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Une histoire des toreros navarrais

Publié le par Cositas de toros

 

            Depuis la fin du XIVe siècle, on note des spectacles tauromachiques dans la capitale, Pampelune, et l’une des origines du toro de combat se retrouve précisément sur les rives de l’Ebre avec les toros élevés en Aragon, en Navarre et dans La Rioja. D’où les milliers de festivités populaires qui ont lieu chaque année dans ces trois communautés.

     L’histoire des premiers toreros navarrais remontent au XIVe siècle. Le pionnier se nomme Esquiroz, célèbre pour ses agissements de bandit. Il se cachait dans les Bardenas Reales suite à un meurtre (± 1315). A la fin de ce même siècle, un garçon d’Estella nommé Juan Santander est reconnu pour son intrépidité. Ce n’est qu’au XVIIe siècle qu’émergent des jeunes qui se distinguent par leur compétence auprès des toros. Ces toreros annoncés et ayant un contrat sont nombreux. Pedro Pérez de Castro qui torée de 1635 à 1638 ; Juan de Labayen de Estella ; José de Burdeos né à Sangüesa ; Manuel de Berroeta qui torée à pied et à cheval : Antonio Bautista, Sebastián de la Cruz et Julio García ; Baltasar de Prado, Antonio Quintana et José de Urrea ; Mateo, Jacinto González et Bernabé Vicente qui ont toréé à Madrid pour les fêtes de 1659.

     Dans la seconde moitié du siècle, les plus célèbres furent, Juan Pérez Carretero, Domingo Barrera et Francisco Milagro, tous trois de Tudela. Ce dernier fut le plus fameux de son époque dès 1650.                                                                                          En ces temps, à Tudela, les toros étaient un spectacle coutumier. Nous savons, grâce aux livres de comptes municipaux qu’il était organisé chaque année les festivités de la San Pedro, San Francisco Javier, la Inmaculada, San Marcos, el Corpus, el dia de la Octava* et la fête de San Fermín.

     Mais, c’est au XVIIIe siècle que les Navarrais entrent dans l’histoire de la tauromachie navarraise avec, sans aucun doute, El Licenciado de Falces, de son vrai nom Bernardo Alcalde y Merino né à Falces le 24 mai 1709 (peut-être), et les frères Apiñani de Calahorra, El Tuertillo (ou El Navarrillo) et Juan (Juanito) lequel fut immortalisé par Francisco de Goya ainsi que El Licenciado de Falces dans deux gravures de sa tauromachie universelle.

 

 

 

 

 

     Le premier sautant le toro "a la garrocha", le second s’enroulant avec la cape. Les frères Apiñani formaient une fameuse paire car on trouve mention de leurs exploits dans les archives de Pampelune, Saragosse et Madrid ! Au cours de ces années, José Legurregui "El Pamplonés" s’est distingué également combattant lors de l’inauguration des arènes madrilènes de la Puerta de Alcalá en 1749. On mentionne aussi son contemporain Joaquin Lapuya natif de Peralta.

     Au XVIIIe siècle, dans le Sud de l’Espagne, brillait la famille Romero, de Ronda, et le petit-fils du créateur de la dynastie allait asseoir, avec Costillares, une nouvelle façon de combattre les toros bravos. Ceci eut pour conséquence la disparition du toreo navarrais. Ce toreo s’appuyait sur des qualités physiques des hommes, la force, l’agilité : correr (courir), regatear (feindre), recortar (couper la course du toro), quebrar (embarquer l’animal sur le côté), saltar (sauter). Tout cela, loin des parar (arrêter), templar (calmer, adoucir) et mandar (envoyer, faire sortir) de l’école andalouse. Aujourd’hui on y ajoute recoger (reprendre le toro pour enchaîner).

     A la suite de cette tauromachie réglementée, peu de toreros en Navarre ont atteint l’alternative.

 

      Le premier doctorant se nomme Saturio Torón lors des Sanfermines mais nous sommes déjà en 1931 ! Il reçoit les trastos des mains de Marcial Lalanda. Il confirme à Madrid mais piètre matador, il abandonne l’habit de lumières avant de disparaître tragiquement. Il débuta comme boxeur dans la catégorie mi-lourd. Après son aventure de torero sans grandes possibilités mais à la volonté de fer, il se tournera vers le journalisme et trouve la mort en 1936 sous l’uniforme de capitaine de l’armée républicaine (voir Cositas du 21/12/2020, Guerre civile, franquisme et tauromachie III).

