L’ENCIERRO DE PAMPLONA. 1ère partie
HISTOIRE
D’après les sources historiques, en 1385, sous le règne de Charles II de Navarre, il y avait déjà des courses de toros différentes, bien sûr, de celles que l’on connaît actuellement mais qui impliquaient, comme aujourd’hui, le transfert des toros jusqu’aux arènes, pour y être toreados ou pour "jouer" avec eux sans mise à mort.
A l’époque, les toros étaient conduits à pied à travers la campagne jusqu’à la ville et le dernier tronçon, dans les rues de Pampelune, était réalisé au petit matin, pour ne pas déranger les habitants, et à toute vitesse, les bergers excitant les bêtes pour qu’elles se dépêchent de terminer le trajet. Si l’on considère donc que l’encierro remonte à ce lâcher des toros dans les rues pour les faire rejoindre les arènes, il s’agit d’une pratique qui remonte à au moins 600 ans et cet encierro devait vraisemblablement être accompagné d’un desencierro, lorsque les animaux quittaient la ville pour retourner à la campagne après la corrida, puisqu’en ces temps-là, les toros n’étaient pas mis à mort.
Ces premiers encierros appelés entradas (entrées), n’avaient guère à voir avec les encierros actuels. Un cavalier au galop annonçait l’arrivée des bêtes et il y avait toujours quelques jeunes qui couraient aux côtés du troupeau, sans respecter le règlement municipal qui interdisait officiellement cette pratique considérée comme une désobéissance à l’égard des autorités mais qui était consentie de fait, comme un moindre mal.
Jusqu’en 1844, l’encierro s’achevait à la Plaza del Castillo1 aménagée provisoirement en arènes pour les Sanfermines. Et ce n’est qu’en 1856 que les toros courent pour la première fois dans la Calle Estafeta2. En 13 ans, l’encierro a connu quatre parcours différents, il a traversé deux portes médiévales3 distinctes et il a débouché sur trois emplacements différents. Avec l’arrivée du chemin de fer, les animaux sont transportés en train et leur conduite à travers champs et dans les rues de la ville ne s’avère plus nécessaire.
Mais cette coutume qui risquait ainsi de disparaître, enracinée et comptant sur le soutien populaire, réussit à s’imposer à la volonté des autorités de l’interdire à jamais. De telle sorte que la Mairie est obligée de promulguer en 1867, le premier arrêté municipal régulant la course (horaire, parcours et normes internes), lui accordant ainsi la pleine légalité.
La dernière modification du trajet de l’encierro a lieu en 1922, à la suite de l’inauguration de l’actuelle Plaza de Toros, qui oblige le troupeau à tourner à gauche au bout de la Calle Estafeta, au lieu de tourner à droite comme auparavant.
1. La Plaza del Castillo dont le nom fait référence à la présence d’un ancien château des rois de Navarre, fait le lien entre le vieux Pampelune et la partie moderne de la ville appelée Segundo Ensanche. Elle fut construite dans le premier tiers du XXe siècle.
2. Calle Estafeta, la rue la plus populaire du quartier.
3. Portes médiévales : à sa création, Pampelune est une ville fortifiée protégée par des remparts. Bien que la majeure partie de l’enceinte ait été détruite lors de l’extension de la cité en 1915, certaines parties sont toujours visibles aujourd’hui.
PARCOURS

Le parcours de l’encierro de 875 mètres de long, suit le tortueux tracé médiéval du Vieux Quartier de Pampelune. L’urbanisme complexe de cette zone, fait que le trajet de la course arpente des rues escarpées, comporte des virages à angle droit, emprunte d’étroites rues, descende des pentes et pénètre dans un "tunnel" sous les gradins des arènes. Un parcours varié, très spectaculaire, est tout simplement dû à l’emplacement des anciens remparts, des portes médiévales et des arènes.
1ère partie, les toros sortent du corral situé dans un des anciens bastions de la citadelle.

La Cuesta de Santo Domingo, 280 m. C’est une pente abrupte jusqu’à 10 % de dénivelé, en partie coincée entre les hauts murs de pierre de l’ancien hôpital de Nuestra Señora de la Misericordia (XVIe siècle), aujourd’hui Musée de Navarre.
C’est contre ce mur qu’est disposée la niche abritant la statuette de San Fermín.

2ème partie.

La Plaza del Ayuntamiento ou Consistorial et la Calle Mercaderes. Ici le terrain est plat sur 100 m de long et 9 m de large. Au sortir de la place, l’encierro doit tourner légèrement à gauche, au début de la Calle Mercaderes.
3ème partie.

La Calle Estafeta, la plus célèbre, longue de 300 m et légèrement ascendante (2%). Le début est spectaculaire, avec le virage à droite à 90°, ce qui provoque le dérapage des toros qui, emportés par la force centrifuge, heurtent la palissade, tombant parfois et se dispersant.
4ème et dernière partie, la partie située au niveau de l’immeuble de la Telefónica, suit le callejón menant à l’entrée des arènes et enfin la Plaza.

C’est le seul tronçon en légère pente descendante de 120 m de long et 9 m de large au début, qui se termine en entonnoir pour s’engouffrer dans l’étroit callejón de 3,5 m de large et long de 25 m qui passe sous les gradins et débouche sur les 50 derniers mètres du sable de l’arène.
875 m, le parcours prenant compte de ces 50 m de traversée du ruedo.

A 8 h précises, une première bombe, el cohete, signale que les toros accompagnés des cabestros sont lâchés. La seconde indique que tous les toros sont partis du corral et sont sur le parcours. La troisième indique que tous les toros sont arrivés aux arènes. La quatrième, que tous les toros sont dans les corrales de la plaza.

