Classer les toreros, hisser un Numero Uno, c’est trop subjectif.
Je suis toujours plus partisan du toreo que d’un torero en particulier. Nous avons chacun notre sentiment sur la tauromachie et nous savons apprécier un torero sans qu’il ait le rang de figura.
Et après une faena éblouissante, chaque diestro est pour moi, le Numero Uno à cet instant : c’est sa gloire éphémère. Pourquoi vouloir hiérarchiser ?
Luis Miguel Dominguin s’étant proclamé à Madrid, Numero Uno, levant l’index après avoir coupé deux oreilles à un toro d’Antonio Perez, ne l’était pas plus qu’aujourd’hui Morante, José Tomas, Ponce, Castella ou Escribano, Rafaelillo, Juan Bautista, Perez Mota …
Et le résultat de l’escalafon en fin de temporada donne un classement sans beaucoup de rapport avec la réalité et encore moins avec les qualités avérées de chacun.
Nous sommes dans l’art tauromachique où nous apprécions selon nos sentiments, l’œuvre de l’artiste dans le ruedo qui fait surgir notre émotion, notre ressenti. Tout ceci est personnel. Il n’y a pas de suprématie. Un Numero Uno n’existera jamais à mes yeux ; tant pis pour cette manie de vouloir tout classer.
Un samedi 9 juillet à Teruel, le modeste torero Victor Barrio avait rendez-vous avec la fatalité, à 29 ans. Du vent, une muleta soulevée, une voltereta et soudain le drame
La corne de Lorenzo du fer de Los Maños, frappe au sol et tue. Avant lui, le petit novillero péruvien Renato Mota et le matador mexicain El Pana fermaient les yeux à jamais.
A Pamplona, Javier Jimenez, un vendredi 8 juillet se relève d’une voltereta, trois vertèbres cervicales fracturées ( nous ne le saurons qu’après la course), il revient sur le sable pour tuer son adversaire, puis n’écoutant pas les médecins, le voici parti occire son second Cebada Gago. Pour la gloire ? Non, pour des queux de cerise, des nèfles. Le pundonor !
Et Ivan Fandiño dans une ultime chicuelina est projeté au sol, Provechito de Baltasar Iban l’a voulu ainsi en ce 17 juin. Cela fait déjà si longtemps !
Au mundillo durement touché, seul le silence s’invite.
Alors, le Numero Uno nous semble aujourd’hui plus que jamais bien futile.
Serait-ce un heureux présage, la temporada 2018 débutant le jour de la Sainte-Véronique ?
« A la Sainte-Véronique, les marchands de marrons plient boutique ».
Arènes couvertes et pas chauffées. Les étagères fortement garnies.
6 novillos de Paco GALACHE (Salamanque), lourds, plus léger le 3, con trapio, nobles mais faibles.
Manuel DIOSLEGUARDE : vuelta et silence.
Dorian CANTON : oreille et oreille.
Juan José VILLA « VILLITA » : oreille et silence.
Peu de choses à retenir si ce n’est la découverte pour beaucoup d’aficionados de « VILLITA ». (2 oreilles le 28 janvier à la feria d’Ajalvir- Madrid, bétail d’Antonio LOPEZ GIBAJA). Garçon plein de promesses, aux naturelles bien léchées, aux beaux gestes et banderillero. Mais il faillit à l’épée à son second. Intelligemment, il sut maintenir debout son second novillo.
M. DIOSLEGUARDE fut desservi par la charge nullissime de ses adversaires et échoua aux aciers. Malgré une certaine froideur le caractérisant, s'étant mis en accord avec la température ambiante, il possède un bagage certain.
Quant à D. CANTON, triomphateur, prix remis par l’ACOSO, le Béarnais d’Asson tua rapidement d’une épée basse mais décisive. S’appliquant devant ses deux nobles cornicortos aux pattes de verre, il fut quelconque et certainement pas maître du jeu, le tissu maintes fois tutoyé. Mugron nous dévoilera t’il un autre Dorian devant des adversaires davantage dans son style ?
Le prix « Bernard Ménard » récompensant le novillero le plus méritant, revint logiquement à « VILLITA ».
Le matin, l’école Adour Aficion s’exprima devant des gradins bien garnis sous la conduite d’El MONTEÑO. Nous avons trouvé un Jean LARROQUETTE s’affirmant par son assurance et ses beaux gestes devant du bétail d’Alma Serena des frères BATS. Les Béarnais sont là !
Musique omniprésente lors de la tienta, qui nous poursuivit lors du repas sans jamais nous lâcher lors de la novillada : généreuse mais fort « puissante » compensant la faiblesse du lot dominical !