 

     Julian Marín a été le diestro le plus connu et le plus populaire que la Navarre ait produit (voir Cositas du 13/05/20, Un encierro tragique à Pamplona et celui du 20/05/20, De l’aîné au cadet, la fratrie de Tudela). Né à Tudela, il prend l’alternative le 7 juillet 1943 à Pampelune avec un cartel de luxe : Pepe Bienvenida et Manolete. Il combat jusqu’au milieu des années 50 et a toujours fait preuve d’un courage et d’une fierté sans compromis. Il a donné l’alternative à Pampelune à son frère cadet Isidro lors de la Feria 1951, mais le plus jeune de la famille a laissé moins de souvenirs aux aficionados de l’époque.

     A titre d’anecdote, les alternatives de Javier Sarasa et de Lalo Moreno. Le premier, un amateur practico, le second le neveu du ganadero César Moreno.   

Javier Sarasa

   

Lalo Moreno, doblador

                                                                                       

      Javier Sarasa Moneo devenu podologue est décédé à Tudela le 15 octobre 2008 à 77 ans. Né dans cette ville, ce fou de toreo ne manquait aucune occasion pour saisir les opportunités offertes dans la région. Ses études l’ont amené à suspendre ses aventures taurines mais quelques années plus tard, bien préparé, il décide à 41ans de prendre l’alternative à Pampelune, le 3 juin 1973, parrain Paco Ceballos, témoin Bartolomé Sánchez Simón, toro de la cérémonie de César Moreno. Après avoir reçu l’oreille du toro du doctorat, il se coupe la coleta comme il l’avait prévu. Il ne porta plus l’habit de lumières, mais il se produisit dans de nombreux festivals.                                     

    Lalo Moreno Arocena coupe les deux oreilles à "Hebreo"… et son frère Javier, avant sa sortie en triomphe, lui coupe la coleta. À partir de 1987, il est doblador** à Pampelune durant 18 ans. Né le 12 juillet 1956 à Pampelune, il fait son apprentissage dans l’élevage de son oncle César Moreno et ses débuts avec picadors à Sangüesa. L’alternative eut lieu à Tafalla, parrainée par El Niño de la Capea en présence de Pepín Jiménez, toros d’Antonio Pérez Angoso.

 

     Victoriano de la Serna Ernst né à Pampelune le 1er mai 1939 est le fils de Victoriano de la Serna Gil, figure incontournable des années 30, le diestro de Ségovie, torero et chirurgien pendant la Guerre civile. Il est le deuxième des trois toreros de la dynastie. Alternatives : le père en 1931, lui le fils en 1960 et le petit-fils, autre Victor en 2002. Il y eut aussi des novilleros dans la famille avec ses oncles Pablo, Ramón et Rafael. Quant à son frère José Ignacio, il fut le banderillero, entre autres, de José Fuentes. De quoi parlait-on lors des réunions Familiales ? Il décide de prendre l’alternative à Aranjuez, le 5 septembre 1960. Son parrain est le matador vénézuélien Curro Girón et le témoin Paco Camino. Le toro du doctorat, "Diamante" appartenait à Antonio Pérez de San Fernando (Salamanque). Il offrit solennellement ce toro à son père et connut un après-midi triomphal. Le 15 du même mois, dans le mouvement, il confirme à Madrid devant les toros de Samuel Flores avec Luis Miguel Dominguín et Victoriano Valencia. Il arrête en 1965, reprend en 1968 à Calatayud et raccroche définitivement en 1978. Il décède à Séville le 10 décembre 2016.

