont pratiquement nulles, Marcel Dangou se procure trois toros de Felix Moreno, trois autres de la Cova, s’assure le concours du Mexicain "Cañitas", des espagnols "Andaluz" et "Angelete" et garnit aux trois-quarts les gradins en dépit des restrictions et des tickets d’alimentation. Mais il y a une telle envie de toros et de fêtes après six années d’interruption ! La course sera même radiodiffusée aux États-Unis avec des commentaires de Sidney Franklin, ex-novillero Yankee. D’ailleurs, mille billets ont été réservés aux étudiants mobilisé de l’université américaine de Biarritz. "Cañitas" est décevant, "Andaluz" coupe quatre oreilles et une queue – récompenses excessives pour un toreo plus brillant que sincère – et le malheureux "Angelete" essuie un désastre qui entre dans les annales de la plaza.

     Déjà en difficulté face au troisième (2 avis), il est mis en déroute par le dernier toro de Moreno Ardanuy qui finit décomposé et réfugié aux planches.

     "Angelete" commence bien, en sortant le cornu de sa querencia. Mais l’animal, douché et ragaillardi par l’averse qui noie la seconde moitié de la course, récupère à vue d’œil et déborde complètement son matador. J’ai vu en deux ou trois occasions le phénomène se produire : les toros d’un après-midi torride commencer normalement sans forces excessives, puis terminer avec un souffle et des pattes terribles dans une atmosphère soudain rafraîchie par l’orage. Comme si les bêtes, mieux oxygénées, retrouvaient un tonus émoussé dans la touffeur qui précède la pluie.

     Le pauvre "Angelete" patine dans la boue, perd soudain confiance et devient catastrophique à l’estoc. Imperturbable, le président Fourniol* envoie les trois avis réglementaires dans les délais prescrits, et le Saltillo rentre au toril tandis que le torero s’effondre, nerfs brisés, au callejón.

     Images pathétiques. Elles ne devraient susciter que le silence respectueux de l’aficionado quand l’échec est imputable aux carences techniques ou physiques de l’homme plus qu’au renoncement de sa volonté. Malheureusement, la bronca secoue Lachepaillet.

     Ce "Correlindo" comme ses cinq congénères livrera son précieux stock de protéines le lendemain aux halles assiégées par une population enfin libre mais encore affamée. Il en coûtera de 50 à 120 francs le kilo sur présentation de cartes familiales pour écarter les « resquilleurs » de Biarritz ou Anglet. Les abats seront « réservés » aux prisonniers de guerre… Aquellos tiempos ! »

 

La terna du jour :

 

 

     - Carlos Vera Muñoz "Cañitas" est né le 27 septembre 1922 à Mexico. Le 16 septembre 1930, à 8 ans, il saute comme espontáneo dans le ruedo de la plaza del Toreo. Il prend l’alternative le 9 novembre 1941 dans cette même arène mexicaine, parrainé par "Armillita Chico", le témoin étant Ricardo Torres. Il confirmera en 1944 effectuant 19 paseos en Espagne pour sa présentation. Vaillant et bon banderillero, il torée sur le vieux continent à 28 reprises, notamment à Bayonne  et à cinq reprises à Las Ventas.

Son dernier paseo, il le fit dans la plaza mexicaine de El Toreo, le 21 août 1960. Cet après-midi-là, un toro du fer d’Ayala le prit dans le triangle de Scarpa, jambe droite. Ce fut d’une telle gravité qu’après quelques jours, on l’amputa. Il finit sa vie tranquillement dans sa ville natale jusqu’à ce que, le 19 février 1985, il soit terrassé par un infarctus du myocarde.

 

 

     - Naissance à Séville, le 19 novembre 1919 de Manuel Alvarez "El Andaluz". Il prend l’alternative à Valence, le 15 mars 1942 avec pour parrain Vicente Barrera, et comme témoin, Juanito Belmonte Campoy, toro "Nadador" de la veuve Galache.

Il fut le premier torero à couper une oreille à la Feria de San Isidro, le 9 mai 1948. Il faut savoir que l’impresario Livinio Stuyck, l’année précédente, avait décidé de combiner toutes les corridas qui ont lieu au mois de mai en un seul abonnement, coïncidant avec la fête de San Isidro. Cette première feria s’appelait Feria de Madrid. C’est donc, l’année suivante en 1948, que la Feria que nous connaissons aujourd’hui fut créée.

Il déclina après un mauvais coup pris à Madrid en 1948, par un toro d’Urquijo lui causant une arthrite traumatique de l’articulation fémorale droite. Il s’éloigne de la profession en 1952. Ce matador à l’art pur et sobre, meurt le 18 février 2000 à Séville.

 

 

     - Eugenio Fernández Sánchez "Angelete" est né à Baños de Montemayor (Cáceres) le 23 mars 1923. Les débuts sont difficiles après son premier habit de lumières dans les arènes de Salamanque le 11 juin 1939. Il choisit les arènes de Barcelone pour son alternative, le 12 octobre 1942. Il était parrainé par le célèbre cordouan Manuel Rodríguez Sánchez "Manolete", sous l’œil du madrilène Manuel Escudero Gómez "Manolo Escudero", le toro de la cérémonie, "Sombrerero" de Doña Caridad Cobaleda.