Pour clore notre dossier sur « l’Art de la Pique », nous vous offrons en lecture ce texte au charme désuet mais très instructif, didactique, précis et plein d’enseignement sur la pratique à la fin du XIXe siècle.
Ces lignes issues d’un ouvrage de 1895, sont l’œuvre de « Gil Drae » et « Mosca », guide imprimé à Nîmes à l’ « Imprimerie Taurine ».
Gilbert LAMARQUE
« Premier Tercio »
...
« … incertain. Le Picador ne saurait trouver de salut que dans la force de son bras et dans la précision de sa pique.
Toutefois il attend avec placidité.
Le cheval est quelquefois sacrifié. Trop souvent au gré de tous il reçoit de déplorables blessures. On doit se résoudre à son sort en le considérant comme une machine de guerre propre seulement à aider au triomphe de l’Homme, partageant ses dangers, jouant jusqu’au bout son rôle de sacrifice, subissant la conséquence d’une alliance fatale ; mais il est du devoir du picador de défendre autant qu’il peut son compagnon de bataille. Sa gloire est complète si, après le combat, le toro vaincu fuyant la pique, il peut, campé en triomphateur sur son cheval indemne, caracoler sous les bravos.
Le mérite principal de la suerte de vara (combat à la pique) est donc d’empêcher que le toro n’arrive jusqu’au cheval, le blesse ou le tue.
Qualités du picador. - Du coup d’œil et du sang-froid sont indispensables pour mener à bien cette tâche difficile. Le coup d’œil permet de juger le toro, le sang-froid aide à exécuter avec précision la suerte qu’un jugement certain impose et à improviser au besoin une défense appopriée.
Le picador doit être sûr de son poignet et de ses muscles. Ses forces ne le servent pas seulement contre le toro, elles lui permettent aussi de se délivrer du cheval en cas d’accident. Il doit pouvoir résister à la fréquence des chutes ; ses lourds vêtements ne doivent pas lui causer de gêne.
Cavalier consommé, le picador doit avoir les jambes puissantes, l’assiette solide et une bonne main gauche pour diriger son cheval.
Le picador doit être, en outre, respectueux des règles établies. A moins de commettre une faute grave, il ne saurait abandonner sa pique aussi longtemps qu’il en peut faire usage. S’il est désarçonné, la seule ressource qui lui reste, c’est de se garantir de son mieux, en dirigeant sa chute en avant du cheval ; il peut de cette façon, si le toro s’allume au carnage, se faire un bouclier du col de sa monture. Il faillirait gravement en se laissant choir du côté de la croupe la tête en arrière, et serait d’ailleurs, en cette posture, gravement compromis.
Le picador ne doit avoir recours à la barrière qu’à la dernière extrémité. Il ne doit jamais s’en approcher. Cette règle est d’ailleurs toute à son avantage ; car un toro lancé à fond de train peut éviter la pique et le picador acculé, ne pouvant modifier sa position, serait infailliblement perdu.
De l’état du toro pendant la suerte de vara. - Le succès du picador dépend au premier chef de la sûreté de son coup d’œil. Les toros, en effet, ne chargent pas tous de la même façon.
Boyantes (vaillants). - Ceux-là, dès leur entrée en lice, fondent sur le premier picador qui s’offre à leur vue ; après plus ou moins d’insistance ils obéissent au fer, et, prenant leur sortie, piquent droit sur un autre cavalier. La défense est avec eux facile et le travail brillant. On dit qu’ils sont durs s’ils poussent au fer, mous s’ils se plaignent du châtiment.
Pegajosos (acharnés à frapper). - A l’encontre des premiers, les toros pegajosos résistent à la pique, refusent la sortie indiquée et, s’acharnant au centre de la suerte, cherchent le corps avec les cornes. Leur attaque est redoutable au bras trop faible pour les retenir.
Toros que recargan (qui reviennent à la charge). - Dangereux entre tous sont les toros qui rechargent. Sous la pique, ils bondissent et semblent devoir prendre leur sortie, mais ils reviennent à la charge avec une nouvelle impétuosité et, s’efforçant de passer entre la pique et le cheval (colarse suelto), ils portent avec obstination des coups réitérés.
Certains toros, après avoir senti la pique, s’élancent à nouveau ; mais au lieu de baisser la tête pour frapper, donnant ainsi prise au fer, ils s’irritent et portent haut. On dit alors qu’ils s’allument au fer. Il n’est pas de bras pour résister à leur choc. Le picador, pour éviter une blessure, n’a plus qu’à se laisser choir entre les cornes ; soulevé dans cette posture, il court la chance de ne pas être blessé.