 

     Puis vint Sergio Sánchez Chivite né le 12 février à Cintruénigo, ville jumelée avec Mugron. Il entre en 1984 à l’école de tauromachie de Madrid. C’est à Pampelune, le 7 juillet 1990 qu’il prend l’alternative avec Julio Robles comme parrain et Ortega Cano, témoin, toros du marquis de Domecq. Celui de la cérémonie le blesse pendant le tercio de banderilles. Opéré à l’infirmerie,… adieu l’alternative… qu’il prendra le 14 juillet pour sa deuxième présentation contractée pour la Feria. Ce jour-là, le doctorat lui est accordé par José Luis Palomar en présence d’El Fundi et de Pablo Hermoso de Mendoza, toros du comte de la Corte. Le lendemain, tant que c’est chaud, il file à Madrid confirmer l’alternative. Il combat des toros de Moreno de Silva en présence de Raúl Aranda et Juan Antonio Carretero. Il se retire le 29 septembre 1999 à Corella après avoir effectué 141 paseos en corrida. Lui aussi est doblador à Pampelune. 

 

    Javier Martínez "Paquiro" né dans la capitale navarraise le 10 juillet 1972, a intégré l’école de tauromachie de Navarre à 12 ans. Il fait ses débuts avec chevaux, le 18 mars 1990 à Arnedo où il devient, l’année suivante, lauréat du "Zapato de oro". L’alternative s’effectue à Pampelune, le 7 juillet 1992 des mains d’El Niño de la Capea en présence de Miguel Báez Litri avec des toros d’Ortega Sánchez. Le 23 septembre 1997, la police découvre son corps sans vie dans son appartement de Pampelune. Il s’est suicidé, il avait 25 ans. Il venait, cette année-là, de débuter une carrière de banderillero pour le compte de l’Aragonais Paulita, alors encore novillero.

 

Alternative d'Edu Gracia

     Le 11 octobre 1973, Eduardo Apostúa Gracia vint au monde à Pampelune et prend le nom d’Edu Gracia, élève de l’école de tauromachie de Navarre. Première bête tuée à Corella, le 28 mai 1989, et première novillada piquée à Arnedo, le 21 mars 1993. Sa carrière de novillero est interrompue à de nombreuses fois pour blessures. L’une d’elles le contraint à reporter son alternative annoncée pour la Feria de Tudela en 1996. Il peut accéder an doctorat l’année suivant, le 15 août 1997 à Tafalla, parrainé par Juan Mora en présence de Manolo Sánchez, toros de Flores Albarrán. En 1998, il change l’or pour l’argent et devient banderillero.

 

     À la même époque, apparaît Francisco Marco. F. Marco Oyarzábal est né à Estella le 16 avril 1978. Son penchant tauromachique lui est venu par son père, Felix Marco "Marquito" qui avait été torero au milieu des années 1960. Le fils fut aussi un élève de l’école navarraise. Il débute à Pampelune avec chevaux le 6 juillet 1996. C’est à Santander, le 26 juillet 1999, qu’il prend l’alternative avec des toros de Sánchez Arjona. Le parrain est Curro Romero en présence de José Tomás : quel standing ! Il ne confirme que le 18 juin 2006 à Madrid en présence de Frascuelo et Oscar Higares, toros d’El Serrano.

 

Alternative de Pablo Simón

     Quelques années plus tard, émergent Pablo Simón "Chiquilin", Javier Antón puis Javier Marín.                                                                                                              Pablo Simón del Rincón est enfant de Tafalla où il est né le 21 août 1981 dans une famille très taurine avec un grand-père qui fut torero dans les années 1950 sous le nom de Cayo Rincón "Chicuelin". Le petit-fils suivra les cours de l’école de tauromachie de Navarre. Sa première sortie avec le castoreño a lieu à Tafalla le 20 août 2002 et c’est dans cette même ville qu’il prend l’alternative, le 20 août 2006 devant des toros portugais de Santa María avec Antonio Ferrera et le "pays", Francisco Marco. Il coupera l’oreille du toro d’alternative et les oreilles et la queue du sixième ! Depuis 2010, lui aussi a échangé l’or contre l’argent, devenant banderillero.

