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Corrida à Senlis (Oise)

Publié le par Cositas de toros

 

         

 

               Les arènes de Senlis (Oise) édifiées au 1er siècle ap. J.-C., sont un petit édifice de spectacle gallo-romain de forme ellipsoïdale et de type semi-creusé. Elles ont été redécouvertes en 1865. Senlis, fondation purement romaine, était connue comme Augustomagus (le marché d’Auguste) et peuplée pour l’essentiel de Gaulois du peuple des Silvanectes. Les arènes avoisinaient à cette époque une capacité de 10 000 places. Les spectacles donnés furent le plus souvent des combats d’animaux.

 

     Vingt siècles plus tard, les derniers Gaulois senlisiens remettaient le couvert. Ils organisent, par l’entremise des Amis de Senlis, leur première corrida en juin 1956. Un évènement qui va réunir plus de 6 000 personnes pour applaudir « les exploits des grands noms de la tauromachie, dont Pierrette Le Bourdiec*, l’unique femme matador ».

     La communauté espagnole de la région garnit alors les rangées des arènes. Un indéniable engouement populaire qui donnera lieu à plusieurs rassemblements tauromachiques jusqu’en 1961, dernière corrida organisée. Cette fois, la fête sera ternie par un drame qui mettra un terme aux spectacles. « Il y a eu le décès d’un jeune spectateur, qui est tombé accidentellement et aurait été piétiné » explique le président de la Mémoire senlisienne. « Nous ne sommes pas sûrs des circonstances et nous n’avons pas vraiment de réel spécialiste de la corrida dans notre association. C’est aussi pour cela que nous recherchons toutes les informations à ce sujet ».

 

     Pour la première fois le dimanche 24 juin 1956, a eu lieu une "grande" corrida hispano-provençale. Dépassant les prévisions les plus optimistes, plus de 6 000 spectateurs, dont une grande partie de la communauté espagnole de la région parisienne, ont assisté à cette grande première.

     Dès 14 heures, les Senlisiens étaient invités à se rendre place de la Gare pour accompagner l’harmonie de Chambly qui s’était mise à l’heure espagnole. Le cortège démarra avec les matadors et les caballeros montés sur de magnifiques chevaux pour traverser Senlis jusqu’aux arènes.

     Pendant que l’harmonie s’installait à la tribune, le speaker commença à "chauffer" le public tout en déclinant le programme :

          «  - 9 taureaux de combat de 4 ans de pure race espagnole de la ganaderia José Sol de Salamanque.

             - Parmi les matadors, soulignons la présence du fameux et jeune P. de Montijo**, âgé de 21 ans (en fait, il avait 26 ans, ndlr), l’un des meilleurs matadors d’Espagne dans le maniement de la cape et la pose des banderilles. »

      « Le spectacle était aussi rehaussé par la présence de L. Raoux***. Bien que ne possédant qu’un bras, il mania son cheval avec une aisance magnifique et posa sur le taureau des rubans du plus bel effet. Il sut éviter par des pirouettes remarquables, les charges les plus redoutables.

     Vint ensuite la course provençale à la cocarde comprenant deux redoutables taureaux aux noms de Bison et Pastis… avec la participation du réputé raseteur Ayme, l’un des meilleurs actuellement dans l’exercice de cette périlleuse profession. Ces deux fauves très dangereux nécessitèrent l’adresse et l’agilité des raseteurs pour enlever la cocarde posée sur le front ou les glands attachés sur chaque corne.

     Enfin, le trio comique les Borrachos exécuta une parodie burlesque remarquable. Leurs gags et leurs pitreries face au taureau, ont enthousiasmé le public.

     Au terme de la corrida, de nombreux spectateurs d’origine espagnole et qui avaient revêtu leurs costumes de circonstance, furent invités dans l’arène pour danser des pasodobles endiablés, interprétés par l’harmonie de Chambly.

     Félicitons Mr. Calais**** pour l’organisation remarquable de cette manifestation tant au niveau de l’infrastructure que la composition du programme ».

     Vous remarquerez qu’il n’y a pas un mot sur le déroulement de la partie espagnole ainsi que sur « l’un des meilleurs matadors d’Espagne » Pepe de Montijo !

      Aujourd’hui, les arènes de Senlis ne sont plus utilisées car le site a été fragilisé par les années et s’apprécie désormais uniquement du point de vue historique et archéologique.

 

Deuxième corrida le 29 juin 1958

   

 

      Bien longtemps après avoir crié ave, on a aussi crié olé dans les arènes de Senlis. Il semblerait que ces olé ont retenti par trois fois en 1956, 1958 et 1961 à l’occasion des corridas hispano-provençales comme il était indiqué sur les affiches de ce temps.

 

*P. Le Boudiec naquit à Paris le 21 juin 1934. Les débuts avec picadors se feront le 9 octobre 1957 à Aigues-Mortes avec Ramon Gallardo et Pepe Luis Román, les toros d’Étienne Pouly. À Senlis en 1956, P. Le Bourdiec n’était donc qu’une becerrista. L’Espagne lui est interdite : la loi promulguée en 1908 par Juan de Cierva, ministre de l’Intérieur, proscrit le toreo à pied pour les femmes (loi abrogée en 1973).

     Elle deviendra rejoneadora, "Princesse de Paris", se présentant pour la première fois à Moguer (Huelva), le 9 septembre 1965. Elle sera la première française à se présenter à Las Ventas, le 12 octobre 1969 pour El Día de la Hispanidad. Elle poursuit sa carrière jusqu’en 1978 et se consacra ensuite au dressage des chevaux dans la Communauté de Madrid. Elle décède le 9 juillet 2011.

** Pepe de Montijo est né le 4 janvier 1930 à Valencia sous le nom de Joselito Peris. Il vint en France dès 1954 à Méjanes pour une première novillada piquée. Il revient en 1955 où il torée à Nîmes. Les contrats s’enchaînant il ne quitte plus le sol français et Nîmes où est établie une importante colonie espagnole essentiellement composée de réfugiés de la guerre civile. En 1956, Joseph Calais lui proposa des contrats dans la région parisienne dont Senlis. En 1962, il passe dans la catégorie des banderilleros et conseille et torée avec les novilleros français de l’époque et fait partie des cuadrillas de toreros espagnols venant toréer en France : Juan Mora, J.M. Manzanares, José Mata, José Fuentes, Paco Alcalde. C’est en 1988 que l’heure de la retraite sonne.

La bodega Pepe de Montijo, 13 rue Bigot à Nîmes est ouverte uniquement pour les ferias. Vieilles affiches de corridas, photos de Pepe, de Nimeño II et autres toreros nîmois, azulejos parcourent les murs dans une ambiance familiale des plus taurines à trois pas des arènes et à deux du bar Le Prolé.

*** Pierre Raoux, caballero camarguais, devint manadier au Mas de Lansac, Le Cavaou (Bouches-du-Rhône) après achat vers 1931 d’un lot d’Augustin Lescot. Ils étaient deux frères Raoux : Pierre dit Lolo et Eugène dit Néné. Lolo, bien qu’amputé de la main gauche, était un excellent cavalier.

**** Joseph Calais dit "El Gordo", cavalier émérite, rejoneador – dont la première épouse fut "Emma La Caballera", première femme française à toréer à cheval – fut aussi impresario.

 

                                                      Gilbert Lamarque

 

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C
comme quoi les toros et taureaux ont parcourus la france dans les annees passees
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