La vara, ou pique, longue de 3m 50 environ, est armée à son extrémité d’un fer triangulaire affilé à la lime, dont la longueur varie suivant la saison. Pendant les mois d’avril, mai, juin et octobre, le fer a 25 millimètres de long et 15 millimètres à la base ; dans les mois de juillet, août et septembre, ces dimensions sont de 23 millimètres pour la longueur et 16 millimètres de diamètre à la base. Après ce fer est une boule d’arrêt, dite citron, à cause de sa forme.
Chaque picador choisit deux piques la veille de la course, et les marque à son nom ; il n’a droit à se servir d’autres piques qu’autant que les premières viennent à se rompre.
Il doit y avoir en réserve cinq chevaux pour chaque toro, nonobstant ceux que l’autorité peut accorder, sur la demande du public. Le picador a le droit de choisir sa monture et de refuser celle qui ne lui paraîtrait pas offrir des garanties de résistance suffisantes.
Un picador, dit picador de réserve, armé et en selle, se tient dans le couloir du toril, prêt, en cas d’accident, à prendre dans l’arène la place d’un de ses compagnons.
Invariablement, dans toute suerte de vara, un torero seconde le cavalier ; c’est à l’espada ou à son sobresaliente que ce soin est dévolu (quite).
Le cheval s’offrant de face, le terrain du toro est à la gauche du picador ; le torero qui doit faire le quite occupe le terrain que découvre le cavalier, en donnant sa sortie au toro
Le picador doit piquer en los rubios, c’est-à-dire entre les deux omoplates, au milieu de cette protubérance qui orne le cou du toro et qu’il découvre complètement en humiliant. Toutes les piques placées là avec précision sont bonnes. Le maronazo, qui déchire la peau et fait une large blessure, est défectueux.
§ II. - DIVERSES SUERTES DE PIQUE
Dans la plupart des suertes de vara, le picador cite le toro. Dressé sur ses étriers, la face changée, il brandit sa pique dans un cri, et l’on ne distingue dans ce visage sombre que le troi noir de la bouche et l’éclat féroce des yeux. Puis, sa pique en arrêt, tous les muscles tendus, il attend le choc.
Piquer à toro levantado. - Cette pique s’exécute à la sortie du toril, alors que le toro, dépourvu d’expérience, est en possession de toute sa fougue et porte haut.
Le succès dépend en grande partie de la franchise de l’animal ; aussi, ne l’exécute-t’on qu’avec les toros boyantes ou levantados.
Le picador se place en face du toril, le flanc droit de son cheval parallèle à la barrière, laissant entre elle et lui un espace de 4 mètres ; le toro surgissant de sa loge ne peut manquer de l’apercevoir et de l’attaquer de prime abord. Arrivé par la gauche, le toro, pour que la suerte soit impeccable, doit incliner vers la droite et prendre sa sortie entre la barrière et le cheval. Cette suerte peut se décomposer ainsi : au moment du choc, le cheval se tient immobile, dans une ligne sensiblement parallèle à la barricade et au toro. Au moment où le picador découvre au toro son terrain de sortie, il place son cheval perpendiculairement à l’axe du corps du fauve maintenu parallèle à la barricade. Voici comment manœuvre le picador : le fer engagé, sans cesser de peser sur la pique pour maintenir le toro immobile et cornes baissées, il déplace son cheval, en laissant pivoter sur ses pieds de devant d’un quart de cercle sur la gauche, dans la direction du centre de la place. Le cheval, qui naguère faisait face au toril regarde maintenant la barrière et le flanc droit du toro. Loin de maintenir le toro comme au début de la collision, alors qu’il le recevait de face poitrail contre garrot, le picador, placé un peu en arrière et perpendiculairement au fauve, l’oblige à prendre sa sortie le long de la barrière, en précipitant sa marche en avant par une pesée plus violente. Si le toro refuse la sortie et se retourne, il trouvera le picador lui présentant le flanc droit de son cheval, en garde prêt à piquer.
Si, à la deuxième attaque, le cheval est blessé, et s’il y a une chute, le picador peut tomber entre le cheval et la barricade ; sinon, continuant son mouvement, il vient se ranger parallèlement à la barrière, la pique tournée vers le centre de l’arène. Avec des toros pegajosos, le picador doit piquer avec la plus grande violence et charger sur le bois de toute sa vigueur, afin de faire violemment humilier le fauve. C’est le moment qu’il choisit pour croiser son cheval, en sorte qu’au moment où il relève la tête, le toro découvre nettement sa sortie et ne voit pas le cheval.
Piquer le toro en su rectitud (dans son axe). - Cette pique s’effectue avec un toro un peu fatigué (parado). Elle est plus difficile que la précédente, parce que le toro s’attache plus au corps.