 

     C’est à Murchante, tout près de Tudela, que naquit Javier Antón Aguado le 14 septembre 1984. Il hérite de la passion paternelle. Son père, Vicente Antón, picador natif d’Ablatas (jumelé avec Geaune, Landes), plus connu sous le nom de "Chamaco" de Ablitas, a créé un élevage de bravos, Mis Canasreras avec du bétail de Santafé Martón. Il fait ses débuts avec picadors à Saragosse devant un encierro de Prieto de la Cal. Le 8 septembre 2013, il prend l’alternative en plaza de Cintruénigo, parrain Ángel Teruel et témoin le rejoneador sévillan Luis Valdenebro. La ganaderia est Los Recitales et le nouveau matador coupe les deux oreilles de son second toro.

 

     Javier Igea Sáiz Marín est né le 15 novembre 1992 à Cintruénigo. Il prend l’alternative dans les arènes de Tudela le 29 juillet 2017 avec Francisco Rivera "Paquirri" et Juan Bautista. Les toros de la cérémonie sont de Valdefresno (oreille et deux oreilles). Il avait débuté avec picadors à Tudela le 25 juillet 2013 avec Javier Jiménez et Jesús Duque, bétail de Manuel Ángel Millares.

 

     Mais c’est à cheval que nous trouvons le meilleur torero en la personne de Pablo Hermoso de Mendoza qui a écrit de nombreuses pages en or dans l’histoire de la tauromachie depuis son alternative à Tafalla en 1989, lui l’enfant d’Estella. Son fils Guillermo ne souhaite que le remplacer avantageusement après avoir obtenu son doctorat à Séville lors de la temporada 2019.

    Rajoutons à ces références, et la boucle sera bouclée, le cavalier Roberto Armendáriz né à Noáin le 15 juillet 1985 qui a pris l’alternative à la Feria de la San Mateo de Logroño des mains de son idole, Pablo Hermoso de Mendoza.

 

*El dia de la Octava. La nuit du 24 décembre, on célèbre Noël, puis suivent huit jours appelés Octave de Noël commençant le 25 et se terminant le 1er janvier. On fête le huitième jour après la naissance. Dans le calendrier liturgique existe aussi l’Octave de Pâques. Jésus ressuscite « le jour après le septième jour de la semaine ». (Ancien Testament).

**Doblador : il est apparu dans les années 1930 à Pampelune pour donner plus de sécurité durant le parcours de l’encierro. Très souvent des anciens toreros.

                                                                 Gilbert Lamarque

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CASANUEVA

Publié le par Cositas de toros

     Thomas Dufau, une journée au campo

 

cas27h

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Arles vs Nîmes : un otage, El Rafi

Publié le par Cositas de toros

 

           La préfecture des Bouches-du-Rhône a accordé à Jean-Baptiste Jalabert une dérogation pour organiser, en public, une corrida le dimanche 6 juin. La direction des arènes d’Arles attendait depuis le 22 mai.

Le combat Casas-Jalabert joue les prolongations.

Donc, le contrat signé au début avril est confirmé concernant l’alternative de El Rafi avec Daniel Luque et Adrien Salenc face aux toros devenus incontournables de Pedraza de Yeltes. Deux Nîmois à Arles, le premier passant son doctorat, le second agissant comme témoin : ¡que lastima!

Simon Casas qui avait dû décalé Pentecôte les 12 et 13 juin, avait annoncé cette alternative avec Antonio Ferrera et Juan Ortega, le samedi 12 après avoir préalablement prévu Enrique Ponce et El Juli !

… et El Rafi confirmera à Nîmes son alternative, une semaine après, maigre contrepartie.

Jalabert est heureux de déclarer cette corrida comme la première de la temporada française. La guerre des drôles – pas si marrants – continue, et que l’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas ici de revanche dans l’air.

Arles lamine Nîmes quant aux alternatives, spécialité nîmoise comme la brandade. En effet, le 3 juillet, Maxime Solera sera adoubé par Morante de la Puebla – styles aux antipodes – avec les toros de La Quinta.

