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"Tras los montes"

Publié le par Cositas de toros

      La pandémie a aggravé les faiblesses de la tauromachie, telles que la désunion, l’individualisme, le mépris de l’aficionado, l’absence de planification et d’autocritique. La temporada 2021 apparaît complexe mais décisive. C’est une inconnue qu’il faut résoudre avec une certaine révision et un objectif prioritaire : les arènes importantes devraient ouvrir leurs portes et proposer des ferias.

 

     Six aficionados et non des moindres ont été consultés et ont donné leurs impressions sur le blog d’El País. Deux femmes, Araceli Guillaume Alonso, professeur émérite d’histoire de l’Espagne et Anabel Álvarez, présidente des arènes de Grenade, et quatre hommes : Juan Antonio Carrillo, professeur de droit et avocat, Jorge Fajardo, président de l’Union des Fédérations Taurines des Aficionados d’Espagne (UFTAE), Fran Pérez, co-directeur du magazine taurin El Muletazo, et Gonzalo Santonja, professeur à l’Université Complutense de Madrid.

    Ils ont chacun répondu à deux questions. (Toutes les réflexions suivantes sont teintées d'énormes inquiétudes et de réalisme, mais aussi d'espoir - peu). 

 

El País, 17 janvier 2021, par Antonio Lorca

Quelle leçon la pandémie a-t’elle offerte au monde de la tauromachie ?

 

A. Guillaume Alonso

     « La tauromachie a survécu à de nombreuses crises de l’histoire grâce à sa capacité à s’adapter à la société, à évoluer avec elle », explique A. Guillaume Alonso, la Bilbaína. Elle rajoute que dans le secteur taurin « il y a un manque d’unité et une volonté de changer les structures trop conservatrices, souvent archaïques et que les tentatives de le faire se heurtent à une réaction peu favorable – non solidaire – sans que l’aficionado puisse faire grand-chose d’une manière ou d’une autre. »

   

Jorge Fajardo

      Jorge Fajardo estime que « la pandémie a révélé un manque de cohésion et de planification pour proposer un projet solide, et a livré un sentiment de faiblesse devant un gouvernement dont il n’est sorti que de longs échanges. »

     « L’unité du milieu taurin est essentielle pour faire face aux difficultés qui sont apparues et celles qui vont surgir », souligne Anabel Álvarez, rajoutant « les aficionados – le public – se sont mis à la hauteur des circonstances, car malgré les difficultés économiques et les restrictions sanitaires, ils se sont rendus aux arènes où se sont déroulées des spectacles » et « le travail inestimable que la Fundación del Toro de Lidia a accompli pour que l’année ne soit pas une année blanche offrant un écart encore plus grand entre la société et la tauromachie. »

     Fran Pérez considère que « le secteur vivait dans une bulle et ne pensait pas à l’avenir malgré le fait que différents groupements d’aficionados lui montraient que la Fiesta regardait au-dessus du peuple. La critique constructive ne va pas avec la tauromachie, mais la pandémie est arrivée et nous a remis les pieds sur terre ; il est vrai que la Fiesta peut s’achever. » « Maintenant c’est le coronavirus » conclut-il, « il y a une seconde chance, mais que se passera-t’il si une loi d’interdiction de la Fiesta survient ? »

 

Gonzalo Santonja

       Gonzalo Santonja, écrivain et critique littéraire, dépasse le monde des toros et affirme que le virus nous a appris que « nous sommes très fragiles, que toute réalité humaine manque de cohérence face aux démons déchaînés par la pandémie. » « En ce moment » poursuit-il, « comme l’a écrit Pedro Salinas (poète taurin), " nous avons la vie en suspens, et il ne peut y avoir qu’une réponse mondiale pour mettre fin au développementalisme incontrôlé qui nous a conduit ici" . »

     Le Sévillan Juan Antonio Carrillo, juriste renommé et aficionado engagé, fait la réflexion suivante : « Je crois que la pandémie a accéléré et aggravé les faiblesses de la corrida. Il est symptomatique que la majorité des travailleurs et des entreprises de l’industrie culturelle aient été soutenus par des mesures compensatoires pendant la pandémie, et qu’il ait été refusé de le faire en ce qui concerne le monde taurin. C’est un déni implicite quand il n’exprime pas le caractère culturel de la corrida. On pourrait dire que la position de la Cour constitutionnelle dans la défense de la tauromachie en tant que manifestation culturelle n’a pas imprégné l’exécutif. Ce qui, pour la Droite aujourd’hui, est la culture, ne l’est pas pour la majorité au Parlement. »

 

Quelles sont les perspectives pour la temporada 2021 ?