Le picador est placé perpendiculairement à la barrière, lui tournant le dos. Le toro, sur la même ligne, lui fait face, ayant derrière lui le centre de la place.
Arrivé de face, le toro, pour que cette suerte soit parfaite, doit, sous l’effort de la pique, prendre sa droite et lorsque le picador s’est effacé, accepter sa sortie dans cette direction, entre le cheval et le centre de la place.
Cette suerte peut se décomposer en deux mouvements principaux :
1° Au moment du choc, poitrail contre garrot, le picador est placé sur la même ligne que le toro, perpendiculairement à la barrière ;
2° Au moment où le picador découvre son terrain de sortie au toro, il range son cheval par le flanc gauche, dans une ligne relativement parallèle à la barrière.
Voici comment manœuvre le picador : il cite le toro ; le fer engagé, contrairement à ce qu’il fit dans la suerte précédente, sans cesser de peser sur la pique, il déplace, en le faisant lentement pivoter sur ses pieds de derrière, l’avant-train de son cheval d’un quart de cercle sur la gauche, dans la direction de l’extérieur de la place. Le cheval, qui naguère faisait face au centre de l’arène, est maintenant parallèle à la barrière. Le toro forçant sur la pique, en même temps que tourne le cheval, s’est complètement déplacé. Le picador d’une pesée continue lui repoussant l’avant-train, lui a fait décrire un quart de cercle à droite, à l’intérieur du centre de la suerte, dans la direction de la tête du cheval. De telle sorte qu’au moment où il lâche prise, cheval et toro se trouvent en quelque sorte flanc à flanc. Dans ce mouvement, le cheval pivote sur ses pieds de derrière, en déplaçant son avant-train d’un quart de cercle vers l’extérieur de la place, tandis que le toro pivote, au contraire, sur ses pieds de devant, en déplaçant son arrière-train de la même quantité, dans la même direction. Cheval et toro sont en quelque sorte liés par un pont de contact immuable : le fer de la pique, sommet d’un angle mobile, dont les côtés se rapprochent de plus en plus. Ce mouvement correctement effectué, la tête du cheval est un peu en arrière de l’avant-train du toro qui, ne voyant plus son adversaire et poussé en avant par la pique, prend la sortie qu’on lui découvre nettement.
Piquer atravesado (par travers). - A une certaine distance, le cheval, placé parallèlement à la barrière, présente le flanc droit au toro. Arrivé de face, le toro doit prendre sa gauche et accepter sa sortie dans cette direction, entre le cheval et le centre de l’arène. Le cheval ne change pas de position ; pour sortir de la suerte, il se défile parallèlement à la barrière.
Le picador attend, pour placer la pique, que son adversaire le serre de près et qu’il humilie. Le fer engagé, se tournant légèrement et se penchant sur la selle, il s ‘efforce, en lui repoussant l’avant-train d’une pesée continue, de faire décrire au toro un quart de cercle àgauche, à l’intérieurdu centre de la suerte, dans la direction de la queue du cheval. De telle façon qu’au moment où, poussant sa monture, il lâche prise, cheval et toro se trouvent flanc à flanc, mais au contraire de la suerte précédente, tête bêche. Les deux adversaires, emportés par un élan simultané mais inverse, se disjoignent pour fuir dans une direction opposée.
Piquer a caballo levantado (cheval cabré). - Le picador croise son cheval (le place perpendiculairement à l’axe du toro), un peu sur la gauche.
Arrivé de face, le toro doit, sous l’effort de la pique, conserver sa ligne droite et passer, pour et trouver sa sortie, sous le ventre du cheval.
Voici comment manœuvre le picador :
Au moment du choc, il pique fortement et maintient le toro tête basse aussi lontemps que ses forces le lui permettent. Sous la pesée de ce bras, le toro ne peut relever que progressivement la tête. Bientôt les cornes du toro arrivent à la hauteur de l’épaule du cheval. Le picador, à ce moment précis, joue de l’éperon et tire sur le mors du cheval qui se cabre. Penché sur la selle, dans un suprême effort, il pousse en avant le toro et l’oblige, en l’accompagnant de sa pique, à passer sous ce pont de chair vivante. Le cheval pirouette sur ses pieds de derrière et se rétablit. Le picador ne s’occupe plus du toro, qu’un torero retient en l’occupant de sa cape. Luis Chardo et Pablo Cruz excellaient dans cette suerte périlleuse entre toutes. Mais c’étaient là deux maîtres picadores, et les montures dont ils se servaient étaient vigoureuses et de bouche sensible. »
Nous terminons ce dossier par une communication de notre abonné Marc ROUMENGOU précisant les versions et modifications postérieures au textes cités précédemment.
Qu'il en soit ici, remercié.