 

©André Hampartzoumian

 

Déclaration de El Rafi au Midi Libre :

     « J’ai signé un contrat avec Arles, je vais le respecter. J’avais demandé à Jean-Baptiste Jalabert de rompre le contrat. Il a jugé que c’était mieux de le respecter. C’est une petite déception pour les Nîmois d’autant que je voulais prendre mon alternative chez moi mais ce sera la confirmation. J’ai conscience d’être un peu une balle de ping-pong dans cette affaire. Mais j’ai une carrière à faire. J’irai donc à Arles avec beaucoup d’illusion et l’envie de réussir, la même que j’aurai quelques jours plus tard à Nîmes pour la confirmation. »

 

Le rêve de El Rafi de prendre l’alternative dans sa ville de Nîmes s’est effondré. Ses apoderados – Alberto García (Tauroemoción) et Patrick Varin – et lui-même ont sollicité auprès de l’empresa arlésienne l’annulation du contrat et proposaient, soit de ne pas participer à cette corrida soit d’y participer en tuant deux novillos, ce qui aurait été la despedida de novillero à Arles.

Dans ce jeu de « ping-pong », El Rafi est resté dans le filet et son amertume, extrême. Les affaires avant l’humain, c’est bien connu dans ce milieu.

Arles n’accueillera que 2 900 spectateurs, telles sont les mesures. Beaucoup de fans du Nîmois se "brosseront", ravalant eux aussi, leur salive au goût amer.

Une feria complète sur deux jours comme cela était prévu, aurait permis aux aficionados de passer un week-end sur les bords du Rhône. Venir à Arles depuis le Sud-Ouest, par exemple pour une journée, puis revenir. Non, cela en découragerait plus d’un. Malgré tout, avec une jauge de 2 900 spectateurs, peu attraperont la queue de Mickey.

Toute cette ingratitude, cet égotisme au détriment d’un torero – c’est sa tarde, bon sang ! – et des aficionados. Le feuilleton se poursuit.

 

                                                       Gilbert Lamarque

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Un marathon taurin à la Monumental

Publié le par Cositas de toros

 

La dernière corrida « monstruo » à Barcelone : douze toros et trois heures et demie de spectacle !

 

 

          Au cours de plus de cent ans d’histoire, la Monumental catalane a accueilli à cinq reprises une corrida de douze toros, célébrations communément décrites comme des corridas « monstruo » dont la dernière édition a eu lieu en septembre, il y a un peu plus de cinquante ans.

     Le 6 septembre 1970, la plaza de Barcelone enregistra une grosse entrée pour assister à un authentique marathon taurin qui se déroula durant trois heures et demie. Aujourd’hui, on parle dans les milieux spécialisés, de réduire le temps du spectacle en proposant de monter une "séance" de quatre toros ou novillos pour lutter contre un déroulement trop long ! Parfois, cela paraît interminable, car souvent ennuyeux et aussi, trop de temps morts entre les tercios, etc. Mais chaussons nos zapatillas de compétition et revenons au marathon.

 

Corrida "monstruo", Barcelone. © El Ruedo

     Douze toros pour six toreros qui menèrent leur carrière du mieux qu’ils purent. Cinq toros de Gerardo Ortega, six du marquis de Domecq et un de Lourdes Martín Pérez Tabernero, de belle prestance, bien armés, qui ont permis aux piétons de briller. L’Aragonais Jesús Gómez "El Alba" a perdu l’oreille à son premier, échouant aux aciers. Dámaso Gómez, oreille et oreille fit quatre fois le tour du rond. Imaginez les minutes qui s’égrènent ! Paquiro, oreille et silence ; José Luis de la Casa, vuelta et palmas ; Santiago López, salut et oreille, et pour José Luis Segura, se fut plus bref, réduit au silence.

Quelques années plus tôt, en mai 1956, la « monstruo » fut une corrida au piètre résultat artistique – quantité ne rimant pas toujours avec qualité – et, remontant à la temporada 1942, on retrouve une autre corrida pour une douzaine de toros qui a été marquée par son caractère historique. Ce 26 juillet, des toros de Buendía et d’Ignacio Sánchez sont combattus par un sextet de luxe. Chicuelo, Nicanor Villalta, Pepe Bienvenida, Manolete, Pepe Luis Vázquez et Antonio Bienvenida. Les triomphes des cinq premiers ont obligé le plus jeune à jouer sa meilleure partition. Antonio Bienvenida débuta muleta repliée main gauche… et le toro n’aimant pas sa composition, l’attrapa de manière dramatique. Une cornada au ventre où il lutta pendant plusieurs jours entre la vie et la mort, pensionnaire de l’hôpital durant un mois. Historique rimant ici avec dramatique.

