Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LE CHEVAL DE CORRIDA - 2

Publié le par Cositas de toros

    

    La créativité est une conséquence positive de l’ennui aussi bien que la raison d’être plus productif. Voici un dernier qualificatif qui ferait plaisir à notre Président !

Le confinement nous permet d’être plus altruiste et motivant et nous pouvons abandonner toute démotivation, toute lassitude…

Allez, ce n’est pas l’heure du jugement dernier ! Créez, soyez bons et généreux lorsque vous aurez repris votre liberté volée.

Et consolez-vous en imaginant que les odieux personnages qui hantent vos nuits et que l’on déteste, recevrons ce qu’ils méritent dans l’au-delà.

 

 

2e partie : rejones et acoso y derribo.

 

     Rappelons que la corrida nobiliaire des XVIe et XVIIe siècles impliquait l’utilisation de deux armes. D’abord la garrocha ou lance, qui suppose une monte à la bride avec les étriers longs et une immobilité relative. «  El alencear s’effectuait à cheval arrêté, à attendre la charge du taureau pour lui plonger la lance dans le cou, puis faire effectuer une volte au coursier vers la gauche pour lui épargner tout dommage ». Ensuite, le rejón, qui réclame une monte a la jineta (avec des étrivières fort courtes, de manière que les pieds, et donc les éperons soient tout près des flancs de l’animal) et autorise davantage de mobilité. Le rejón est une lancette en bois dur longue de 1,60 m, tenue à la main et terminée par une pointe métallique qui devait être portée sur le taureau dans un intervalle situé entre la nuque et la croix, à peu près au niveau des épaules.

Les techniques utilisées à l’époque semblent s’être limitées à des pratiques d’évitement et de harcèlement se terminant souvent par la mise à mort de l’animal depuis le cheval, ou à pied, lorsque le torero avait failli lors d’une des phases de son travail.

De nos jours, quelques deux siècles après son abandon en Espagne, le règlement officiel de la "nouvelle" (1930) corrida de rejón, reprend les trois temps de la corrida à pied. Pour le premier tercio, le rejoneador utilise une arme de "châtiment" dotée d’une lame de 18 centimètres destinée à « réduire la force du taureau et à réguler ses charges ». Avec le tercio des banderilles, le plus spectaculaire, il s’agit de poser des paires de harpons (7 cm) de diverses longueurs de bois (de 20 à 70 cm). Lors du dernier tercio, la mort est donnée au moyen du rejón de muerte, une lance à lame plus longue (65 cm) qu’il faut enfoncer au niveau du morillo du toro. 

 

Andy Cartagena, Nîmes juin 2016

 

     Une telle pratique dangereuse pour l’homme et le cheval, même si les cornes sont réglementairement épointées, voire gainées, requiert une monture apte à devenir une manière de prolongation de l’homme. Pour se montrer à la hauteur de son engagement, le rejoneador se doit de "fabriquer" un destrier atteignant le degré suprême d’un processus de domestication qui vise à transformer une "brute" en outil adapté aux exigences culturelles de la représentation. Comment imaginer qu’un torero se contente de préparer son cheval pour la seule monte ?

Il faut ici, une domestication spécialisée réussie, la doma (le dressage).

Donc, obligation est faite pour le cheval de rejón de correspondre à une esthétique et une mentalité précises : pas trop grand, rapide, équilibré pour les changements de direction, avec une bonne bouche, et assez de force pour supporter les coups éventuels ; docile comme l’espagnol, facile à préparer, mais avec du caractère, comme l’anglais… Comme au temps des prescriptions édictées par les Siete Partidas d’Alphonse X, il devra évidemment se réclamer d’une lignée et d’un sang reconnus : arabo-andalou, anglais, portugais surtout dans la corrida moderne. Le plus célèbre cheval de rejoneo, Cagancho, propriété de Pablo Hermoso de Mendoza, constituait une exception. Lusitanien de bonne souche, il ne présentait aucune des caractéristiques physiques et mentales souhaitées. Pourtant, « le cheval Cagancho restera dans l’histoire de la tauromachie comme un torero de génie (…), Jacques Durand, Libération, 12 juillet 2002.

 

Cagancho, le cheval torero

 

     Et ensuite, il est à souligner que le résultat tauromachique du processus de création s’est totalement libéré des contextes supposés le justifier, ou au moins le motiver, avant le XVIIIe siècle : guerre chevaleresque d’un côté, activités d’élevage extensif de l’autre. Le cheval de rejoneo n’a rien d’une monture militaire de terrain. Réputé exalter les valeurs guerrières de son cavalier, il se doit d’allier une efficacité technique à une esthétique de parade pour répondre à l’image sociale et culturelle qu’il  est censé transmettre. 

 

Acoso y derribo

     

     Dans l’Espagne d' aujourd’hui, des techniques traditionnelles de sélection des taureaux ne subsistent que dans le cadre très codifié et sportif du acoso y derribo. Il s’agit désormais d’une manière de divertissement surtout pratiqué par de riches cavaliers utilisant des montures proches de celles du rejoneo. Ici toutefois les chevaux (anglais de préférence) paraissent moins contraints, car ils n’ont pas à faire face directement aux bovins, mais doivent suivre les animaux et les approcher pour que le couple de cavaliers les fasse tomber en pleine course d’un violent coup de garrocha sur le train arrière. Pendant très longtemps, cette pratique a tenu lieu de tienta, permettant de vérifier le caractère combatif des bêtes, de sélectionner à l’âge de deux ans les futurs reproducteurs et d’évaluer la qualité supposée des taureaux destinés à la corrida.

 

… à suivre.

                                                                                                   Gilbert Lamarque

 

Commenter cet article