L’ART DE LA PIQUE (1) LA PIQUE ET SON MONTAGE - publié le 15 janvier 2018 Il est indiqué que ce texte avait été édité en 1988. C’était l’époque où était en vigueur le Règlement Espagnol des Spectacles Taurins (REST) daté du 15 mars 1962, mais il y a eu deux versions postérieures (28.2.1992 et 2.2.1996) qui ont apporté un certain nombre de modifications, certaines d’entre elles contredisant le texte cité. En tout cas, et de tout temps, la pique (esp. : puya) montée sur sa hampe (esp. : vara) a constitué et constitue la garrocha et non la pique. « … et envoyées par le fabricant à l’union des criadores de toros de lidia à Madrid pour être vérifiées et contrôlées. « Si elles sont reconnues conformes lors de ce contrôle, cet organisme apposera sur le buttoir de cordelette vernis, une bande de papier portant son cachet, la date de vérification et le numéro de chaque puya. L’inscription sera en rouge pour les piques utilisées en novillada et en noir pour celles devant être employées en corrida de toros, attestant ainsi que la puya est règlementaire et de bonne qualité. Un certificat récapitulant les numéros des 18 puyas contenues dans une caisse sera joint à l’intérieur de celle-ci. La caisse sera plombée pour éviter toute fraude. » Tout cela a disparu depuis le règlement espagnol des spectacles taurins daté du 28 février 1992. La corde qui entoure le pseudo-buttoir n’est pas vernie, mais encollée. « Le délégué, …, vérifie les numéros des piques qu’elle contient avec ceux du certificat joint. »
Cette phrase n’existe plus : depuis le 28.2.1992 il n’est plus prévu de certificat (puisqu’il n’y a plus de contrôle préalable), et s’il y en a un, il s’agit d’un faux. De même que la bande de papier entourant la boîte des piques et son couvercle, est un faux scellé apposé par le fabricant lui-même. Par ailleurs : 1/ le REST n’a jamais connu de délégué aux piques mais un délégué de l’autorité (esp. : de la Autoridad), jusqu’à courant février 1992, puis un délégué gouvernemental (esp. : Gubernativo) à compter du 28.2.1992. 2/ jusque là, les piques n’étaient pas envoyées à l’“Union de Criadores de toros de lidia” mais le REST disait qu’elles devaient être vérifiées et “scellées par les syndicats d’Élevage et des Spectacles taurins”. 3/ jusqu’au REST du 15.3.1962 inclus, il était spécifié que le délégué de l’autorité devait être en possession d’un gabarit (esp. : escantillón) destiné à contrôler les dimensions des piques. Cette obligation a disparu avec la promulgation du REST du 28.2.1992 où l’article qui définit les dimensions des piques Indique simplement : « dimensions appréciées [sic] avec le gabarit », sans préciser quand ni par qui cette appréciation doit être faite. Or, cette situation confuse commence justement lorsque le contrôle aux arènes-même est devenu indispensable du fait de la disparition du contrôle préalable et paritaire (par les représentants des éleveurs et ceux des toreros).
ANNEXE A "LA PIQUE ET SON MONTAGE"
PIQUE A CROISETTE
DÉFINIE PAR LE RÈGLEMENT ESPAGNOL DES SPECTACLES TAURINS
On voit que la douille est percée d'un trou pour le clou servant à la fixation sur la hampe.
CERTIFICAT DE CONTRÔLE PRÉALABLE ET PARITAIRE
N'existe plus à compter à/c du REST du 28 février 1992.
L’ART DE LA PIQUE (2) – LE PICADOR ET SA MONTURE L’administration de tranquillisants aux chevaux de picadors n’est ni autorisée, ni clairement interdite, par quelqu’un des règlements espagnols successifs, actuel compris. Mais dans le paragraphe 6 de l’article 60 du REST actuel il y a la phrase dont voici la traduction : « De même seront éliminés ceux [les chevaux] qui présentent des symptômes d’avoir été l’objet de manipulations ayant pout fin d’altérer artificiellement leur comportement. Dans de telles suppositions, les vétérinaires proposeront au président la pratique des analyses correspondantes aux fins de vérification. Il sera procédé de même si leur comportement ultérieur dans l’arène le conseille. » Autrement dit : droguez, mais pas trop. En tout cas, le règlement ne dit pas ce qui se passera si les analyses sont positives et cette administration de tranquillisants est largement pratiquée par certains fournisseurs de chevaux. Le Conseil général des Collèges Vétérinaires d’Espagne acceptait cette pratique à condition qu' "elle soit réalisée par un vétérinaire et à l’aide d’un produit connu et à la dose correcte” (voir à ce sujet Entre Campos y ruedos — Saragosse, Ibercaja, 1991). La calotte (ou coiffe) du chapeau de picador (le castoreño) est de la couleur naturelle du feutre.