Un an plus tôt, le 24 septembre 1941, le marathon passait par un combat de douze pupilles de Cobaleda et Vicente Charro, toréés par Marcial Lalanda, N. Villalta, Vicente Barrera, Pepe Bienvenida, Bemonte junior et Pepe Luis Vázquez.

À cela, il faut ajouter deux festivals qui mettaient fin à la temporada barcelonaise avec toujours un grand nombre de cornus combattus. Le 11 décembre 1960, treize toros – les enchères grimpent – en hommage à l’homme d’affaires Pedro Balaña qui avait reçu la Cruz de la Beneficiencia. Il y avait pour fêter ça, Antonio Bienvenida, Luis Miguel Dominguín, Julio Aparicio, Joaquin Bernadó, Gregorio Sánchez, Chamaco, Fermín Murillo, Victorino Valencia, Jaime Ostos, José María Clavel et les frères Ángel et Rafael Peralta, soit douze toreros à pied ou à cheval ; pour qui le treizième toro ? superstitieux s’abstenir.

Mais le record, ce fut le festival au profit des victimes des terribles inondations de 1962. Jusqu’à, dix-neuf toros – le Catalan est généreux – ont été combattus. On démarra le matin, on termina l’après-midi, le 12 octobre. Parmi les matadors présents, Domingo Ortega dirigeait les débats ; El Andaluz, Mario Cabré, Manolo González, Chamaco, Diego Puerta et El Viti, figuraient au cartel. 

Telle était la Catalogne taurine en ces temps-là : exubérante, inépuisable et généreuse.

 

 

     Le 25 septembre 2011, la saison taurine à Barcelone a baissé le rideau devant 18 000 aficionados acclamant les trois toreros qui tuèrent les huit derniers toros combattus à la Monumental : Juan Mora, José Tomás et Serafín Marín, vêtu pour l’occasion, de rouge et or, portant une cape multicolore sur une face, et de l'autre, aux couleurs rouge et jaune de la bannière catalane.

 

© Albert Gea

    Le 1er janvier 2012, la Catalogne deviendra la deuxième région d'Espagne à interdire la corrida, après les Canaries en 1991. Dès 2004, Barcelone s'était déclarée ville anti-tauromachie. Les motifs étaient politiques, et certains accusent les indépendantistes catalans d'avoir voulu porter un coup à une tradition associée vicéralement à l'Espagne.

La lumière s’éteignit sur la Monumental, et les eaux troubles qui ont toujours coulé dans l’univers taurin catalan, ont tari aussitôt.

De l’orgie, de l’exubérance, on passa illico à la pénurie, à l’abstinence.

 

                                                             Gilbert Lamarque

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Une autre époque...

Publié le par Cositas de toros

          … révolue, celle où la gauche se faisait le champion de la tauromachie.

 

                   Il y a peu, avant les élections dans la Communauté madrilène, une vidéo circulait où le chef de Vox, le conquistador de l’extrême droite, Santiago Abascal, et le candidat aux élections à Madrid, Rocío Monasterio, apparaissaient avec Morante de la Puebla, combattant une becerra. Ce fait mettait en avant la défense sans équivoque du parti à un moment où les attaques contre la tauromachie deviennent chaque jour plus virulentes de la part des formations à l’opposé, les partis de gauche.

 

Santiago Abascal dans la finca de Morante de la Puebla

 

     Au fil du temps, la corrida a toujours été un objectif idéologique de la part du monde politique. Leur appropriation a été tentée de toutes parts, et si la défense de la tauromachie est désormais entre les mains des partis de droite et de centre-droit, les toros ont également été utilisés comme porte-drapeau de la gauche.

En dehors des nombreux personnages du monde de la culture et de la politique reconnus comme de grands aficionados, des formations comme le Parti communiste espagnol et des syndicats comme Comisiones Obreras se sont positionnées sans préjugés en faveur de la Fiesta. Pendant la Trancisión*, les fêtes annuelles du PCE à la Casa de Campo de Madrid ont inclus des festivals taurins dans leur programmation, et la photographie dans laquelle Santiago Carillo a été sorti de la plaza a hombros par les militants, est célèbre.