Après plusieurs saisons en demi-teinte, "Angelete" choisit de se couper la coleta lors de la temporada 1950.

 

 

 

     L’année 1893 voit la construction des arènes de Lachepaillet sur la terrasse de Maledaille (mauvais fossé) dominant les barthes de l’Adour. L’emplacement choisi n’est qu’un champ de choux. Aujourd’hui quartier résidentiel, à la fin du XIXe siècle s’était une partie de la ceinture maraîchère s’étendant avec plus d’importance vers Anglet.

 

 

     Voici donc la jolie plaza bayonnaise avec ses ouvertures mauresques.

 

L’inauguration eut lieu le dimanche 30 juillet 1893 avec des toros du Comte de la Patilla (ex Zapata), même élevage que lors de la première inauguration des arènes de Saint-Esprit, le 21 août 1853 : première corrida intégrale à l’espagnole en France, le maire, Jules Labat, jette la clé.

Pour l’édition de 1893, le cartel inaugural est composé de Valentin Martín, Julio Aparici "Fabrilo" remplaçant Mazzantini blessé le 24 à Valence et Antonio Arana "Jarana".

« C’est "Fabrilo" qui triomphe. Martín est discret et "Jarana" passe inaperçu. »

 

 

     Les fêtes de Bayonne reprirent en 1947 après l'interruption de 1939 à 1946.

Voici l'affiche très sobre et la mention "on bradera"... les toros ?

 

 

    La corrida des fêtes eut lieu le dimanche 3 août avec deux novillos de Pinto Barreiro pour Conchita Cintrón, "la déesse blonde" qui faisait sa présentation en France et six toros du même élevage pour les toreros "Morenito de Talavera", "Parrita" et "El Vito".

Le bétail portugais arriva par voie maritime au port de Bayonne.

Question : les toros peuvent-ils souffrir du mal de mer ?

Ils débarquèrent donc en cet été 47, car si les conditions avec nos voisins espagnols se modifièrent : les hommes peuvent passer à nouveau la frontière, par contre le bétail est toujours frappé d'interdit.

Marcel Dangou ne se démonte pas, il frète un petit vapeur, le "Nereida", et va chercher ses toros au Portugal !

 

  Ci-dessus, la portada de Toros , Biou y Toros du 15 août 1947, relatant la corrida du 3.

 

     Cette année-là, il y eut deux autres corridas, le 15 août et le 7 septembre.

C'est depuis cette année de 1947 que le maire confie symboliquement les trois clés de la ville à des célébrités invitées à les jeter à la foule depuis le balcon de l'Hôtel de ville ; trois clés, celles des quartiers du Grand-Bayonne, du Petit-Bayonne et de Saint-Esprit.

A l'origine, les couleurs des tenues des fêtes étaient le bleu et le blanc, le bleu représentant la masse ouvrière. Le rouge n'a été instauré que par imitation des fêtes de Pampelune, la cité navarraise jumelée avec la capitale du Labourd depuis 1960.

Sachez aussi que la corrida accompagne ces fêtes depuis 1933.

 

     Et en 1948, Lachepaillet vibra aux sons des six paseos du 11 juillet au 12 septembre avec en ouverture, la première becerrada organisée par le Cercle Taurin Bayonnais, la temporada se terminant par un festival.

 

     Et la fête bayonnaise ne vit plus d'interruption jusqu'à cette maudite année 2020 !

 

Fêtes virtuelles...

 

 

 

 

* Joseph Fourniol. Grand aficionado bayonnais, un des pionniers de l’afición vicoise qui a donné en 1956, son nom aux arènes gersoises. Ils ont été, lui et Alfred Degeilh "Aguilita", les deux principaux conseillers bénévoles de l’afición vicoise.

 

 

   "Aguilita" « toriste puriste » à qui la fortune permettait de vivre de ses rentes, finança la revue toulousaine Le Toril avant d’en prendre la direction en 1925. Sa devise "Retour à la vraie corrida, guerre aux abus et aux compromissions". Cette revue est la plus importante et la plus informée de toutes les revues qui furent publiées en France dans la première moitié du XXe siècle. Intransigeant, il heurta le sentiment de certains collaborateurs et Le Toril vit de nombreuses grandes signatures l’abandonner entre 1934 et 1940.

 

 

                                                                ? !

 

      Dans Le cheval de corrida. (7) du 21 avril, je tirais de brèves lignes sur les pandémies et notamment la Grippe Espagnole particulièrement virulente entre 1918 et 1919.

Mais que faisaient durant cette pandémie, les Espagnols, ceux qui n'agonisaient pas ?

Ils se donnaient rendez-vous por la tarde, sur les tendidos, le masque ayant remplacé le pañuelo !

Viva la Fiesta !

 

 

 

                                                                       Gilbert Lamarque       

                                              

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