L’ART DE LA PIQUE (3) - LE DÉROULEMENT DU TERCIO Il y a un certain nombre d’années on comptait parmi les buts du premier tiers : - celui d’apprendre au taureau à attaquer droit ou à le confirmer dans ce comportement. L’immobilité du picador qui jouait ce rôle, ce qui excluait donc son remplacement éventuel par un rejoneador comme le préconisaient certains (Pierre Aymard “Refilon”, entre autres). - celui de limiter les mouvements de l’encolure et de la tête du taureau, mouvements qui sont extrêmement gênants et dangereux pendant la faena de muleta. Seules les piques appliquées dans le morrillo peuvent léser les muscles responsables de cette mobilité et on constate actuellement que durant la plupart des faenas de muleta, les taureaux ont la tête extrêmement mobile, conséquence de piques mal placées. Ces deux buts ne sont plus jamais énoncés ; pourquoi ? Il y avait aussi celui de faire baisser la tête du taureau pour permettre de l’estoquer ; cela n’est plus nécessaire puisque les éleveurs fabriquent maintenant des bêtes qui ont les épaules plus basses que la croupe. Le REST actuellement en vigueur (du 2.2.1996) prévoit que les raies doivent être tracées à 7 et y 10 m de la barrière et non à 7 et 9 m qui étaient les distances initiales, celles prévues dès leur “imposition” (11 avril 1959) distances reprises par le REST du 15 mars 1962. Maintenant il doit donc y avoir un intervalle de 3 mètres entre elles. Le mot morillo (avec un seul “r”) signifie chenet. En espagnol, la partie haute de l’encolure s’appelle morrillo (avec deux “r”). Le taureau étant un quadrupède, la base du morrillo est sa partie inférieure ; une pique à la base du morrillo est une pique basse, donc défectueuse. La partie du corps du taureau où l’on doit piquer a figuré pour la seule et unique fois dans le REST du 28 février 1917. Depuis lors, les REST successifs ont été muets sur ce point. Mais, depuis 1998, le RTM mentionne dans son article 73—4 : « Le picador devra piquer dans le haut du morillo [sic] ». Sauf erreur de ma part, le REST actuellement en vigueur n’évoque même pas le ou les “picadors de réserve”. Le sens de déplacement des picadors dans l’arène (pourquoi parler de la “piste” ?) n’a jamais figuré dans un REST. La logique voudrait que : - avant de piquer, ou entre deux piques, le sens de rotation soit le sens des aiguilles d’une montre (la barrière à main gauche), c’est à dire en ayant la garrocha du côté sur lequel le taureau pourra attaquer. - après la sonnerie ordonnant le 2e tiers et par conséquent la fin du premier, ils s’en aillent par le trajet le plus court possible, quel que soit le sens de rotation. Jusqu’au milieu du XXe siècle, et même au delà, dans les arènes espagnoles ayant un callejon suffisamment large, on ouvrait dans la barrière la première porte qui se trouvait sur leur chemin et, à partir de là, les picadors s’en allaient par le callejon. * * * ADDITIF EN FORME DE COMMENTAIRE RELATIF AUX RÈGLEMENTS ESPAGNOLS DES SPECTACLES TAURINS (REST) Il ne s’agit ici que des REST ayant été applicables sur l’ensemble du territoire espagnol. À compter de 1848 il y eut en Espagne un très grand nombre de règlements des spectacles tauromachiques, mais chacun d’eux ne concernait qu’une province, voire qu’une seule ville. En 1917, le premier règlement presque général vit le jour : le 28 février 1917 le ministre de la Gobernación communiqua aux gouverneurs civils une ordonnance royale édictant un règlement composé de 114 articles, applicable à partir du 20 mars 1918 : - dans sa totalité dans les arènes de sept capitales de provinces, - seulement pour sa partie concernant les infirmeries et le tiers des piques, dans toutes les autres arènes d’Espagne. Il attribuait la présidence à la plus haute autorité de la province (même si elle déléguait ses pouvoirs) et lui donnait des pouvoirs de règlementation technique sans comparaison possible avec ce qu’il en était pour d’autres catégories de spectacles. Il ajoutait la rondelle après le butoir de la pique alors en service, donnait au matador le plus ancien le rôle de directeur artistique du combat, et créait l’examen post mortem des taureaux combattus. Le 20 août 1923, il y eut promulgation d’un “Règlement officiel des corridas de taureaux, novillos et becerros” applicable sur tout le territoire espagnol ; il aurait du entrer en vigueur le 1er janvier suivant. Mais l’ordonnance royale du 9 février 1924 lui substitua un autre texte dont le champ d’application était le même que celui du règlement de 1917. Le 13 juin 1928, en additif au règlement, une ordonnance royale imposa l’utilisation, dans toutes les arènes du pays, du peto (mot qui signifie plastron et non caparaçon) protecteur des chevaux de picadors Et enfin, le 12 juillet 1930 fut promulguée l’ordonnance royale n° 550 intitulée : “Règlement officiel pour la célébration des spectacles taurins et de tout ce qui s’y rapporte”, ce qui incluait donc les spectacles et festivités populaires, plus ou moins traditionnels tels que les becerradas, capeas, encierros, taureaux à la corde, etc. Ce texte contenait 137 articles, applicables à partir de janvier 1931 dans toute l’Espagne. Il allait être en vigueur jusqu’en 1962, période pendant laquelle il subit de très nombreux compléments, additifs et rectifications, notamment : - l’interdiction des capeas et autres spectacles célébrés dans les rues et places des agglomérations (1931). - l’imposition d’une l’épée spéciale pour achever le taureau mortellement blessé et encore debout, c’est à dire pour le descabellar (1934). - l’adoption d’une deuxième circonférence tracée sur l’arène (1959).