 

     J.A. Carrillo souligne que « la seule façon que j’envisage pour maintenir la tauromachie en Espagne est de prendre conscience de l’intérieur que nous sommes une minorité culturelle très remise en question, et de défendre notre droit contre l’abolition à partir de là, c’est la position du droit des minorités. Sur le plan juridique, c’est un point de départ beaucoup plus solide que la revendication d’élargir la déclaration des biens culturels immatériels à partir des lois nationales ou de l’UNESCO, qui ne reconnaîtra pas la tauromachie en tant que telle. »

     Araceli Gullaume Alonso : « L’avenir est une grande inconnue, mais j’aimerais imaginer que l’expérience traumatisante de cette année peut servir à moderniser les esprits et les usages. Vous n’avez pas à regarder en arrière, et nous devons rester plus fermes que jamais dans notre afición, sans complexes ni victimisation. »

     Jorge Fajardo, pour sa part, soulève ce qu’il appelle « un renouveau sérieux qui mise sur le soutien de la tauromachie de base et renouvelle l’escalafón ; encourager les novilladas, rechercher l’intégrité du toro et, bien sûr, compter sur l’opinion des aficionados. Des temps difficiles arrivent, mais la continuité de cette grande fête est entre les mains des instances taurines. »

     « Je suis optimiste, même si ce sera une saison complexe, et je pense aussi qu’elle sera décisive pour la tauromachie » déclare la présidente des arènes de Grenade, Anabel Álvarez qui se montre une fervente partisane de l’organisation de spectacles taurins. « Et que tous les protagonistes s’engagent à un objectif au-dessus de leurs propres intérêts. »

     « Soit les questions urgentes sont résolues, soit il n’y aura pas d’avenir » déclare Gonzalo Santonja. Selon lui, « les plazas ne peuvent rester fermées et encore moins celles de référence, les administrations publiques doivent renoncer à des spécifications inabordables, certains impresarios parlent plus qu’ils n’agissent, les toreros du haut de l’escalafón doivent être mesurés, et il est essentiel que les cuadrillas adaptent leurs revendications vers une réalité décroissante. »

      Fran Pérez convient qu’il est essentiel de réactiver la Fiesta, que les grandes arènes offrent à nouveau des toros et proposent des nouveautés. « Si 2020 nous a appris quelque chose, c’est qu’il y a des toreros appelés à renouveler les rangs "vintage" actuels – il y a les cas de Juan Ortega ou Gómez del Pilar, par exemple – et, en plus, il est nécessaire pour ressusciter la Fiesta dans les villes, d’organiser des spectacles selon le niveau de leurs arènes. » Il préconise aussi que les prix des places soient raisonnables et que la Fiesta revienne "modérément" à la télévision. Mais il conclut : « Malheureusement, j’ai peu confiance dans le milieu taurin, et d’après ce que nous apprenons, il semble qu’il y aura peu de changement. Il y a l’exemple de la Plaza de Grenade : ils ont accordé l’exploitation à une puissante famille d’éleveurs et d’hommes d’affaires qui, il y a quelques années, ont été condamnés à une amende pour avoir "afeité" les toros présentés dans cette même arène. »

 

   

      C’est bien, lucide et avisé. La balle est sur le terrain des responsables taurins. Comme on dit chez les écolos : « Passer du rôle de lanceurs d’alerte à celui de lanceurs d’avenir. » Le soleil ne semble guère vouloir se lever, rien de nouveau "tras los montes" (et chez nous ?).  On a plutôt l’impression désagréable que le statu quo va perdurer.

 

    Et pour en rajouter, l’ancien torero, banderillero, Luis Miguel Calvo, président de l’Association syndicale des professionnels de la tauromachie (ASPROT… et la douleur s’en va… pas sûr...) créée en 2011, rassemblant picadors, banderilleros, mozos de espadas et ayudas (environ 160 membres) a publié une déclaration adressée à la Fondation Toro de Lidia, montrant son désaccord pour ne pas être « convoquée aux commissions de suivi hebdomadaires convenues dans le contrat » signé le 21 septembre 2020 dans le cadre de l’accord cadre et du comité de crise.

… Déjà que cette corporation est dure à manœuvrer, un véritable monolithe.

Bienvenue dans l’univers confus, brumeux, hermétique du mundillo !

     Et que fait l’ANOET, l’Asociación Nacional de Organizadores de Espectáculos Taurinos créée il y a plus de 40 ans ?

J’ai tendance à voir dans cette association, une association plutôt internationale puisque trois arènes françaises y adhèrent : Nîmes, Arles et Béziers, et Simon Casas en est le président.

En insistant dans l’inaction, le temps précieux s’écoule. Que font les empresas, les organisateurs professionnels ?

¡Nada! Mais qu’ils réfléchissent, travaillent, fassent pression, inventent, se risquent, se plantent… mais qu’ils bougent ! Et collectivement et non pas en franc-tireur.

Donner un coup de pied dans la fourmilière et réduire ces foutus budgets sans programmer des spectacles médiocres. C’est cela que nous souhaitons quand le rideau s’ouvrira à nouveau, en… ou en…

Avaler l’instant, le boire et le respirer, s’en nourrir, l’engloutir jusqu’au fond de l’estomac jusqu’à la nausée.

 

                                                             Gilbert Lamarque

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