 

Santiago Carillo après avoir présidé le festival.

 

     Les commissions ouvrières ont également organisé plus d’un festival au cours de ces années, entre autres, celui avec Antoñete "le rouge", au cartel. Il était nécessaire de défendre les intérêts de ses affiliés au sein de l’Association taurine de CC.OO. (Confédération syndicale des Commissions ouvrières), et pour lever des fonds, en octobre 1977, les arènes de Vista Alegre (Carabanchel) ont été remplies par le public pour assister aux triomphes des toreros tels que Sánchez Bejarano, José Luis Parada, Pascual Mezquita et García Higares, membres renommés du PCE. Les héritiers de ces militants communistes attaquent le toreo, avec pour seul argument, de le qualifier de « fiesta de derechas ». « Bâtard taurin », « tortionnaire », « vendu », sont quelques uns des qualificatifs que les hordes anti-corridas consacrent au chef du Parti socialiste d’Euskadi en Guipuzcoa et porte-parole au Parlement basque, Eneko Andueza, après la récente publication de Los toros desde la izquierda, un livre avec lequel il essaie d’éliminer les complexes et de présenter des arguments à la défense de sa passion.

Des subtilités similaires ont dû être endurées par le président du Parti Popular de Saragosse, Ramón Celma, qui, aux Cortes d’Aragon, a défendu le Parti loin des idéologies.

Jusqu’à la pandémie, en Espagne, plus de 16 000 fêtes taurines ont eu lieu dans des milliers de villes et villages du Nord au Sud et d’Est en Ouest. « Aller à l’encontre de cette réalité va à l’encontre du peuple » a insisté R. Celma. À Madrid, et seulement à Madrid, la non-célébration de la San Isidro signifie la perte de 412 millions d’euros pour la capitale. La tauromachie reste le deuxième spectacle le plus populaire d’Espagne après le football. Chaque année, toutes les manifestations taurines occupent 132 000 emplois directs et indirects, la Fiesta se déroulant dans plus d’une centaine activités commerciales, de l’agriculture, de l’élevage et de l’environnement, à l’administration de spectacles, le transport et, bien sûr, l’hôtellerie et la restauration. Le secteur génère plus de 140 millions de TVA.

 

Autres temps, autres mœurs.

1959

     Les attaques qui, de gauche, en particulier Podemos, sont lancées sur la corrida, contrastent avec l’utilisation que la même gauche a fait de ses symboles les plus emblématiques, les reliant à la Fiesta. Il suffit de se souvenir de l’image de Che Guevara en barrera à Las Ventas ou à Vista Alegre lors de sa visite madrilène à la fin des années 1950. Et pendant la Guerre civile, les corridas au profit et en hommage au Front populaire ainsi qu’aux brigades internationales, se sont répétées autant à Madrid qu’à Barcelone.

 

Quelques paradoxes.

     Pas de Sanfermines : en Navarre, le gouvernement est formé par BILDU** + PSOE + Podemos + PNV***. Ceci explique cela.

     D’autre part, si la Catalogne a interdit les corridas depuis 2010, la pratique des correbous continue à chaque saison estivale et sème toujours le trouble au sein de la société catalane. Le PACMA, Parti animaliste contre la maltraitance animale, critique l’hypocrisie des partis et des politiciens qui prétendent défendre les droits des animaux en interdisant la tauromachie mais approuvent la brutalité des correbous en Catalogne.

 

 

     Le correbou consiste à enflammer les cornes d’un toro, de le tirer avec des cordes, de le lâcher dans les rues d’un village et de le rendre fou face à des fêtards hystériques et souvent alcoolisés. ne facette catalane peu glorieuse de la tauromachie ibérique où il est tout de même interdit de mettre à mort cet animal.

 

*Trancisión : processus ayant permis la sortie du franquisme (1975/1982) et la mise en place d’un régime démocratique.

**BILDU, dans la Communauté autonome basque et la Communauté forale de Navarre, parti de gauche.

***PNV : parti nationaliste basque, au centre de l’échiquier politique.

 

                                                                    Gilbert Lamarque

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