Tant de modifications dispersées dans diverses ordonnances et circulaires ministérielles justifiaient l’adoption d’un autre texte regroupant tout ceci ; ce fut le REST du 15 mars 1962, composé de 138 articles. Il fut très favorablement accueilli par l’ensemble des chroniqueurs taurins, mais je l’ai appelé la grande illusion car il présentait un certain nombre de lacunes. Dix neuf ans plus tard, le vote de la loi du 4 avril 1991 sur les “pouvoirs administratifs en matière de spectacles taurins” (première loi espagnole relative à la tauromachie) prévut la publication ultérieure d’un règlement d’application, en l’occurrence un nouveau règlement des spectacles taurins. Et c’est ainsi que le décret royal du 28 février 1992 édicta ce nouveau REST, remplacé ultérieurement par celui promulgué par le décret royal du 2 février 1996, règlement toujours en vigueur, sauf dans les autonomies qui ont adopté un règlement spécifique.
Le tercio de pique, le premier tercio de la corrida est aux yeux des aficionados a los toros le tercio le plus important, l’essence même de la corrida.
Force est de constater que nous sommes de moins en moins nombreux à penser de la sorte et qu’un transfert s’est fait vers l’art de la gestuelle, vers la plastique, vers la faena de muleta qui aujourd’hui se doit d’être un long enchainement de derechazos, naturelles ou autres… reléguant au second plan tout ce qui est bravoure, force, agressivité et complexité du toro aussi bien que, se croiser, mettre la jambe, charger la suerte pour le torero.
Il n’en reste pas moins vrai que, si le tercio de varas était mené comme il se doit, il aurait toute sa place dans la corrida d’aujourd’hui. Les articles publiés précédemment vous l’on démontré très largement.
Nous nous devons de « remettre les choses en ordre ».
Dans le fascicule LA PIQUE, édité par l’association « Le Taurin », achevé d’imprimé sur les presses de l’imprimerie Copylux à ARLES-SUR-TECH Août 1983, Henri CAPDEVILLE, alors Président de la Fédération des Sociétés Taurines de France écrivait dans un « pavé » intitulé, « Au 'Taurin' et à ses animateurs » :
« Si, comme il arrive trop souvent, le torero laisse s’endormir son adversaire sous la stupide mono-pique dont la plupart du temps il ne se réveillera pas, qu’il n’ait pas alors le front de venir prendre à témoin le public de sa bonne volonté face à un animal qui ne répond plus.
Pour redonner sa grandeur au premier tercio il faut évidemment que le toro puisse supporter un minimum de piques. Quand un toro, dès sa sortie du chiquero manifeste une faiblesse naturelle, comme autrefois il manifestait une sauvagerie naturelle, nous n’y pouvons malheureusement rien ou peu de chose. Tout au plus pouvons-nous bouder le spectacle. Mais quand un taureau est anéanti par les manœuvres frauduleuses d’une cuadrilla à la solde d’un matador peu scrupuleux, nous devons alors manifester avec force notre mécontentement.
La corrida ne retrouvera son lustre d’antan que lorsque le premier tercio aura retrouvé sa grandeur. »
Nous voyons donc que le problème du premier tiers n’est pas vraiment un problème nouveau, cependant Mr CAPDEVILLE ouvre une porte sur une des solutions, « il faut que le toro puisse supporter un minimum de piques ». Première amélioration : remettre de la caste, de la bravoure et du trapio dans le ruedo…
Ces dernières années, des efforts ont pourtant été fait visant à l'amélioration de ce tercio et ce, à deux niveaux. D’une part par l’allègement du poids des chevaux et d’autre part, par les nouvelles technologies qui ont permis d’alléger énormément le poids du peto. Un débat s’est installé : pour ou contre le changement de la forme du peto, certains voulant même revenir à un peto minimaliste afin de redonner toute la mobilité à la cavalerie. Il ne faudrait pas, pour une question d’amélioration du spectacle, remettre la vie des chevaux en danger.