En général, la durée de l’encierro varie entre 2 à 3 minutes.
PASTORES Y DOBLADORES
Les bergers ont toujours été associés à l’encierro. Au Moyen Age, lorsqu’il n’y avait pas encore de coureurs dans les rues, ils étaient chargés de conduire le troupeau à pied à travers la campagne et les rues de Pampelune.
Aujourd’hui, ils sont huit à dix à courir l’encierro, munis d’un bâton. Ils se relaient tous les 100 m environ et leur mission est de veiller à ce que le troupeau reste groupé, d’éviter qu’ils ne reviennent sur leurs pas et d’empêcher que certains coureurs sollicitent les toros par l’arrière.
Miguel Reta, l’emblématique ganadero de la Casta Navarra à Grocín (Navarre), est pastor lors des encierros pamplonais. Il est posté dans le virage de la Calle Estafeta.
Le règlement interdit de solliciter les toros tout comme de les toucher… Chaque année, le manquement à l’une ou l’autre des dispositions de la réglementation en vigueur est sanctionné de peine d’amendes.

Également, seules peuvent courir les personnes âgées de 18 ans et plus.

La figure des dobladores naît dans les années 1930 pour accroître la sécurité des coureurs qui envahissent l’arène à la fin de l’encierro. Il y a actuellement quatre dobladores dans le ruedo, tous ex-matadors, ex-novilleros ou subalternes, qui allient leur professionnalisme dans le monde taurin et leur grande expérience des encierros de Pampelune.
Munis chacun d’une cape et stratégiquement disposés dans l’arène, ils ont pour mission d’attirer les toros vers le toril le plus vite possible, pour éviter de mettre en péril les coureurs rassemblés. Ils sont les seuls habilités à aller chercher une bête, sans toutefois effectuer des passes de capote, exclusivement réservées aux toreros, l’après-midi.

PALISSADE
C’est 900 poteaux et 2700 planches en bois et divers éléments : vis, boulons, cales… Depuis 1941, cette protection est renforcée par une double clôture avec un espace de deux mètres entre la première et la deuxième palissade. Cette décision a été prise parce que le 8 juillet 1939, un toro de Cobaleda Sánchez appelé "Liebrero" a rompu la clôture existante et a dû être abattu par la Garde Civile devant l’entrée principale des arènes.
RECORDS ET PRÉCISIONS
L’encierro des toros de Miura en 1958, le 12 juillet, fut le plus long de l’histoire. Il s’est prolongé durant une demi-heure, à cause d’un taureau qui, une fois dans l’arène, refusait de rejoindre le toril. Il fallut faire appel à un chien de berger, le fameux perro "Ortega",

acclamé par le public et porté en triomphe en une vuelta al ruedo triomphale.(Voir Cositas, catégorie "Histoire" du 10 mai 2019).

Le toro le plus rapide s’appelait "Huraño", il pesait 600 kgs et appartenait à la ganaderia de Jandilla. Le 11 juillet 1997, devançant largement le reste du troupeau, il lui fallut à peine 1'45 " pour courir les 875 mètres du parcours.
Deux encierros sont tristement célèbres : celui du 13 juillet 1980 et celui du 10 juillet 1947, qui ont enregistré, dans chaque cas, deux décès le même jour, provoqués par un même toro. Le premier "Antioquio" de Guardiola, provoqua la mort d’un jeune sur la Plaza del Ayuntamiento et d’un autre dans l’arène. Le deuxième, "Semillero" de Murube, causa la mort d’un coureur dans la Calle Estafeta et d’un autre dans l’arène également. Le 8 juillet 1995, un Miura, une fois l’encierro terminé, s’échappa des arènes et dévala la rue en sens inverse. Un autre toro de Cebada Gago, fit de même le 12 juillet 1988 et se mit à courir en sens inverse toute la Cuesta De Santo Domingo jusqu’aux corrales d’où il venait de sortir.
Entre 1904 et 1932, il fallut procéder à huit reprises, à un double encierro, une deuxième course donc, une demi-heure après le premier, car l’un ou plusieurs toros refusaient de quitter les corrales de Santo Domingo à l’heure prévue !
On recense seize morts depuis le début des encierros, le dernier en 2009, le 10 juillet, toro de Jandilla.
56 % des coureurs d’un jour courent pour la première et dernière fois.
Environ 3.000 coureurs, 600 travailleurs et 20.000 spectateurs.
2.500 coureurs en semaine, 4.000 le week-end. 40 % sont de Pampelune ou de Navarre, 30% d’Espagne et 30 % d’étrangers.
80 millions de personnes suivent la course en direct ou en différé, aux infos et émissions à travers le canal international de TVE.
On peut louer un balcon pour un prix de 50 à 100 euros par personne et par jour… avec pour ce prix-là, un casse-croûte ou petit-déjeuner.
CANTIQUE
Avant le début de l’encierro, les coureurs qui vont effectuer la première partie du parcours, Cuesta de Santo Domingo, demandent par un chant, la protection de San Fermín dont une statuette est disposée dans une niche contre un mur. Ce chant est repris trois fois, et depuis 2009 en deux langues, l’espagnol et le basque.
Le voici,
A San Fermín pedimos
por ser nuestro patrón
nos guíe en el encierro
dándanos su bendición
et
Entzun arren San Fermín
zu zuitugu patroi
zuzendu gure oinarrak
entzierru hontan otoi.
Suivi de "Viva San Fermín" et "Gora San Fermín".

Gilbert Lamarque
… à suivre.