GENIUS LOCI*
* Esprit du lieu, Saint-Sever
Depuis des temps immémoriaux, les personnes atteintes de différents maux fréquentent l'une des 150 sources guérisseuses des Landes de Gascogne. Dans une époque où les paysages ont changé, les villes grandi, en un temps où la modernité a tout bouleversé, les pratiques s'estompent peu à peu. Mais pour certains sites, les rites demeurent encore très vivaces.
Saint-Sever, ville millénaire s'enorgueillit d'un riche passé historique, la belle endormie vit ses beaux hôtels particuliers, propriétés des familles éminentes, fermer ses volets signe de l'exode des populations rurales. Avec le début du XXe siècle, la ville s'est caractérisée par de nombreuses villas en bord de ville. Dans les années 1930, de nombreuses demeures "néo-régionalistes" voient le jour. En 1960, les zones pavillonnaires reflètent un bon démographique et à Saint-Sever dans le coeur de la cité, on ne note aucun changement majeur.
Un manuscrit landais daté du XIe siècle : le Beatus de Saint-Sever éclaira la Gascogne de ses enluminures, ce recueil de commentaires bibliques sur l'Apocalypse sème ses grains dans un présent qui appartiendra bientôt, peut-être, à l'imaginaire collectif. Illustré par les génies de la peinture romane avec une telle maîtrise que neuf siècles plus tard il a influencé Picasso et Matisse... genius loci...
Pour l'heure, la ville présente un riche passé de traditions tauromachiques. Les Fêtes de la Saint-Jean célébrées par des courses de toros et son célèbre feu de la Saint-Jean, place du Tour du Sol. La célébration avait lieu, autrefois, comme de nos jours, à la Saint-Jean d'été, le 21 juin.
Les livres de comptes du Trésorier de Saint-Sever en témoignent depuis le XVIe siècle ! Le compte de 1513 spécifie que c'est au Tour du Sol qu'étaient placées les barrières par un certain Peyrot de Camer payé par la ville. Nous relevons dans l'étude de Michel Le Grand, archiviste des Landes : Les courses de taureaux dans le Sud-Ouest de la France jusqu'au début du XIXe siècle, que le nommé Bernard de Camée(r) reçoit un salaire pour débarrasser la place du Tour du Sol du bois qui l'encombre. De nombreux autres exemples en témoignent dans la suite des livres de comptes. L'usage de cette manifestation, dans les textes, remonte à 1510, mais l'existence est assurément antérieure... et c'est au XVIIe siècle que les interdictions sérieuses se multiplièrent... la tradition demeura et, qu'importent l'usure du temps, les aficionados, à la Saint-Jean d'été, retournent au Cap de Gascogne, peut-être moins nombreux, convenons en. Comme attirés à leur insu par une mémoire encore vibrante et évocatrice, par une trace laissée par nos ayeux. Le genius loci était pour eux une sorte d'esprit tutélaire, aujourd'hui point de mauvais sort, cette notion d'esprit du lieu que nous abordons au coeur des réflexions contemporaines sur le patrimoine environnemental. Car c'est bien du patrimoine dont il est question, patrimoine bien intégré au Cap de Gascogne car, en-dehors des fêtes patronales, on fêtait les cornu(e)s dans un autre quartier, à l'ouest de la ville et à l'opposé des arènes de Morlanne inaugurées le 26 juin 1932 .
Oui, le "culte moderne du toro est indissociable de Saint-Sever. C'est au quartier de Pontix du nom de la rue démarrant de la place Léon-Duffour donnant la sortie route de Montaut vers les terres de Chalosse où vivait une population ouvrière et marchande.
Les bistrots y étaient nombreux et c'est entre deux "chopines" que naquit l'idée d'une fête particulière. Donc c'est ici qu'eurent lieu les 27 et 28 septembre 1896, les Fêtes de la Saint-Michel dédiées à la vache landaise, les Fêtes du Barat du nom d'une propriété agricole d'où la cité Montadour-autre non de la ville pendant la Révolution-, se dresse aujourd'hui. Comme l'écrit le poète "nos fêtes de la Saint-Jean ont déjà Saint-Michel pour digne concurrent".
On inaugure les petites arènes du Barat "un terrain tout petit, un terrain fort ingrat ; sur ce joyeux terrain, il a fait une course qui nous a réjoui sans épuiser la bourse..." quelques vers puisés dans Le Progrès de la Chalosse du 29 septembre. Cette année-là fut la première de Pontix et le lendemain, la presse régionnale écrivait dans La Petite Gironde : " La Fête de Pontix, favorisée par un temps splendide, avait attiré hier, comme il était facile de prévoir, une foule considérable..." L'Histoire retiendra qu'il y eut quatre heures de courses, les gradins des emphithéâtres et les toits des maisons voisines étaient noirs de monde. Le bétail de Léglise de la commune voisine de Bégaar, peu fougueux mais qu'importe on était ici pour s'amuser et au soir de cette belle journée le Trésorier des fêtes remettait entre les mains de M. l'Econome du Bureau de bienfaisance, un excédent de recette, un reliquat de 10fr. 05 ! Et c'est ainsi que les Fêtes de Pontix "a valu à la ville de Saint-Sever deux jours de franche gaieté". Fêtes populaires ponctuées par deux après-midi de courses réservées aux amateurs, ces courses ont-elles frayé la voie à nos traditionnelles Courses des cuisilières du mardi ? L'dée de la fête, bien accueillie par la masse populaire a fait rapidement son chemin, passe-rue, rue pavoisée et enguirlandée, drapeaux au vent, fleurs et verdure ; tout y est ! musique et confetti, bien sûr.
La Guillerie, autre quartier de la ville, plus cosmopolite et plus étendu que Pontix a été contaminé. Eux aussi veulent célébrer leur fête et, selon Le Progrès de la Chalosse du 4 octobre 1896, "en proie à une noble émulation, ils promettent de faire grand".
Nous les verrons donc à l'oeuvre le dimanche et lundi 11et 12 octobre... L'esprit du lieu vous-dis-je.
à suivre...
Gilbert Lamarque