L’autre amélioration à amener est bien évidemment sur le déroulement du tercio. Des efforts sont à faire notamment sur le nombre de piétons en piste, la seule présence du maestro en charge de la lidia et de son peon de brega serait favorable, le picador citant de face en croisant le terrain serait plus approprié, placer la puya avant la rencontre et, dans le morillo devrait être la règle et enfin, ouvrir la sortie au toro au lieu de la lui fermer en carioca, laisserait toutes les chances au toro de ne pas s’épuiser sous la poussée. Tous ces points mis bout à bout permettraient de produire un tercio de varas plus authentique et surtout permettrait de mieux juger l’animal sur sa bravoure. Il faudrait également des présidences capables de juger du bien fondé d’une remise en place ou pas du toro pour une autre rencontre et non pas laisser le choix au Maestro, mais là est un autre débat que celui de la technicité de la présidence qui est pourtant technique non ?
Dans le même ouvrage cité précédemment, dans l’article « De bon usage du rêve » Miguel DARRIEUMERLOU écrivait :
« Et pourtant, l’épisode des piques est trop souvent ce que l’on connait, une suerte effectuée en dépit du bon sens. Mais justement, le terme de suerte est-il toujours approprié ? Car la suerte de picar, aujourd’hui, ne couvre plus que l’unique façon de piquer un toro, avec ou sans carioca, dans le morillo ou ailleurs… »
Ce problème non plus n’est pas nouveau.
Depuis quelques temps un patron de cuadra de caballos se porte en nouveau sauveur de ce tercio tombé en dérision. Essayons de décortiquer un peu l’alternative qu’il nous propose. Des chevaux plus légers et mieux dressés. C’est bien. Sauf que, avec ce type de cavalerie, lorsque vous « tombez » sur des toros qui allient trapio, caste et bravoure (certes, je vous accorde que c’est de plus en plus rare), que ce toro déboule de la porte du toril dans un ruedo de 40 ou 45m de diamètre, le choc est tellement violent que dans la plus part des cas, vous mettez la vie du picador en danger. L’autre risque réside dans le fait que ces chevaux, tellement bien dressés, ne trouvent pas sur leur dos des picadors qui soient de vrais cavaliers et certains autres qui sont de bons cavaliers ne soient pas forcement de bons picadors.
En tout état de cause, ces chevaux légers et bien dressés font le spectacle lors du tercio mais en y regardant un peu mieux, quel est le spectateur qui pourra être sûr que c’est le toro qui pousse et non pas le cheval qui dérobe. Dans la plupart des cas, c’est malheureusement le cheval qui dérobe et qui en reculant nous invente la carioca inversée.
Le remède n’est-il pas pire que le mal ?
Pour en terminer, et encore dans le même fascicule, dans un article intitulé « Utopie et tercio de piques » Jacques DALQUIER nous propose une alternative qui à mes yeux est très intéressante :
« Pour redonner signification à ce tercio et au picador son rôle inaliénable de torero, hasardons-nous une solution qui peut apparaître aussi efficace…qu’utopique : rendre au picador son indépendance totale vis-à-vis du matador ; il sera responsable de la qualité de son actuacion conformément à l’éthique et aux canons de l’art taurin ; précisons que la cessation tercio serait assurée, comme à présent, (en théorie du moins) par la présidence technique. L’indépendance du picador serait d’ordre matériel : désormais, engagé directement par l’empressa, le picador ne serait plus l’exécutant servile des basses œuvres mais une sorte de soliste jouant sa partition dans l’harmonie générale de la lidia. »
Y porque no !!!
Il revient à ma mémoire certaines discussions lors de voyages au campo…
Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’au moins pour ce qui est des novilladas piquées, la plupart des novilleros n’ayant pas de cuadrilla fixe, il serait intéressant que certains organisateurs sortent de leur petit confort et prennent le temps et le risque d’opter pour cette proposition.
Certaines arènes de deuxième catégorie le font en corrida, alors...
Y porque no ???
Patrick SOUX
PS: Un de nos abonné nous ayant fait parvenir des remarques et des mises au point très intéressantes au sujet des parutions de cette série d'articles sur l'art de la pique, nous vous proposerons leur lecture dans une publication complémentaire à paraître le lundi 29 janvier.